Compte à rebours enclenché. À moins de deux semaines de la troisième conférence onusienne sur l’Océan (Unoc, du 9 au 13 juin), la pression vient subitement de monter d’un cran. Il aura suffi d’une poignée d’anarchistes sciant les pieds d’un pylône isolé pour mettre en tension les services de sécurité. Dans notre édition d’hier, le préfet des Alpes-Maritimes, Laurent Hottiaux, annonçait que la liste des infrastructures « d’importance vitale » avait été réévaluée et élargie à la suite des sabotages du week-end. Des points « chauds » qui avaient pourtant déjà été inventoriés « dans le cadre des préparatifs de l’Unoc ».

Tenir à la fois la terre, les airs et la mer

Cela n’aura pas suffi à empêcher le passage à l’acte de deux groupes d’activistes.

Ce type d’actions revendicatives est une des deux principales menaces identifiées. L’autre étant le risque d’attentat auquel la France fait face… « De manière permanente », rappelle le préfet. Particulièrement dans une ville meurtrie en 2016 par une des attaques terroristes les plus sanglantes de l’histoire de la nation (86 morts le soir du 14 juillet sur la promenade des Anglais).

Alors que la planète entière aura les yeux braqués sur Nice du 9 au 13 juin, un dispositif de sécurité hors norme sera déployé sur la capitale azuréenne. « Il y aura du bleu partout », annonçait sans ambages Hugues Moutouh, le prédécesseur du préfet Hottiaux. Entre 30 et 40 unités de forces mobiles vont prendre leurs quartiers dans le département. Près de 3.000 gendarmes mobiles et CRS. Ils ne seront toutefois que la partie visible du bloc sécuritaire prévu pour tenir à la fois la terre, les airs et la mer. Un dispositif de sécurité hors normes

3.000 CRS et gendarmes mobiles sont appelés en renfort. Mais aussi des centaines d’effectifs appartenant à des unités plus spécialisées. Voire aux forces très spéciales sur lesquelles la France peut compter pour assurer sa sécurité: des tireurs d’élite du Raid et du GIGN jusqu’aux équipes de démineurs, en passant par des services plus discrets.

Ceux du renseignement ont évidemment été mobilisés. « Bien en amont de cette rencontre au sommet et au-delà des frontières nationales », assure une source sécuritaire qui a assisté à tous les Copil (comités de pilotage) qui, depuis des mois, se tiennent quasi hebdomadairement.

Les services de renseignement de tous les pays frontaliers avec la France seraient également sur le coup. Pour identifier tous les individus pouvant présenter une menace. Fichés S et activistes violents.

Des réservations passées au crible des services de renseignement


Photos cyril dodergny et Richard ray.

 

Au-delà de ce travail d’identification des « menaces » potentielles, un dispositif de criblage a été mis en place pour éviter qu’elles ne se rapprochent de l’épicentre de l’Unoc. Une attention toute particulière est ainsi portée depuis des semaines sur les réservations durant le sommet. Que ce soit dans les lieux d’hébergement, jusqu’aux plus insolites, mais aussi sur les potentiels points de regroupement contestataires. Salles, théâtres, gymnases et autres équipements collectifs sont également surveillés de près.

Tous les bateaux du port inspectés par les services de déminage

À compter du jeudi 5 juin, du pointu jusqu’au yacht, toutes les embarcations amarrées dans le port vont recevoir la visite des équipes de déminage et de leurs chiens renifleurs. Une fois « décontaminés », les bateaux ne pourront plus larguer les amarres. À moins de ne revenir à quai qu’à l’issue du sommet.

Sous-marin au fond de la baie et filet à l’entrée du port

La menace d’une attaque par voie maritime est manifestement prise très au sérieux. Parmi les moyens les plus spectaculaires – mais aussi les plus discrets – du dispositif de sécurité arrêté pour l’Unoc figure un sous-marin! Celui-ci va prendre (ou a déjà pris) position au fond de la baie. Ses sonars ont pour mission de détecter toute tentative d’intrusion sous-marine. Pour s’en prémunir, un filet anti-intrusion sera également tendu à l’entrée du port.

Deux avions espions dans le ciel azuréen

Très haut dans le ciel azuréen, deux Awacs se relaieront en permanence. Ces avions radars, reconnaissables à leur rotodôme arrimé à la carlingue, sont capables de détecter la présence de cibles aériennes ou maritimes en approche dans un rayon de plus de 400 kilomètres.

Des batteries de missiles prépositionnées et des chasseurs prêts à décoller

Si une menace venait à se concrétiser, il faudrait l’intercepter. Pour cela, des chasseurs positionnés dans le Var seront prêts à décoller. À la vitesse du son, il ne leur faudra que quelques minutes pour rejoindre le ciel niçois. Pour compléter ce dispositif d’interception aérien, l’armée va déployer deux batteries de missiles et leur radar mobile, une sur les collines niçoises, l’autre dans une commune de la rive droite du Var. Afin de protéger à la fois le port et l’aéroport.

Un dôme électronique anti-drone déployé sur Nice

Dans les airs, la menace la plus crédible est sans doute plus petite. C’est celle que constituerait une attaque par drone, qu’elle soit terroriste ou revendicative.

