Le président du Rassemblement national est revenu sur son expérience dans l’émission présentée et produite par Karine Le Marchand.
Jordan Bardella n’a pas le goût des confidences personnelles. Mis à part dans son autobiographie intitulée Ce que je cherche (Ed. Fayard), sortie en novembre dernier, le président du Rassemblement national ne s’était jamais confié.
Il a passé le pas face à Karine Le Marchand dans l’émission «Une Ambition intime». La présentatrice y interroge quatre dirigeants qu’elle estime faire partie de «la relève», sous-titre du programme diffusé ce dimanche 1er juin à 21 h 10 sur M6. Jordan Bardella y partage l’affiche avec Gérald Darmanin, Sandrine Rousseau et Fabien Roussel.
À lire aussi
Karine Le Marchand : «Je suis la même avec les agriculteurs et les politiques, je ne triche pas !»
Réhumaniser la politique
Car le jeune dirigeant, qui célébrera ses 30 ans le 13 septembre prochain, le sait : donner un peu de soi et partager son quotidien avec les Français est désormais essentiel lorsque l’on nourrit, comme lui, de grands desseins politiques. « Je pense qu’à un moment donné, se livrer fait partie, dans le combat politique, du passage obligé, nous a-t-il expliqué lors de la conférence de presse consacrée au programme. Aujourd’hui, les gens ont besoin de savoir à qui ils font confiance. Et ce type d’émission permet cela ».
Celui qui considère que la politique déshumanise a voulu dévoiler l’homme qui se cache derrière le politicien. « L’idée est de montrer aux gens que, derrière les responsabilités, je reste un jeune homme de bientôt 30 ans, avec sa famille, sa vie personnelle, ses activités, son enfance », a-t-il encore expliqué. « La force de Karine Le Marchand et de l’émission, c’est d’aller voir ce qu’il y a derrière les projets, et même derrière les plateaux télé parce que, le plus difficile lorsqu’on fait de la politique, c’est d’être soi-même parce que représentez des idées, un parti et parfois des millions de gens. Là, j’ai eu la possibilité de répondre à des questions qu’on ne m’avait jamais posées. »
À lire aussi
«Une ambition intime» : on a vu les premières images avec Bardella, Rousseau, Darmanin et Roussel
Sa mère témoigne de dos avec une perruque
Mais s’il a accepté de participer au programme, Jordan Bardella a quand même posé certaines limites. Il a ainsi refusé que les caméras filment chez lui. « C’est un peu le dernier espace de liberté qui vous reste quand vous faites de la politique et j’avais envie de le préserver », confiait-il. Le tournage a donc eu lieu, le 8 février dernier, dans un appartement parisien choisi par la production selon les goûts de l’homme politique en la matière, à savoir sobre et masculin.
Le dirigeant ne voulait pas non plus que ses parents témoignent. Karine Le Marchand et ses équipes ont finalement convaincu ces derniers de participer au documentaire. Séparés lorsque leur fils était âgé d’un an et demi – « Je ne les ai jamais connus ensemble », a-t-il précisé – ils se confient chacun à leur manière : le père à visage découvert et face à la caméra et la mère de dos avec une perruque.
À lire aussi
«L’amour est dans le pré» : Karine Le Marchand lance un appel pour un agriculteur qui n’a pas reçu de lettres
Des précautions que Jordan Bardella a justifiées. « Ma mère habite encore dans la cité dans laquelle j’ai grandi. Elle a la retraite depuis quelques semaines. Mais pour se protéger, elle a accepté de le faire de dos avec une perruque. Mon père était un peu plus téméraire. Je trouve d’ailleurs qu’il parle très bien, je l’ai découvert ».
« Je les prépare parce que c’est la première fois qu’ils s’exposent. Quand, du jour au lendemain, vous retrouvez à passer à la télévision devant des millions et des millions de gens… c’est compliqué. Je sais pas du tout comment ils vont vivre ça. Je pense que je vais les rassembler pour la diffusion », a-t-il encore raconté.
