Vingt et un livres publiés. C’est l’accomplissement de toute une carrière d’écrivain. À 93 ans, Lucien Nasarre est très certainement le doyen des auteurs présents au festival du livre de Nice cette année qui démarre ce vendredi 30 mai et s’achèvera ce dimanche 1er juin. C’est la septième édition à laquelle il participe, mesurant toujours sa chance. « Il y a peu d’auteurs en autoédition au festival. Mais j’ai réussi à m’y glisser », se réjouit-il.

Et comme il n’est pas accompagné par un éditeur: il écrit, met en page, puis confie son projet sur une clé USB à une imprimerie niçoise qui s’occupe de l’impression et de la reliure. Avant cette étape, il fait toutefois appel à des proches pour la relecture, notamment sa belle-sœur et sa femme. Cette dernière dessine aussi les couvertures de certains ouvrages. Mais ce statut d’auteur indépendant rend difficile la distribution de ses livres en dehors des festivals. « En librairie, ils gardent 35% du prix de chaque livre « , regrette l’auteur.

Encore une quinzaine de textes à paraître

C’est à 11 ans qu’il a commencé à écrire ses premières histoires. Celle de son premier livre édité se déroule à Nice, sa ville natale. « C’était un essai. Très modestement, je l’avais tiré à 200 exemplaires, en me disant que si ça marchait, je continuerais « . Résultat: 900 exemplaires vendus. Il réfléchit alors à en rééditer.

Sur l’ensemble de ses ouvrages, il affirme avoir vendu environ 3.000 volumes. « Ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est un lecteur qui m’a tout de suite reconnu lors d’un festival du livre. Il m’a dit qu’il avait adoré mon dernier livre. Qu’est-ce que ça fait plaisir d’entendre ça », lâche Lucien Nasarre, sourire jusqu’aux oreilles et main sur le cœur.

Ses talents répondent uniquement à son envie d’écrire tous les jours. « Ça, des idées, il en a », pouffe Christiane, sa femme depuis bientôt 64 ans. Pourtant, il s’est fixé un rythme de parution: un livre par an au maximum. « Aujourd’hui, il m’en reste une bonne quinzaine dans mon ordinateur, mais j’ai beau calculer, je mourrai avant de les avoir tous édités « , ironise Lucien Nasarre.

« Je m’arrêterai d’écrire quand je serai mort »

Écrire, c’est uniquement pour son plaisir. « Je m’arrêterai d’écrire quand je serai mort », lance-t-il souvent à sa femme. Car il ne gagne rien (ou presque). Pour ne pas perdre d’argent, il a un principe simple: « J’attends d’avoir vendu suffisamment de livres pour rentrer dans ma mise de fonds avant d’en sortir un autre « . Ce n’est pas pour la célébrité non plus, car il déteste les auteurs qui ont la grosse tête. « Au festival, quand je les vois parader devant moi », se moque Lucien Nasarre en bombant le torse pour les imiter.

Il a donc toujours écrit à côté de ses multiples emplois. D’abord au restaurant de ses parents, pendant 25 ans. Puis dans plusieurs magasins comme vendeur. Lucien Nasarre le reconnaît: il n’a jamais fait un métier qui lui plaisait. « Comme je n’avais aucun diplôme et aucune connaissance, trouver du travail était très difficile « , regrette-t-il, seulement titulaire d’un diplôme d’études primaires préparatoires (permettant de passer de l’école primaire au collège durant l’Occupation). Désormais à la retraite, il a tout son temps pour écrire. Et encore sur papier! « Je suis obligé d’écrire au moins le premier chapitre à la main. Parce que j’ai du mal à penser en tapant sur un clavier « , explique-t-il. Ce besoin du papier, de toucher la matière, de sentir l’âme des livres, de l’objet. « Combien de gens ont investi dans des liseuses avant de les délaisser pour racheter de vrais livres « , raille-t-il.

Sept ouvrages présentés au festival du livre de Nice

Ce qu’il attend du festival du livre de Nice? « Un peu de reconnaissance et vendre le plus possible. Comme ça, je pourrais sortir le prochain, qui est déjà prêt « , s’enthousiasme l’auteur. Au total, il présentera environ sept titres, dont ses deux nouveautés: Le prince de Fort-Hercule (un roman historique dont le héros est un prince de Monaco) et Les saigneurs de la nuit (un roman policier de science-fiction).

C’est ce qui caractérise Lucien Nasarre: un style libre, du livre historique au policier fantastique. L’art de multiplier les genres, toujours avec la même envie d’apprendre et de s’élever en écrivant. Une philosophie de vie: « Le plaisir de la connaissance est un des rares, peut-être le seul, qui se suffise à lui-même « .