Là encore, l’armée française a la parade. Une frégate de la Marine très particulière a été intégrée au dispositif de sécurité. Elle va se positionner en baie des Anges et déploiera samedi 7 juin un dôme électrique au-dessus de Nice. À l’intérieur de cette bulle invisible le moindre engin volant automatisé verra son signal de commande brouillé.

Militaires sur les points de passage et force de l’ordre sur les points hauts

Ce déploiement de technologies n’exclut en rien la surveillance terrestre. Au plus près de l’épicentre du sommet, des forces de l’ordre tiendront 24h/24 tous les points hauts.

Notamment les collines environnantes comme les monts Boron et Alban. Mais le périmètre de ce dispositif terrestre est bien plus large. Il inclut tous les points de passage frontaliers, même les plus escarpés. Les sentiers entre l’Italie et la France seront eux aussi gardés en permanence, cette fois-ci par des militaires.


à gauche, le port de Nice placé sous très haute surveillance va devenir un territoire onusien le temps du sommet. à droite, 30 à 40 unités de forces mobiles sont attendues en renfort, à l’instar du dispositif dédié au G20 à Cannes en 2011. Photos cyril dodergny et Richard ray.

Sécurité sanitaire très rapprochée

C’est une autre facette du dispositif sécuritaire: la protection médicale et sanitaire du sommet et de ses participants. Là encore, les services de secours seront sur le pont. Pour veiller au grain.

Le Sdis (service départemental d’incendie et de secours) a prévu d’affecter 110 sapeurs-pompiers au sommet onusien, en plus des équipes qui assurent les urgences quotidiennes. Objectif: « Répondre aux risques courants et être capable d’intervenir en cas d’attentat avec de nombreuses victimes », annonçait le mois dernier le contrôleur général René Dies, directeur du Sdis. Les services de secours azuréens gardent en tête ce sinistre soir du 14 juillet 2016 où des dizaines de gyrophares avaient illuminé de bleu la promenade des Anglais.

Le Samu, lui aussi, affectera plusieurs véhicules d’urgence à l’Unoc, comme à chaque événement de ce type. Un équipage Smur (service mobile d’urgence et de réanimation) devrait prendre la roue du convoi présidentiel français. D’autres devraient se tenir prêts à intervenir en cas d’urgence sanitaire durant le sommet, ainsi que plusieurs médecins et infirmiers mobilisés pour l’occasion. D’autres encore continueront à sillonner Nice et ses environs comme d’habitude.

L’hôpital autonome même en cas de coupure énergétique

Le centre hospitalier Pasteur 2 devrait également parer à toute éventualité en sanctuarisant un bloc opératoire. Mais les récents sabotages sur les lignes à haute tension ont rappelé sa potentielle vulnérabilité énergétique.

Sondé sur ce sujet sensible, le centre hospitalier universitaire (CHU) rappelle qu’il a « pour priorité d’assurer la continuité des soins et la sécurité de ses patients. Pour cela, il dispose d’un système de sécurisation électrique fiable, conçu pour garantir l’alimentation électrique en cas de panne, y compris lors d’incidents externes comme celui survenu ce week-end. »

Ce dispositif, « homogène sur tous les sites », permet à des groupes électrogènes de « prendre immédiatement le relais sans interruption ni coupure ». De quoi garantir une autonomie énergétique durant plusieurs jours en cas d’incident majeur. « Les hôpitaux de Pasteur, Cimiez et l’Archet sont classés prioritaires de niveau 1 auprès de la préfecture », rappelle le CHU. Il travaille en lien avec les autres établissements de santé « afin d’assurer une coordination efficace et la continuité des soins. »


Pendant l’Unoc, « il y aura du bleu partout », avait annoncé l’ex-préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh. Cannes a connu ça lors du G20 de 2011.
Photo a. b.-j. Crédit photo Web uniquement..

Les grandes manœuvres ont-elles commencé?

Quatre hélicoptères militaires ont survolé à basse altitude la vallée du Paillon hier. Ces drôles d’oiseaux ne sont pas passés inaperçus. Leur présence a affolé les réseaux sociaux. D’autant que deux de ces engins avaient une envergure impressionnante. Sur des vidéos captées par des internautes, on distingue deux gros porteurs qui ont tout l’air d’être des Chinook, identifiables à leur forme allongée et leurs deux rotors.

Les grandes manœuvres en prévision du sommet de l’océan ont-elles débuté? La préfecture maritime de Toulon assure qu’elle n’avait pas de vol prévu dans cette zone. La délégation militaire départementale des Alpes-Maritimes affirme ne pas détenir « à son niveau » d’information relative à ces quatre hélicoptères. Et pour cause, selon un ancien pilote varois, la France ne possède pas de Chinook: ce type d’engin équipe en réalité les forces américaines et britanniques. Leur présence dans le ciel azuréen reste donc un mystère. Tout comme le survol effectué jeudi soir par des avions de chasse aperçus d’abord au-dessus de Nice puis de Toulon. Ceux-là appartenaient bien à l’armée de l’air française qui a expliqué, on ne peut plus laconiquement, qu’elle procédait  » à un exercice « .