Tout a commencé par une boîte de petits pois. Au début des années 2010, Benjamin Chedeville s’ennuie ferme dans sa carrière de commercial chez Bonduelle qui se lève dès potron-minet pour vendre des légumes en conserve. Las de végéter dans un boulot qui ne beurre pas les épinards, le trentenaire claque la porte. Ça tombe bien, les frères Dartois, tauliers de la discothèque rennaise « L’Espace club », cherchent un barman pour les week-ends. Ce qui ne devait être qu’un job d’appoint se transforme en vocation.

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Avec un serveur du même âge, Philippe, il décide de racheter « Le Rallye », qui vivote près de l’ex-prison Saint-Michel. Sous le nouveau nom de « Poney club », il devient un lieu tendance, en partie grâce au réseau de Philippe, fils du député socialiste Jean-Michel Boucheron. L’aventure dure six ans, puis le bar est repris par les frères Dartois, bouclant la boucle.

En 2018, « Ben » reprend Le Hangar, rue de Dinan, dont le propriétaire part en retraite. Ambiance industrielle, un peu brute. Belle terrasse, tartines et tapas. Comme au Poney club, le patron ne mène pas la barque seul. Il fait équipe avec un ami, Alexandre Marais, taillé sur le même format que lui : un peu ours, costaud et débonnaire. Il gérait auparavant Le Casting à Gévezé. La collaboration marche si bien que, quatre ans plus tard, ils ouvrent ensemble Le Béret, boulevard de la Liberté. Un bistrot de quartier à l’ambiance « franchouillarde » revendiquée.

Ne pas jouer solo

Dès qu’il monte une adresse, Benjamin Chedeville s’associe avec un jeune débrouillard en qui il a une confiance totale. « J’essaye de rendre ce qu’on a fait pour moi », commente ce fils de parfumeurs rennais, qui a fait ses classes dans une école de commerce à Paris. « Je suis le garde-fou, je m’occupe de la paperasse et de la gestion des merdes qui arrivent. Le problème, c’est que je ne fais presque plus que ça. »

« C’est un gros bosseur, un fondu de business », confirme un ancien employé. À 44 ans, Benjamin Chedeville gère désormais, parfois par l’intermédiaire d’une autre société, une dizaine d’adresses à Rennes et alentours. « La Cabane », « Corner Shelter », « Georgette », « La Buvette du pont », « Maison java »… Sa fierté ? Avoir investi dans le pub situé en face du Roazhon park. Ou plutôt, « la cathédrale », comme l’appelle ce grand supporter des Rouge et noir qui, le jour de son mariage, a réussi à se faire ouvrir les grilles du stade pour une photo dans les tribunes avec ses invités.

Un rêve en rouge et noir

« Le Roazhon pub, c’était son rêve, un investissement plus coup de cœur que stratégique », sourit François Rauzy, journaliste sportif rennais, qui l’a rencontré au comptoir de La Cabane. Depuis, Chedeville a fait quelques apparitions à la table de « Le lundi c‘est Rauzy » sur France Bleu Armorique. Une présence médiatique atypique pour un patron de la nuit rennais, là où les Dartois, Saint-Yves ou Ozdemir ont tendance à fuir la lumière. Il compte dans son réseau des personnalités du monde culturel rennais… Ainsi que des élus de l’opposition de droite, comme Loïck Le Brun, avec qui il partage la passion du ballon rond.

Bien introduit auprès des banques, il place aujourd’hui ses pions dans la banlieue de Rennes, un nouvel Eldorado. En 2021, il ouvre une guinguette bettonaise, La Buvette du pont, cette fois avec son frère Antoine dans le rôle de l’homme de confiance. Pour le prochain resto, il se verrait bien planter son drapeau encore plus loin, à Liffré.