Une chute marquée, en particulier chez les jeunes

Selon l’étude Contexte de la sexualité en France (CSF), le recours à la contraception moderne — pilule, stérilet, implant, préservatif — est passé de 88 % en 2010 à 81 % en 2023 chez les femmes âgées de 15 à 49 ans. Une baisse particulièrement nette chez les moins de 25 ans, qui déclarent de plus en plus souvent “ne rien utiliser” ou “adopter des méthodes naturelles”, parfois sans réelle information.

Si la pilule reste la méthode la plus utilisée, son image s’est dégradée : effets secondaires, peur des hormones, défiance envers le corps médical… Les prescriptions ont chuté, et avec elles la couverture contraceptive globale. En parallèle, l’usage du préservatif masculin, qui avait augmenté dans les années 2010, tend lui aussi à diminuer, surtout dans les couples stables.

Les raisons de cette désaffection

Plusieurs facteurs expliquent ce recul :

  • La méfiance croissante envers les hormones contenues dans les contraceptifs oraux ou les implants.
  • Une remise en question de la charge contraceptive supportée majoritairement par les femmes.
  • Des parcours contraceptifs mal accompagnés, notamment chez les jeunes adultes, avec une baisse de la fréquentation des centres de planification.
  • Des difficultés d’accès : fermeture de services spécialisés, manque d’information, coût non négligeable de certaines méthodes.
  • Et enfin, une banalisation des rapports non protégés, parfois sous-estimée dans les discours publics.

Ce changement de comportement s’inscrit aussi dans un contexte plus large : un rapport différent au corps, à la sexualité et à la médecine, où la priorité est parfois donnée au naturel, à l’autonomie, voire au retrait pur et simple de toute intervention médicale.

Des conséquences déjà visibles

Cette désaffection contraceptive ne reste pas sans effets. Les chiffres sont clairs :

  • Les grossesses non désirées repartent à la hausse, notamment chez les jeunes femmes, avec une augmentation significative des recours à l’IVG dans certaines régions.
  • Les infections sexuellement transmissibles progressent, en particulier la chlamydia et la gonorrhée, souvent silencieuses mais dangereuses si elles ne sont pas traitées.
  • Le dépistage diminue, faute de consultations régulières ou de suivi contraceptif médicalisé.

Les professionnels de santé alertent sur un relâchement généralisé, alimenté par une perte de repères, une saturation des messages contradictoires, et une absence de politique volontariste sur la santé sexuelle.

Évolution de l’usage contraceptif en France (2000–2023)

Méthode contraceptive
Part des utilisatrices en 2000 (%)
En 2010 (%)
En 2023 (%)
Tendance
Pilule contraceptive 50 % 45 % 33 % En forte baisse Stérilet (DIU) 15 % 20 % 24 % En légère hausse Préservatif masculin 15 % 20 % 18 % Stable, légère baisse Implants et patchs 5 % 4 % En baisse Méthodes naturelles / retrait 5 % 7 % 12 % En hausse préoccupante Aucune contraception déclarée 5 % 3 % 9 % En nette augmentation

Une alerte pour les pouvoirs publics

Ce constat met en évidence un recul de la prévention dans le champ de la santé sexuelle, malgré des avancées récentes comme la gratuité de la pilule pour les moins de 26 ans ou la distribution facilitée de préservatifs en pharmacie.

Mais ces mesures restent souvent mal connues ou mal appliquées, notamment dans les territoires ruraux ou les quartiers défavorisés. Le recul de la contraception n’est pas un choix éclairé pour tous : il est aussi le reflet d’inégalités croissantes en matière d’information et d’accès.

Face à cette évolution, les associations, les centres de santé sexuelle et les soignants demandent un renforcement de l’éducation à la sexualité, un meilleur accompagnement contraceptif, et une écoute réelle des attentes et des craintes des femmes.

Une liberté à préserver, pas à abandonner

La contraception a longtemps été présentée comme un acquis. Elle est pourtant aujourd’hui fragilisée par un désengagement progressif, aussi bien individuel qu’institutionnel. Derrière cette tendance se cache un risque sanitaire, social et symbolique, celui de voir reculer un droit fondamental : le pouvoir de choisir librement sa vie reproductive.

Car si certaines femmes décident en conscience de se passer de contraception, d’autres y renoncent faute d’alternative, de moyens ou de soutien. Et c’est cette frontière floue que l’enquête de l’ANRS met en lumière : une société qui, lentement, cesse de garantir à toutes et à tous un accès égal à la santé sexuelle.