En matière d’Union européenne, le Royaume-Uni a toujours eu un pied dedans, un pied dehors. Après des négociations interrompues et deux candidatures rejetées, il avait rejoint le marché européen en 1973, tout en se ménageant une place à part, refusant, notamment, le passage à l’euro et l’intégration dans l’espace Schengen. Une attitude mi-enthousiaste, mi-sceptique, qu’il a conservée jusqu’à son départ, le 31 janvier 2020.
Parmi les plus mécontents : les étudiants désormais privés d’Erasmus, les artistes dont les tournées internationales sont entravées par les visas, les propriétaires de résidences secondaires en France et en Espagne qui doivent compter leurs jours sur place… Les jeunes sont particulièrement remontés car tous n’ont pas tous pu voter lors du référendum, et les trois quarts d’entre eux considèrent que la sortie de l’UE était une erreur.
Vers une « réinitialisation » des relations
Le Premier ministre, l’europhile Keir Starmer, promet une « réinitialisation » des relations : lui qui a un temps défendu un second référendum prône l’apaisement des relations. Le 19 mai dernier, lors du premier sommet britannico-européen organisé en cinq ans, il annonçait un « accord historique » et le début d’une « nouvelle ère » dans les relations entre le Royaume-Uni et les Vingt-Sept. Cette nouvelle donne passera, notamment, par une circulation plus fluide de certains produits agroalimentaires, alors que les exportations britanniques vers l’UE ont baissé de 21 %. « Cela signifie des emplois » et « de la croissance », s’est réjoui Keir Starmer. La cheffe des Conservateurs, Kemi Badenoch, s’est, pour sa part, indignée d’être « à nouveau à la merci des institutions bruxelloises », quand l’hebdomadaire de droite The Spectator affirmait que le pays « a cédé » à l’Europe.
On se dit qu’il aurait surtout fallu ne pas les desserrer, ces liens.
Le think-tank pro-Europe Ukice rappelle que « les retombées économiques du Brexit ont été ressenties principalement au Royaume-Uni », qui espère aussi la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, un pacte de sécurité et des accords agroalimentaires. Sur le plan politique, le Brexit a aussi eu pour effet de renforcer le débat autour de l’immigration. Si un système de visas à points, plus restrictif, a été instauré, le pays connaît, en parallèle, une vague d’arrivées liée aux traversées de la Manche en petites embarcations – un sujet sur lequel le gouvernement travailliste essaie de se montrer ferme, quitte à emprunter à la rhétorique de l’extrême droite, et à publier des vidéos de déportations.
« Ça ne veut plus rien dire »
Si la majorité des Britanniques sont donc favorables à une relation plus proche avec l’UE, ils ne sautent pas nécessairement de joie à l’annonce des progrès. Brian, Londonien de 39 ans qui travaille dans la restauration, se dit « agacé et fatigué » par ce dernier revirement. « Le Brexit traîne depuis tellement longtemps que ça ne veut plus rien dire. Évidemment, cette question de resserrer les liens me parle. C’est positif et je pense qu’on a besoin de solidarité entre nations si proches, surtout en ce moment. »
Sa lassitude est partagée par Gustav, 28 ans, étudiant. « Après tant d’années d’allers-retours, de prix qui augmentent, d’Européens qui ne se sentent plus chez eux ici, d’emplois perdus dans certains secteurs… On se dit qu’il aurait surtout fallu ne pas les desserrer, ces liens. »