Chaque après-midi, un échantillon souvent représentatif de la délinquance du moment défile dans le box des comparutions immédiates du tribunal judiciaire de Marseille. Au chapitre des petites mains du trafic de drogue, surreprésentées à l’audience, ce sont maintenant les « Ubershit« , renommés « narcolivreurs », qui dominent. Le phénomène, né durant le confinement, a pris de l’ampleur, si bien que ces dealers interceptés en pleine tournée sont presque plus nombreux désormais que les « charbonneurs » de pied d’immeuble. Véhiculée, l’interpellation donne souvent lieu à des scènes rocambolesques, comme celle d’Ahmed, un jeune homme du 15e arrondissement de Marseille arrêté non sans mal sur l’A50, la semaine dernière, sans permis mais avec cocaïne et shit conditionnés, messageries chiffrées et petites coupures pour rendre la monnaie. Déjà condamné deux fois, il écope de deux ans et demi de prison ferme, révocation de sursis comprise.
Plus près du centre-ville, un autre profil se fait récurrent, celui de dealers en situation irrégulière, qui proposent de la cocaïne au dixième de gramme, pour s’adapter à une cliente moins fortunée et plus portée sur le crack. « Depuis quelques mois, on voit apparaître des points de deal qui s’adresse particulièrement aux consommateurs de crack, avec des doses à 10€, constate un policier du centre-ville de Marseille. On voit arriver les zombies qui viennent se fournir et transforment ensuite la coke en crack eux-mêmes ».
Dix euros, c’est justement le prix des bombonnes de cocaïne que propose Mustafa, cet après-midi du 4 avril 2025, lorsqu’il est arrêté rue d’Aubagne, à Noailles (1er). Cet Algérien de 27 ans, sous couvert de faux papiers Belges, vend les doses qu’il dissimule dans les nombreux pots de fleur à proximité du point de deal. Lui aussi utilise des messageries chiffrées, telles que Telegram et Signal. Le jeune homme, qui vit dans un hôtel du 6e arrondissement dit être rémunéré 70€ par jour pour dealer. Inconnu jusqu’ici de la justice, il s’en tire avec un an de prison avec sursis simple et cinq ans d’interdiction de territoire national.
« J’avais peur qu’on me renvoie au bled »
Pour Ramzi, un autre Algérien de 29 ans en situation irrégulière qui succède à Mustafa dans le box, l’issue s’annonce moins évidente. Le soir du 4 avril, il a été contrôlé à bord d’une voiture signalée volée sur le chemin de la Madrague-Ville, dans le 15e arrondissement. Lorsque les policiers ont activé leur gyrophare et le deux-tons, la Peugeot 208 n’a même pas fait mine de s’arrêter. Ramzi a foncé en direction de Campagne-Lévêque, roulé sur les trottoirs en manquant de heurter des piétons, grillé un feu tricolore et un sens interdit, avant de terminer sa course contre un lampadaire à la Calade. Poursuivi à pied, il est interpellé dans un buisson après avoir sauté un mur de près de 4 mètres. « J’avais peur qu’on me renvoie au bled », résume-t-il à la présidente Krummenacker.
La Peugeot a été volée dans le 2e arrondissement, deux jours après un cambriolage au cours duquel ses clés avaient d’abord été dérobées. Ramzi n’est poursuivi que pour son recel, outre le refus d’obtempérer et la rébellion. Mais il assure n’être qu’un mécanicien clandestin. Lorsqu’il a été repéré, il ramenait la Peugeot à un « client » à Campagne-Lévêque après une vidange. Mais le prévenu, déjà connu pour de multiples faits similaires et sous au moins trois identités différentes peine à convaincre ses juges, qui le condamnent, au-delà des réquisitions, à 15 mois de prison ferme et une interdiction de territoire de 10 ans.