Dans l’antique Amphipolis (nord de la Grèce), le tombeau de Kastá, plus grand monument funéraire jamais découvert dans le pays, fascine autant par sa majesté architecturale que par les secrets qu’il semble renfermer.
Une étude récente, publiée dans le Nexus Network Journal le 15 mais 2025 et consultée par nos confrères de LiveScience, suggère aujourd’hui qu’il pourrait avoir été conçu pour capturer la lumière du solstice d’hiver à la fin du IVe siècle av. J.-C. environ. Un phénomène rare qui renforcerait l’idée selon laquelle le mausolée est un hommage cosmique à une figure majeure de l’époque hellénistique. Peut-être même, Héphestion, général bien-aimé par Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.), dont la disparition bouleversa profondément le souverain.
Amitié gravée dans la pierre
Depuis sa découverte en 2012, le tombeau de Kastá intrigue ainsi par sa monumentalité et son luxe, suggérant qu’il aurait pu abriter un personnage proche de la cour macédonienne. Le tumulus de 158 mètres de diamètre, entouré d’un mur circulaire en marbre de Thasos, renferme un complexe de chambres richement décorées. Une mosaïque représentant le rapt de Perséphone, notamment, symbolise la mort et la renaissance, des thèmes essentiels dans les rituels funéraires de l’Antiquité grecque. Le Lion d’Amphipolis, emblème de force et de bravoure soulignant la grandeur du défunt, surplombait autrefois le site.
Bien plus qu’un simple lieu de sépulture, la structure semble ainsi avoir été édifiée pour perpétuer la mémoire de son occupant au-delà de la mort. En 2015 émerge alors l’hypothèse selon laquelle ce serait Alexandre le Grand lui-même, célèbre conquérant, qui l’aurait fait construire en hommage à son plus proche ami Héphestion, stratège de génie – et peut-être, selon une tradition historique sujette à controverses, son amant.
Le chercheur indépendant Demetrius Savvides a récemment modélisé en 3D l’orientation du monument et utilisé un logiciel d’astronomie pour simuler la lumière solaire telle qu’elle apparaissait vers l’an 300 av. J.-C. Il en a ainsi conclu que le 21 décembre, jour du solstice d’hiver, les rayons du soleil pénétraient dans la chambre funéraire, l’illuminant entièrement entre environ 10 et 16 heures, heure locale.
Le scientifique avance que cette conception solaire n’était pas fortuite. Les bâtisseurs auraient modifié les plans initiaux pour orienter le monument et le transformer en dispositif rituel cosmique, reflet d’un symbolisme profond. Le modèle de Demetrius Savvides suggère en outre que la lumière du soleil atteignait d’autres endroits du tombeau, peut-être des éléments architecturaux aujourd’hui disparus, à des moments spécifiques de l’année. « Il est très probable que des rituels étaient organisés à l’intérieur ou à proximité du monument de Kastá, en particulier autour du solstice d’hiver », en conclut l’auteur auprès de LiveScience.
Une architecture pleine de sens ?
Cette interaction entre la lumière du soleil et la pierre n’était pas seulement fonctionnelle. Elle était aussi profondément symbolique. L’alignement semble faire écho aux anciennes croyances religieuses macédoniennes autour du renouveau. En particulier, celles associées au culte – très présent dans cette région – de Cybèle, déesse associée à la naissance et à la fertilité, épouse d’Attis, dieu de la végétation mort et ressuscité. Un hommage funèbre digne du plus proche compagnon d’Alexandre le Grand.
Cette démarche novatrice met aussi en lumière la maîtrise remarquable des anciens Macédoniens en astronomie, qu’ils savaient intégrer dans leur architecture pour servir des objectifs politiques… voire intimes.
Certains experts restent toutefois prudents quant à ces interprétations. Juan de Lara, chercheur à l’université d’Oxford (Angleterre) qui a étudié les alignements des bâtiments grecs antiques, les a qualifiées « d’audacieuses » auprès de LiveScience. Il rappelle que les Macédoniens utilisaient autrefois un calendrier lunisolaire, rendant la date exacte du solstice variable d’une année à l’autre. Ainsi, l’alignement lumineux aurait été difficile à observer de manière constante. D’autant que les hivers sont souvent nuageux dans le nord de la Grèce, limitant son effet l’effet, souligne-t-il.
Le tombeau de Kastá, par son ampleur architecturale, son symbolisme funéraire – et son alignement solaire nouvellement révélé – pourrait donner une idée de ce que devait être jadis celui d’Alexandre le Grand. Celui-ci demeure toutefois l’un des plus grands mystères de l’Antiquité. Bien que son corps ait été transféré à Alexandrie peu après sa mort, sa sépulture demeure introuvable, suscitant (là également) des hypothèses toujours plus nombreuses.