Plus qu’un simple rendez-vous dédié à la création contemporaine, le Nouveau Printemps s’incarne, depuis sa refonte il y a trois ans, en manifestation politique, qui veut parler d’art mais aussi du monde d’aujourd’hui et de ses enjeux, à travers des expositions et des événements dans différents lieux de Toulouse.
Comme la designer matali crasset en 2023 l’avait fait avec l’écologie, le commissaire de cette nouvelle édition, Kiddy Smile (né en 1983), a pensé le Nouveau Printemps comme une réflexion multi-auteurs autour des questions de l’homosexualité, de la transidentité, des masculinités noires, mais aussi de la danse qui unit les corps et de la fête comme espace d’engagement.
À lire aussi :
Toulouse : Kiddy Smile sera le commissaire de la prochaine édition du Nouveau Printemps
À la chapelle des Cordeliers, une prière pour le monde queer
Roméo Mivekannin, Pièta after Bouguereau (1876), 2025
i
Édifiée à partir de la fin du XIIIe siècle, l’ancienne église du couvent des Cordeliers héberge la proposition personnelle de Pierre-Édouard Hanffou, dit Kiddy Smile, soit une exposition intitulée « A House Should Be A Home ». D’emblée, le ton est donné : il s’agit d’ouvrir les portes de la manifestation aux amis de l’artiste, et d’en faire une grande fête façon ballroom, où chacun exprime par la danse sa singularité. On y découvre notamment le film Mother, que l’artiste a coréalisé avec Anne Cutaia et qui raconte l’histoire de la danseuse Nikki Gorgeous Gucci, pionnière du voguing en France.
« Faire famille », une expo tentaculaire autour de l’exil
Roméo Miekannin, Régiment de tirailleurs au poste d’Ait Frah, 2021
i
Toujours à la chapelle des Cordeliers, mais aussi au musée Saint-Raymond, à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine, à l’Université Toulouse-Capitole, à l’Inessential Space ou encore au Lieu-Commun, le grand accrochage collectif baptisé « Faire famille » féconde la ville. Celui-ci réunit des artistes qui convoquent la puissance de réparation et de bienveillance du collectif, mais aussi l’expérience du déplacement et la mémoire des corps noirs – donnant ainsi à voir, sous le commissariat de Yandé Diouf, une autre facette de la personnalité de Kiddy Smile. Parmi les œuvres (nombreuses) les plus belles, citons les cartographies réinventées et humanistes de Malala Andrialavidrazana (née en 1971), ainsi que les cartes postales et les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art revisités par Roméo Mivekannin (né en 1986), qui s’y faufile et les transforme en autoportraits puissants.
À lire aussi :
Roméo Mivekannin s’incruste dans les chefs-d’œuvre du Louvre
Rue Bellegarde, l’exploration des masculinités noires d’André Atangana
André Atangana, Corey Scott Gilbert, Anicet Kitambo et Mathis Benestebe photographiés à Toulouse, 2024
i
Photographie en noir et blanc • © André Atangana
Invité en résidence de création durant un mois dans la ville de Toulouse, le danseur, chorégraphe, photographe et vidéaste André Atangana (né en 1989) est l’une des belles surprises de cette édition. L’homme a choisi de travailler autour de trois figures masculines – l’artiste américain Corey Scott Gilbert, le photographe français Mathis Benestebe et le danseur congolais Anicet Kitambo –, et de mettre en scène dans de sublimes images leurs visages, leurs corps, leurs liens d’amitié. Nommé Uprooting, son projet qui explore également la question de l’exil et des diasporas se décline en un film (projeté lors du week-end d’ouverture) et des photographies, que l’on peut voir en grands formats dans la rue Bellegarde.
L’installation de Raphaël Barontini à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine
Raphaël Barontini, Exposition We Could Be Heroes au Panthéon à Paris, 2023
i
© Benjamin Gavaudo / © Centre des monuments nationaux
Vous l’avez manqué au Panthéon et au Palais de Tokyo ? Bonne nouvelle : le brillant Raphaël Barontini (né en 1984) s’empare ici de la salle principale de lecture de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine, où il déploie une installation textile monumentale. Réalisée à partir de collages et d’associations de tissus teints, d’impressions textiles numérique et de sérigraphies, l’œuvre rend hommage à la figure du conteur créole, et à sa littérature si particulière qui passe par « le son de sa gorge, mais aussi sa sueur, les roulades de ses yeux, son ventre, les dessins de ses mains, son odeur, celle de la compagnie, le son du ka et tous les silences », comme le dit l’écrivain Patrick Chamoiseau, cité par l’artiste.
À lire aussi :
Au Palais de Tokyo, comment Raphaël Barontini invente un portrait de cour caribéen
Où sont les femmes ? Randa Maroufi répond par l’humour
Randa Maroufi, La Princière, issue de la serie Les Intruses, 2019
i
Photographie couleur • © Randa Maroufi
Déjà repérée à la Biennale de Lyon en 2022 et récompensée au dernier festival de Cannes pour son film L’Mina, la plasticienne Randa Maroufi (née en 1987) poursuit « Les Intruses », sa série déjà culte, et en dévoile ici le quatrième volet. Le principe est simple : dans des photographies travaillées comme des plans de films – ou des films pensés comme des photographies –, l’artiste met en scène des femmes dans des endroits d’ordinaire associés voire accaparés par les hommes. Elle qui invitait jusqu’alors ses « intruses » dans des bars de quartiers ou dans des ateliers de mécanique s’est, pour le Nouveau Printemps, emparée de lieux de pouvoir de la ville de Toulouse, comme le palais de justice ou la salle des Doyens de l’université. Un questionnement passionnant.
À lire aussi :
Lille3000 fait la « fiesta » : les 15 meilleurs expos et installations à voir
Arrow
Nouveau Printemps 2025
Du 23 mai au 22 juin 2025
Pour en savoir plus, consultez le site du Nouveau Printemps