Par
Ivan CAPECCHI
Publié le
30 mai 2025 à 11h38
; mis à jour le 30 mai 2025 à 12h25
Lola n’arrête pas son activité parce qu’elle ne fonctionne pas. Bien au contraire : son cabinet de massage est l’un des plus prisés de Strasbourg. Non, si Lola décide de tourner cette page, c’est peut-être parce qu’elle veut partir avant qu’il ne soit trop tard, et ainsi garder un bon souvenir de cette aventure.
Une aventure au cours de laquelle elle a appris énormément ; où elle s’est révélée, prouvée à elle-même qu’elle était capable. Mais une aventure, aussi, entachée de trop de charge mentale et de charges tout court.
Comme elle le dit si bien sur ses réseaux sociaux, où elle a annoncé son départ auprès de sa clientèle, être à son compte, c’est être la « Rolls du couteau suisse ». Pour Actu Strasbourg, elle a accepté de parler sans détour de la réalité du métier d’entrepreneur, loin des illusions dorées que certains influenceurs à succès vendent à coups de formations payantes.
Prendre soin des autres
Après 11 ans de salariat dans la restauration et l’animation périscolaire, Lola a lancé son activité de massage dans le but de « prendre soin des autres ». « Pour moi, c’était une évidence d’être tout de suite à mon compte. Je souhaitais bénéficier d’une autonomie dans mon travail, autrement dit travailler pour moi et pouvoir gérer mon planning comme bon me semblait », ponctue-t-elle.
Lola débute son activité dans un contexte compliqué, celui du Covid. « Moins d’un an après, nous étions confinés », rappelle celle qui fut désignée, comme d’autres à cette époque, comme « non essentielle ». « Le plus dur au début, c’est de se constituer une clientèle », confie la jeune femme qui, forte d’une expérience en tant que rédactrice web, parvient à se constituer un « site béton, qui remonte bien sur Google ».
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Cela fait deux ans maintenant que sa « boîte est pérenne » et qu’elle a deux mois d’attente pour une prise de rendez-vous. Alors quoi ?
Rapidement, on se rend compte que, si on ne travaille pas, il n’y a pas d’argent qui rentre, donc au début, on est dispo 7 jours sur 7, à n’importe quelle heure, on répond tout le temps, on accepte tous les rendez-vous, même le samedi à 18h. C’est un stress un peu permanent que de se dire : si je ne réponds pas à ce client, je risque de le perdre. Si on est malade, on ne va pas travailler, on n’est pas payé. Donc, qu’on soit blessé ou malade, on va bosser. Moi j’ai bossé avec une entorse au doigt par exemple. Quand on est en vacances, il faut faire tout le travail de secrétariat, car on ne peut pas reprendre après une semaine de vacances et répondre à 30 personnes en même temps. Donc en fait, les journées ne s’arrêtent jamais. On est sollicités constamment, les clients nous écrivent le samedi à 23h, le dimanche, les jours de Noël, à Nouvel An… On est constamment retenus par le travail. Je n’ai jamais réussi, en six ans, à couper.
Lola
Masseuse
Masseuse, mais aussi comptable, secrétaire, psychologue…
« Il faut être comptable, savoir gérer un site internet, faire du secrétariat, être psychologue, même, parfois, avec certains clients », liste dans un flow mitraillette Lola.
« Une fois toutes mes charges déduites, je me dégage un Smic pour 50h de travail par semaine », continue-t-elle. « Si encore à la fin du mois on avait un salaire super cool, qu’on pouvait partir en vacances tous les trois mois, alors on pourrait se dire que le jeu en vaut la chandelle, mais ça n’est pas le cas », constate-t-elle.
Lola dans son cabinet de massage à Strasbourg. (©Ivan Capecchi / Actu Strasbourg)Coup de grâce
Le déclic a surgi en octobre dernier, lors d’un voyage en solitaire.
« Une cliente m’a reproché de partir en vacances, par rapport à la validité de sa carte-cadeau. Cela faisait sept mois que je n’avais pas pris de vacances. Ça a été le coup de grâce », souffle Lola, qui cessera définitivement son activité de masseuse le 1er août prochain.
Équilibre vie pro/vie perso
D’ici-là, Lola cherche un travail salarié, potentiellement en tant qu’agente administrative ou dans la rédaction web*.
Plus exactement, elle cherche à « retrouver un équilibre entre [sa] vie professionnelle et personnelle ». « Je veux pouvoir me dire : quand le travail est fini, c’est fini. Ces six dernières années, j’ai beaucoup mis ma vie personnelle entre parenthèses. À 20h, je n’ai plus aucune force pour sortir. Pareil les week-ends », explique-t-elle.
« Je veux aussi une sécurité de l’emploi. Là, quand je m’arrêterai le 1er août, je n’aurai pas de chômage », ajoute-t-elle.
« C’est une expérience qui valait la peine d’être vécue »
Tout ceci étant dit, quand Lola regarde derrière elle, elle garde en souvenir « les rencontres, tous les retours qu'[elle] a eus de la part de [ses] clients ». Mais aussi la fierté d’être « allée au bout des choses ». « C’est une expérience qui valait la peine d’être vécue, j’ai énormément gagné confiance en moi », témoigne-t-elle.
« Être à son compte, c’est une super expérience et, si on se sent capable de le faire, il faut la tenter, mais il faut savoir dans quoi on met les pieds. Il faut oser se lancer, s’accrocher, mais aussi savoir s’écouter et s’arrêter à temps », conclut-elle.
*Si vous recrutez, vous pouvez contacter Lola Spach via ses réseaux sociaux.
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