La fin de vie, c’est une question de société hautement sensible qui relève de l’intime. Une question qui divise. Ce fut le cas à l’Assemblée nationale au sein des mêmes partis.

Mardi, après deux semaines de débats et plus de 100 heures de prises de parole, les députés se sont prononcés à une large majorité en faveur de la création d’un droit à mourir avec 305 voix pour et 199 contre, avec 57 abstentions.

Une proposition de loi qui s’articule sur deux textes: l’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide à mourir. C’est sur ce deuxième texte que les résultats ont été beaucoup plus partagés. Il a divisé la plupart des familles politiques. Et quelques députés se sont prononcés à contre-courant de leur propre formation politique.

Dans les Alpes-Maritimes, Alexandra Masson (4e circonscription) et Bryan Masson (6e), font partie des 19 élus du Rassemblement national (sur 120) qui ont voté pour la création d’un droit à l’aide à mourir, alors le contre était majoritairement partagé au sein de la leur groupe.


La député RN, Alexandra Masson a voté pour l’aide à mourir. Photos Frantz Bouton, François Vignola et Cyril Dodergny.

Alexandra Masson (RN) a voté pour: « Pouvoir mourir dignement fait partie d’une société évoluée »

« Je suis une militante de l’euthanasie de longue date confie la députée Alexandra Masson. C’est une question qui me tient à cœur et c’était d’ailleurs le thème de mon mémoire en maîtrise de droit. Pouvoir mourir dignement fait partie d’une société évoluée, je le pense profondément. Et je remercie Marine Le Pen ainsi que Jordan Bardella de nous laisser la possibilité de choisir selon notre conscience. »

« L’aide à mourir c’est une question qui relève de l’intime de chacun et peut diviser. Je regrette seulement que ceux qui sont contre ce droit soient plus proactifs qui ceux qui sont pour. Ces dernières semaines nous avons reçu énormément de mails sur nos boîtes de députés qui étaient très hostiles à l’aide à mourir. C’est un lobbying puissant. Et je sais que cela a mis mal à l’aise certains de mes collègues, aussi au sein d’autres groupes, qui auraient peut-être voté pour. »


Bryan Masson a voté pour l’aide à mourir. Photos Frantz Bouton, François Vignola et Cyril Dodergny.

Bryan Masson (RN) a voté pour: « Il faut regarder la dignité humaine »

De son côté Bryan Masson a voté pour en raison de « la dignité humaine »: « A l’approche de la mort, quand les traitements et les soins palliatifs ne peuvent plus soulager les douleurs, il faut regarder la dignité humaine ». Il ajoute cependant: « Ce texte tout seul, je ne l’aurais pas voté. Là il est accompagné d’un texte sur la généralisation des soins palliatifs, c’était pour moi un préalable indispensable pour pouvoir donner ce droit à mourir dignement. »

Deux prises de position qui restent donc minoritaires au sein du Rassemblement national. Dans la 2e circonscription, Lionel Tivoli a voté contre cette aide à mourir. Il explique pourquoi: « Il existe déjà une loi: la loi Claeys-Leonetti qui répond aux situations les plus difficiles, mais elle est trop peu appliquée, faute de formation, d’information, de moyens et d’accès aux soins palliatifs. Avant de créer un droit à la mort dit-il, la priorité devrait être de garantir un droit effectif à une fin de vie accompagnée. »


La députée LR Alexandra Martin s’est abstenue. Photos Frantz Bouton, François Vignola et Cyril Dodergny.

Alexandra Martin (LR) s’est abstenue: « Quand il y a des soins palliatifs de qualité, l’envie de mourir est moins là »

Une prise de position qui est partagée chez les députés Les Républicains qui ont largement rejeté cette proposition de loi. Alexandra Martin, députée LR de la 8e circonscription a choisi elle de s’abstenir. « Je me suis abstenue sur la partie du suicide assisté. J’attends de voir comment la loi va revenir du Sénat et de la Commission Mixte Paritaire pour mûrir ma réflexion et pour me prononcer définitivement. Je veux aussi voir ce que changera la loi sur les soins palliatifs. J’ai beaucoup regardé cette question, pour un malade en fin, quand il y a des soins palliatifs de qualité, l’envie de mourir est moins là. »

Enfin du côté de l’Union des droites pour la République, c’est le « non » qui a été partagé à l’unanimité des 16 députés. Sur le réseau social X, Éric Ciotti s’est ouvert sur son choix: « Le texte sur la fin de vie introduit une rupture anthropologique profonde en ne répondant pas à l’immense souffrance des personnes en fin de vie. La moitié des départements français sont privés de services de soins palliatifs, c’est cela le véritable drame et la véritable injustice. »


Le député UDR Bernard Chaix a voté contre mais il n’est pas opposé à l’aide à mourir et il pourrait voter pour en deuxième lecture après le passage du texte au Sénat. Photos Frantz Bouton, François Vignola et Cyril Dodergny.

Bernard Chaix (UDR) a voté contre, mais…: « J’espère que le Sénat saura proposer une version plus juste, plus protectrice »

Bernard Chaix, député UDR de la 3e circonscription, a aussi voté contre ce texte. Mais il apparaît moins tranché que son chef de file sur la question: « Je n’étais pas a priori opposé à un droit à mourir dans des situations de souffrances extrêmes. Mais mon vote aujourd’hui est le fruit d’une réflexion approfondie, qui a évolué au fil des débats. Les consultations citoyennes que j’ai menées tant sur les réseaux que sur le terrain ont exprimé une attente forte: pouvoir choisir sa fin de vie. Mais elles ont aussi révélé une inquiétude profonde du côté des professionnels de santé: celle de ne pas être juridiquement protégés, ni suffisamment encadrés pour accompagner ces situations extrêmes. Et sur ce point, je suis préoccupé par la notion de délit d’entrave telle qu’elle est rédigée, qui pourrait restreindre la liberté d’expression et de conscience des soignants, des aidants, des associations. J’espère que le Sénat saura proposer une version plus juste, plus protectrice, plus humaine. Auquel cas je la voterai en seconde lecture. »