Chiffonnette et produit nettoyant
Outre ses parents, des amis proches mais aussi Marine Le Pen ont accepté de parler dans le documentaire. Cette dernière a, par le passé, participé deux fois à «Une ambition intime» et a enjoint son jeune acolyte à faire de même. « Je lui en ai parlé et elle m’a tout de suite dit “Vas-y, fais-le”, s’est-il souvenu. Je pense que pour elle, il y a vraiment eu un avant et un après en 2017. Je ne sais pas si ça a changé des choses électoralement parlant, mais il y a toujours des moments que l’on retient dans une campagne. Et c’est vrai qu’en termes d’images, peut-être qu’on a pu mieux la comprendre ».
L’ancienne présidente du Front national, tout comme ses proches, témoigne dans le film de l’un des tocs de Jordan Bardella : sa maniaquerie, précisant que, chez lui « on peut manger par terre ». Sa mère en remet une couche en expliquant qu’il faut enlever ses chaussures lorsqu’on s’invite chez lui tandis qu’une collègue précise qu’il a toujours une chiffonnette et du produit nettoyant au cas où… Un amour maladif de la propreté que l’intéressé n’assume pas vraiment. « Ils se sont donné le mot ! Ils sont excessifs », s’agace-t-il dans le film. « Je ne suis pas maniaque, j’aime bien quand c’est propre », a-t-il ajouté lors de la conférence de presse.
À lire aussi
Entre Marine Le Pen et Jordan Bardella, l’inconfortable cohabitation
Des réponses aux questions et aux rumeurs
L’entretien avec Karine Le Marchand a été un moment peu évident pour Jordan Bardella qui répugne généralement à parler de lui. « Comme j’ai commencé la politique très jeune, j’ai appris à me protéger très tôt. Et, pour moi, laisser rentrer une équipe de télévision dans un espace personnel, celui de mes parents, celui de mon enfance, ce n’est pas aussi évident que d’aller faire une matinale sur RTL ou sur Europe 1 », détaille-t-il.
Il n’a toutefois donné aucune condition ni interdit aucune question. Karine Le Marchand aborde donc tout, y compris les rumeurs sur son homosexualité. « J’ai répondu à toutes les questions. À partir du moment où j’avais le sentiment que ce que je pouvais dire serait traité normalement et honnêtement, je n’ai eu aucune difficulté », précise-t-il.
La durée de l’entretien, qui s’est poursuivi pendant cinq longues heures, a joué dans le lâcher-prise de l’homme politique. « Nous savions tous les deux que la première heure serait très convenue et qu’on n’en tirait pas grand-chose, débute-t-il. Les moments les plus sincères où on oublie les caméras sont arrivés plus tard. Je trouve cela parfaitement sain de se livrer, on se protège tellement. À la télévision, on a très peu l’occasion de connaître la personnalité de gens qui peuvent potentiellement décider du destin de millions de Français. »
«À un moment donné, vous fendez l’armure»
Le jeune homme a même laissé couler une discrète larme après la déclaration touchante de ses parents clamant leur fierté vis-à-vis de leur fils unique. « C’est normal, parce qu’on aborde des choses personnelles, des moments de joie ou des instants douloureux. Et quand vous parlez de tout ça pendant 4 h 30, à un moment donné, vous fendez l’armure », déclare-t-il.
Et Jordan Bardella a, contre toute attente, a trouvé son compte dans cet exercice de confidences. « Ça fait du bien, a-t-il admis. C’est un peu comme une séance de psy. Vous réfléchissez à la manière de mettre des mots sur ce que vous pouvez ressentir, que vous ne faites pas 99% du temps. Je pense que quand vous êtes livré, après, vous avez beaucoup plus de recul sur les choses », a-t-il précisé.
Même si l’émission semble être un formidable atout de communication pour l’ensemble des dirigeants politiques qui y participent, Jordan Bardella se défend de cela : «Je n’ai pas eu besoin de l’émission pour faire 37% des voix aux élections législatives. Donc, voir un lien entre une émission qui pourrait en fait me rendre mainstream… Je pense qu’il n’y a pas besoin de l’émission pour faire que les gens votent Rassemblement National », a-t-il conclu.