Par
Pierre Chemel
Publié le
29 mai 2025 à 7h18
À quelques kilomètres du centre-ville bouillonnant de Lyon, un lieu inattendu et hors du temps intrigue les promeneurs avertis : le jardin de rocailles de l’Ermitage, à Saint-Cyr-au-Mont d’Or. Perché dans l’écrin de verdure du mont Cindre, ce curieux espace fait penser à un décor de théâtre minéral. Escaliers sinueux, arches fantaisistes, bancs sculptés, fausses grottes et fontaines en pierre composent un labyrinthe poétique, bâti… à la main.
L’auteur de cette œuvre étonnante ? Émile Damidot, dit Frère François, religieux des Frères des Écoles chrétiennes, qui s’installe en ces lieux en 1878 jusqu’à sa mort en 1910. Inspiré par le courant des jardins pittoresques et l’art naïf, il imagine une sorte de paradis terrestre, propice à la méditation… et à la déambulation.
Un rêve de ciment et de cailloux
Loin d’être un cas isolé, ce type de jardin s’inscrit dans une époque marquée par les créations brutes et spontanées. On pense bien sûr à Ferdinand Cheval, facteur à Hauterives dans la Drôme, qui, au même moment, érige seul son palais idéal avec des pierres ramassées lors de ses tournées. Le parallèle est évident : même sens du détail, même patience acharnée, même liberté dans la forme.
À Saint-Cyr-au-Mont d’Or, Frère François façonne pendant des années ce jardin aux accents bibliques, dans le prolongement de l’ermitage de Saint-Cyr, dont les premières traces remontent au 14e siècle. Il utilise du ciment moulé, du mortier, des structures métalliques, de la pierre calcaire locale. L’ensemble servait aussi de lieu de processions religieuses, très populaires à l’époque. Des statues jalonnaient le parcours, comme un chemin de croix végétal. Elles ont quasiment toutes disparu, victimes des intempéries, du vandalisme et de cambriolages.
Un sentier « balisé » grimpe toujours jusqu’à un calvaire en serpentant au milieu d’une végétation luxuriante : lavandes, mélisses et romarins, mêlent leur parfum aux roses, lys blancs, iris, buis et lauriers… Des petites chapelles se dressent, élégantes, avec leurs vitraux enchâssés dans des dentelles de mortier.
Le calvaire du jardin de rocailles de l’Ermitage, à Saint-Cyr-au-Mont d’Or, surplombe le jardin de rocailles et offre un très beau panorama sur Lyon et les monts du Lyonnais. En dessous des grottes creusées à la main. (©Pierre Chemel / actu Lyon)
Construit par Frère François au début du XXe siècle, le jardin de rocailles de l’Ermitage mêle fantaisie, foi et nature. Un trésor caché à Saint-Cyr-au-Mont d’Or. (©Pierre Chemel / actu Lyon)
Un patrimoine discret mais vivant
Resté longtemps à l’abandon après la fermeture de l’ermitage dans les années 1970, le jardin a été restauré pendant trois ans par la commune et des bénévoles passionnés. Aujourd’hui, le site est ouvert au public (visites sur réservation) et offre un moment suspendu aux promeneurs. L’ambiance y est unique : calme, mystérieuse, un brin surannée. Entre nature et rocaille, entre spiritualité et rêverie.
La vue sur Lyon est à couper le souffle depuis le calvaire du jardin de rocailles de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. (©Pierre Chemel / actu Lyon)
Encore peu connu, même des Grands-Lyonnais, ce jardin mérite le détour. Il témoigne d’une époque où l’imagination populaire trouvait des formes inattendues pour s’exprimer, loin des musées et des grands noms de l’art et de l’architecture. Un petit bijou d’art brut, à découvrir entre amis ou en famille.
L’accès au site se fait uniquement en visites guidées sur inscription, de 14h30 à 17h, les samedis, dimanches et mercredis des vacances scolaires. Les visites libres sont interdites, en semaine comme le week-end. Tarifs : 8 €/adulte ; 4 € pour les 6-18 ans.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.