C’est une voix tremblante, parfois essoufflée, qui a résonné jeudi dans la salle d’audience du tribunal fédéral de Manhattan à New York. Mia, ancienne assistante personnelle de P. Diddy, a livré un témoignage saisissant sur les violences qu’elle affirme avoir subies – mais aussi observées – durant des années au service du magnat du hip-hop. Derrière ce prénom d’emprunt, c’est le véritable visage d’une femme brisée qui a raconté la terreur, les agressions et les abus d’un homme décrit comme tout-puissant.

« Je ne pouvais pas dire non, jamais », a-t-elle résumé face aux jurés, évoquant les conditions dans lesquelles elle a été contrainte de vivre aux côtés de Sean Combs. Elle l’appelait « Puff », un autre de ses pseudonymes artistiques, mais parle aujourd’hui d’un « roi », d’un « patron » dont l’autorité surpassait celle de la police.

Lèvres enflées, ecchymoses, œil au beurre noir

Mia a raconté avoir vu la chanteuse Cassie Ventura, alors compagne de l’artiste, blessée à plusieurs reprises : « Ses lèvres étaient enflées, elle avait des ecchymoses, un œil au beurre noir », a-t-elle énuméré, expliquant qu’elle devait parfois maquiller ces blessures avant des événements publics. Lors de vacances, Cassie aurait fui en hurlant dans sa chambre : « Il va me tuer ». Mia raconte avoir barricadé la porte avec des meubles tandis que P. Diddy tambourinait de l’autre côté.

Mais au-delà du rôle de témoin, Mia affirme avoir elle-même été victime. L’un de ses récits les plus terribles remonte à une nuit au Plaza Hotel de New York, lors des 40 ans de l’artiste. « Je me suis figée », a-t-elle dit à propos de la première agression sexuelle subie. Elle pensait que cela ne se reproduirait pas. Pourtant, elle a évoqué deux autres viols, décrits comme des souvenirs traumatiques et honteux, qu’elle peine encore à formuler.

« Il m’a aussi agressée sexuellement »

« Il m’a jetée des objets. Contre un mur. Dans une piscine. Il m’a jeté un seau à glace sur la tête. Il a claqué mon bras dans une porte. Il m’a aussi agressée sexuellement », a-t-elle affirmé. Ce qu’elle qualifie d’« épisodes sporadiques » révèle, selon elle, l’enfermement psychologique dans lequel elle se trouvait : « On était des années avant MeToo. Personne ne disait non à quelqu’un d’aussi puissant que lui ».

L’autorité du fondateur du label Bad Boy Records était telle qu’elle s’exerçait même sur les forces de l’ordre, affirme-t-elle. Lorsqu’elle fut arrêtée pour excès de vitesse à Los Angeles, il a suffi qu’elle tende son téléphone à l’agente pour que la conversation avec P. Diddy se transforme en éclats de rire et que l’amende soit annulée : « Mon Dieu, Puff Daddy… », aurait lâché la policière en la laissant repartir.

Une audition qui se poursuit ce vendredi

Ce témoignage, particulièrement accablant, intervient alors que le procès de Sean Combs entre dans sa quatrième semaine. Agé de 55 ans, l’icône du hip-hop est jugée pour trafic à des fins d’exploitation sexuelle et entreprise criminelle. Le parquet l’accuse d’avoir organisé, depuis 2004, des « marathons sexuels » (freak-off) où des femmes, dont Cassie Ventura, étaient contraintes (sous drogues) à avoir des relations avec d’autres hommes.

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Mia a confirmé avoir été chargée de préparer ces séances : chambres d’hôtel, préservatifs, lotions, bougies… puis de « nettoyer ». « Un cauchemar », a-t-elle encore dit au cours de son audition. Le témoignage de Mia, qui doit se poursuivre vendredi, s’annonce comme l’un des moments-clés d’un procès qui pourrait faire vaciller une figure emblématique de la culture hip-hop américaine.