Par

Antoine Blanchet

Publié le

28 mai 2025 à 18h44

Quand rendre justice est plus long que reconstruire une cathédrale. Ce mercredi 28 mai 2025, quatre hommes comparaissent devant la 14ᵉ chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le quatuor est poursuivi pour des violences et un vol commis sur des militants d’extrême droite. Les faits ont été commis le 16 avril 2019, la nuit de l’incendie de Notre-Dame. Deux d’entre eux ont été condamnés. Les autres ont été relaxés. 

Retour à l’incendie de Notre-Dame

Même si sa voix est sans émotion lors de la lecture des faits, le juge replonge malgré lui la salle dans cette nuit terrible du 16 avril 2019.  Vers 2h30, alors que le brasier gronde toujours en haut de la cathédrale millénaire, les policiers sont appelés pour une rixe survenue sur le cossu boulevard Saint-Germain. Les protagonistes auraient pris la tangente le long du boulevard Raspail. Un équipage de police se rend sur place. Rien. Ils poursuivent sur le lieu de la fuite. Au croisement de la rue d’Assas, ils tombent sur sept hommes et une femme. Ils semblent correspondre au signalement. À côté d’eux, sur le sol, une basket Adidas de couleur bleue. 

Les agents procèdent au contrôle du groupe. Certains ont des traces de sang sur leurs vêtements. Une patrouille de la brigade de sûreté ferroviaire survient alors. Ils ont pris en charge un jeune homme bien amoché, roué de coups avec un ami sur le boulevard Saint-Germain. La victime, qui accompagne les policiers, s’est fait voler sa veste, son portefeuille, son Ipod et ses chaussures. Il s’agit de baskets Adidas de couleur bleue. Le jeune homme désigne le groupe comme responsable. Tout le monde est interpellé. 

Une longue instruction

Le passé à tabac, hospitalisé avec 10 jours d’incapacité totale de travail, est interrogé. Il explique faire partie de la mouvance identitaire. Avec un groupe de compagnons politiques, ils revenaient de l’incendie lorsqu’une bande, qu’il identifie comme des antifascistes, les ont pris en chasse. Lui et son ami  « H » ont été rattrapés et frappés au sol à coups de pied et de gants coqués. 

Les investigations démarrent et les enquêteurs exploitent la vidéosurveillance. Ils identifient quatre hommes via leurs tenues vestimentaires. Ils sont mis en examen. La longue information judiciaire se termine en 2023. Faute d’audiencement, ce n’est que ce mercredi que les prévenus peuvent enfin comparaître devant le tribunal correctionnel. « On a eu le temps de reconstruire Notre-Dame pendant l’instruction de ce dossier”, reconnaît le juge rapporteur. Quelques rires fusent dans la salle. 

« J’espère laisser cette histoire derrière moi »

Sur les quatre mis en cause, deux reconnaissent leur participation. L’un a porté un coup de pied sur la première victime au sol et volé la veste de la seconde. « Ce jour-là, on était sur les quais de Seine pour voir l’incendie avec mes camarades de la fac de Nanterre. On a entendu la rumeur d’une agression commise par des groupuscules d’extrême-droite. On est tombés nez-à-nez avec le groupe. Il y a eu une altercation », détaille le prévenu. « Ils ont proféré des insultes antisémites et racistes », ajoute le deuxième mis en cause. « La finalité, c’est que j’ai frappé un homme à terre », se repent l’auteur du coup de pied. La victime, qui ne s’est pas constituée partie civile, n’est pas présente à l’audience. 

Une chose est sûre, le temps a passé. Les jeunes étudiants sont devenus de jeunes adultes. L’un est avocat, l’autre entrepreneur dans le bâtiment. « Depuis 2019, j’ai écrit un nouveau chapitre de ma vie. J’espère laisser cette histoire derrière-moi aujourd’hui », confie à la barre l’un des prévenus. Tous ont un casier judiciaire vierge et souhaiteraient qu’il le reste, pour le bien de leur avenir professionnel. 

Deux condamnations 

Ce sont aussi ces nombreux tours d’aiguille qui allègent les réquisitions du parquet. « Il s’agit d’un fait unique dans la vie de personnes qui ont désormais une vie honnête. Je ne vais pas les faire passer pour pire qu’ils ne sont », reconnaît le magistrat. Dénonçant une scène « brutale », il demande huit mois de prison avec sursis contre les deux étudiants qui reconnaissent les faits. Dix pour ceux qui réfutent. Le procureur ne demande pas de mention sur le casier judiciaire. 

À la défense, on met en avant le parcours irréprochable de ces quatre jeunes hommes et on pointe du doigt une enquête malmenée. L’identification des deux prévenus contestataires est remise en question par les deux conseils, qui plaident la relaxe. Finalement, le tribunal est à la fois plus dur et plus souple. Il condamne les deux prévenus qui ont reconnu les faits à 10 mois de prison avec sursis. Les deux autres sont relaxés. Il n’y aura pas d’inscription sur le casier judiciaire. Dans la salle, on soupire de soulagement. 

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