Il y a des spectacles qui divertissent, et il y a des spectacles qui transforment. Délicate, le seule en scène de Florence Mendez à voir ce vendredi au Colbert, à Toulon, appartient sans conteste à cette seconde catégorie. Crée en 2017, alors que l’humoriste belge ignorait encore son autisme, ce spectacle est devenu au fil des années bien plus qu’une performance: une catharsis, un exorcisme, une main tendue vers ceux qui, comme elle, ont un jour frôlé l’abîme.
Un spectacle qui parle de maladie mentale sans pathos, de différence sans misérabilisme et surtout, de résilience sans faux-semblants. Aujourd’hui, entre deux tournées en train (un choix militant contre lequel elle ne transigera pas), Florence Mendez prépare Bella Ciao, un nouveau spectacle politique. Dans un échange sans filtre, l’artiste se révèle touchante, sincère, quand elle parle de ses combats intimes et féroce, à raison, quand il s’agit de signaler l’impunité des agresseurs. Florence Mendez est une artiste qui refuse de se taire, que ce soit pour évoquer ses démons ou dénoncer ceux de la société.
Délicate est un spectacle que vous avez co-écrit en 2017. Comment a-t-il évolué depuis?
En 2017, il n’avait rien à voir par rapport à ce qu’il est aujourd’hui. Quand j’ai commencé à le jouer, je ne suis même pas au courant de mon diagnostic d’autisme, je ne suis pas encore frappée de plein fouet par la maladie mentale et ce trouble anxieux. Aujourd’hui, il est devenu un spectacle intemporel que je pourrais encore jouer dans dix ans si je veux.
Vous parlez, entre autres, de suicide et de maladie mentale. Comment éviter le pathos?
Je pense qu’il faut un ego assez dingue pour penser qu’une séance d’introspection va intéresser les gens. C’était important pour moi que mon spectacle ne se transforme pas en prise d’otages et en psychothérapie gratos. C’est davantage un partage d’expériences, drôle et émouvant, qui pourrait aider d’autres gens, ou des proches qui sont dans la situation dans laquelle j’ai été.
Vous êtes féministe et engagée contre les injustices, notamment dans les affaires de violences sexuelles. Comment ce combat impacte-t-il votre quotidien?
J’ai reçu des menaces de mort, des menaces de viols, des gens qui m’ont dit: « On va venir te voir à ton spectacle, tu verras à la sortie ». Je sortais un livre au moment du #MeToo stand-up, et les gens pensaient que je faisais ça pour la promo, alors qu’en vérité, mon éditeur et mon attachée de presse me disaient: « Tu sais que si tu fais ça maintenant, la promo de ton livre, c’est terminé ».
En plus de votre spectacle, vous intervenez régulièrement pour des chroniques dans l’émission La Dernière, diffusée sur Radio Nova. Comment conciliez-vous les deux?
Ce n’est pas toujours facile, mais c’est un métier que j’adore. Ça me convient beaucoup mieux comparé à quelque chose de plus classique, et c’est ce qui me rend vraiment épanouie. C’est une chance, et donc c’est plus simple de vivre avec des contraintes qui peuvent parfois être stressantes.
À quel point l’écriture pour la radio est-elle différente de celle de la scène?
Quand il s’agit d’une chronique, je fonctionne beaucoup à l’affect. Comme je suis heureuse et épanouie dans ce que je fais et que j’apprécie profondément l’équipe de La Dernière, j’ai une pression supplémentaire parce que je n’ai pas envie de les décevoir.
Votre prochain spectacle, Bella Ciao, comme son titre peut le laisser penser, sera plus politique. Concrètement, quelle place occupe la montée de l’extrême droite dans votre processus de création?
Elle est complètement centrale. J’ai mis un gamin au monde, et c’est hors de question que quand je meurs, je dise: « Désolée, on a fait ce qu’on a pu ». Je veux qu’il sache que sa mère s’est battue pour qu’il ait un monde meilleur. Parce qu’une fois qu’on sera venu à bout de l’extrême droite, ce ne sera pas fini, il y en aura d’autres. Le fascisme, c’est une bête qui ne meurt jamais.
Vendredi 30 mai, à 20h30. Théâtre Colbert, à Toulon. Tarifs de 24 à 27 euros.