Jean-Louis Spieser est en passe de réussir son pari : rendre un hommage (un dernier ?) aux désormais rares incorporés de force encore de ce monde. Le 25 août 2023, il avait, à Colmar, lors du 81e anniversaire du décret instituant l’incorporation de force, lancé un appel poignant : « L’Alsace ne pourrait-elle pas, le moment venu, accompagner le dernier d’entre eux en guise d’hommage silencieux à tous les Malgré-nous de nos familles, qu’ils soient tombés loin de leur Heimet ou qu’ils y soient revenus ? » Deux ans plus tard, seul avec Sylvie Reff-Stern, il a convaincu l’archevêché de consacrer une messe à ces quelque 143 000 Alsaciens-Mosellans qui ont été versés dans l’armée allemande contre leur gré.
Dimanche des Rameaux
Cette cérémonie, ouverte au public, aura lieu le dimanche des Rameaux (*) à la cathédrale de Strasbourg. « Quinze Malgré-nous et une Malgré-elle sont annoncés, dit-il. Les plus jeunes ont plus de 97 ans ! Ce sera une cérémonie avant tout religieuse mais nous pourrons lire quelques textes profanes », se félicite Jean-Louis Spieser. Et notamment celui de Charles Kreutter, originaire de Waldighofen, qui, après l’attentat avorté contre Hitler en juillet 1944, avait ouvertement regretté son échec. Dénoncé, il fut condamné mort puis pendu en août 1944. « On lira sa lettre d’adieu, particulièrement émouvante ». Autre texte, celui de l’écrivain André Weckmann. « Il s’agit d’un dialogue entre un enfant et son grand-père. Avec comme message fort cette phrase : « L’Alsace n’a pas perdu son âme aux heures tragiques de son Histoire ».
Un sentiment de reconnaissance
Jean-Louis Spieser a pu rencontrer quelques anciens incorporés et les persuader de venir. « Il faut voir le sentiment de reconnaissance de ces gens-là. À Sélestat, l’un d’eux m’a dit : “c’est trop tard”. Mais non, il est tard mais pas trop tard ». Il indique, par ailleurs, que deux délégués de la fédération luxembourgeoise des enrôlés de force seront présents. Une façon de rappeler que l’incorporation ne fut pas qu’une histoire alsaco-mosellane. Selon les travaux de l’historien Nicolas Mengus (**), de 295 000 à 750 000 Polonais, 39 000 Slovènes, 9 100 Luxembourgeois et 8 000 Belges connurent le même sort.
Symboliquement, le grand bourdon de la cathédrale sonnera tout comme la grande cloche de l’église Saint-Thomas.
(*) Dimanche 13 avril à 15 h. Contact : avec-nos-malgre-nous@orange.fr (**) : « Les Malgré-nous, l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans l’armée allemande », par Nicolas Mengus, Éditions Ouest France, 2019.