C’est une petite révolution au commissariat de Rennes. La Division de la criminalité organisée et spécialisée (Dcos) teste depuis quelques semaines un nouveau logiciel développé par le conglomérat d’entreprises françaises Chapsvision, spécialistes dans la data et l’intelligence artificielle. « La criminalité se transforme et s’adapte en permanence, rappelle un cadre de la Dcos. Les délinquants utilisent de plus en plus de messageries cryptées. Les sonorisations d’appartements deviennent donc intéressantes car elles permettent de recueillir de précieux éléments. Nous testons en ce moment, SonIa (le son par l’IA) qui nous permet de gérer la sonorisation, traduire les propos, de les retranscrire, de les résumer… Le tout quasiment en temps réel et dans toutes les langues du monde. Y compris les plus rares… Cela nous traduit aussi l’argot ou la « wesh langue », la langue des cités… »
Étalonnage
En test depuis deux mois, le logiciel est en train d’être étalonné. « On règle notamment les bruits parasites qui peuvent nuire aux retranscriptions ou on lui apprend des mots », ajoute Cyril*, responsable produits pour Chapsvision. Un groupe bien connu des policiers, des gendarmes et des magistrats français. Depuis une dizaine d’années, celui-ci met à disposition Mercure, un logiciel qui fait de l’analyse criminalistique en croisant des données des opérateurs (fadette, suivi d’interception, trackers GSM ou GPS), des données Forensic (extraction de téléphones, de carte SIM, extraction de disques durs) avec des données d’enquête ou encore des données financières.
« Tout cela se fait sous le contrôle des magistrats », ajoute un policier de la Dcos. L’utilisation des logiciels est encadrée par l’article 230-45 du code de procédure pénale qui gère toutes les applications, écoutes, géolocalisations, etc. Et les actes d’enquête se font suite à l’autorisation d’un juge des libertés à la demande d’un magistrat. Si les retranscriptions sont utilisées en procédure, elles doivent être approuvées par un officier de police judiciaire et/ou un interprète assermenté afin d’authentifier les propos. « On est capable de transcrire n’importe quel dialecte et ça permet aussi d’éviter des risques de vulnérabilité car dans certaines petites communautés, tout le monde se connaît », ajoute Cyril de Chapsvision.
Economie de temps
Pour les forces de l’ordre, les vrais bénéfices de ces retranscriptions ce sont les économies de temps enquêteur. « Étant donné le nombre de fusillades et d’enquêtes que nous avons en cours en ce moment, c’est précieux. L’idée est de réserver le recours à ces solutions privées payantes pour le haut du spectre de la criminalité quand la Plate-forme nationale des interceptions judiciaires ne peut pas offrir le même service. »
Si les enquêteurs semblent conquis par l’efficacité de la solution, des réticences peuvent poindre étant donné l’extrême sensibilité des données collectées. « Le ministère de l’Intérieur pourrait vouloir redévelopper le même logiciel en interne », explique un autre cadre policier. « Mais souvent, ce que développe le ministère de l’intérieur, ça marche moins bien que ce que font les entreprises spécialistes. »