Des discussions, oui mais pour dire quoi ? L’Ukraine a déclaré jeudi 29 mai dans la soirée être «prête» à participer à la deuxième séance de pourparlers directs à Istanbul, lundi prochain, proposée par la Russie la veille. Mais elle a aussi demandé des gages de sérieux de l’engagement de Moscou. «Nous souhaitons engager une discussion constructive», a souligné le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andrii Iermak.

Kyiv réclame la transmission par Moscou, avant la réunion, d’un «mémorandum» qui doit exposer ses conditions afin de parvenir à un accord de paix durable. Andrii Iermak a répété qu’il était «important» que son pays reçoive ce document, et que la Russie disposait de «suffisamment de temps» pour le faire. Selon lui, la partie russe a reçu un texte détaillant la position ukrainienne.

Plus tôt jeudi, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov avait pourtant rejeté cette «exigence». Il avait affirmé que la Russie n’avait reçu «aucune réponse» de l’Ukraine quant à sa participation.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui dénoncé une nouvelle «manœuvre» de la Russie, l’accusant de tout faire pour rendre les pourparlers «vides de sens». Pour le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Gueorguii Tykhii, la réticence de Moscou à envoyer son mémorandum «suggère qu’il contient vraisemblablement des ultimatums irréalistes».

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a déclaré jeudi à la télévision russe que la Russie prévoyait d’envoyer lundi prochain la «même» équipe qu’au premier cycle de négociations. La délégation russe était menée par Vladimir Medinski, un conseiller de second plan, déjà chargé des pourparlers du printemps 2022 qui avaient échoué.

La composition de la délégation russe avait été vue par Kyiv comme un signe que Moscou ne prenait pas ce processus au sérieux. Sous pression américaine, les deux pays ont tenu le 16 mai à Istanbul un cycle de négociations pour mettre fin au conflit lancé par l’assaut russe de février 2022. Mais ces échanges n’avaient permis de s’accorder que sur un vaste échange de prisonniers.

Les positions officielles des deux belligérants semblent difficilement conciliables : la Russie exige notamment que l’Ukraine renonce à jamais à rejoindre l’Otan et lui cède les cinq régions dont elle revendique l’annexion.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui appelé Russie et Ukraine à ne pas «fermer la porte» au dialogue, disant être en contact avec les deux parties et espérer la reprise lundi de pourparlers en Turquie.

Volodymyr Zelensky a assuré jeudi que la Russie cherchait à «faire durer la guerre», et a appelé à imposer de nouvelles sanctions pour accroître la pression.

Depuis Singapour, Emmanuel Macron a affirmé ce vendredi matin que la décision ou non de sanctionner la Russie si elle refuse un cessez-le-feu en Ukraine était un «test de crédibilité» pour les Etats-Unis de Donald Trump. Si la Russie «confirme» qu’elle «n’est pas prête à faire la paix», Washington doit confirmer son «engagement» à sanctionner Moscou, a dit le chef de l’Etat français devant la presse.

Le président américain Donald Trump, qui s’est rapproché de Moscou pour faire avancer les négociations, a adopté ces derniers jours un ton plus dur à l’égard de son homologue russe du fait de la poursuite de bombardements russes meurtriers en Ukraine. Il a jugé Vladimir Poutine «complètement fou», avant de prévenir qu’il jouait «avec le feu».

Trump n’a toutefois pas été tendre avec Volodymyr Zelensky, à qui il reproche de traîner des pieds pour conclure un accord. Et il avait écarté mercredi, de nouvelles sanctions américaines contre Moscou, disant ne pas vouloir «faire capoter» un accord de paix.

Au Conseil de Sécurité de l’ONU, l’ambassadeur américain intérimaire adjoint, John Kelley, a été jeudi plus clair encore : «Si la Russie prend la mauvaise décision de poursuivre cette guerre catastrophique, les États-Unis devront envisager de se retirer de leurs efforts de négociation», a-t-il prévenu.

Sur le terrain, les attaques nocturnes entre les deux camps se poursuivent. Ce vendredi matin, les services d’urgence ukrainiens ont fait état de 11 blessés dans la région de Kharkiv (nord-est), après des attaques de drone russe. Les autorités ukrainiennes ont affirmé jeudi qu’au moins sept civils avaient été tués par des frappes russes.

Jeudi soir, le ministère russe de la Défense a affirmé que ses troupes s’étaient emparées de deux villages ukrainiens dans la région de Donetsk (est), épicentre des combats, ainsi que d’une autre localité dans la région de Kharkiv (nord-est).

En outre, Volodymyr Zelensky a affirmé mercredi que Moscou massait plus de 50 000 soldats près de la région ukrainienne de Soumy (nord-est), en vue d’une possible offensive contre ce territoire frontalier où Moscou dit vouloir créer «une zone tampon» pour prévenir des incursions de Kiev.