D’abord locataire d’un T2 de 45 m² dans l’immeuble ABC de la Presqu’île de Grenoble, Émilie a emménagé en avril 2024 dans Mouv’In, la résidence neuve voisine commercialisée en Bail réel solidaire (BRS) par Hestis, la marque promotion immobilière de Grenoble Habitat.
« J’y ai acheté 175 000 € un T3 de 62 m² en 2023 » précise la trentenaire. Elle n’est propriétaire que du bâti et paye une redevance mensuelle pour le foncier.
Mais c’est grâce à cette dissociation du bâti et du foncier, base du BRS, qu’elle a pu l’acheter : ce dispositif juridique instauré par la loi Alur de 2014 et complété par la loi Élan de 2018 réduit le prix d’achat du bien de 25 à 30 %, voire 40 % selon les zones.
Il nécessite l’intervention d’un Organisme foncier solidaire (OFS), structure à but non lucratif agréée par l’État qui finance l’acquisition du terrain et le loue aux propriétaires du bâti sur un bail, dit bail réel solidaire, de longue durée (de 18 à 99 ans).
Cette redevance d’occupation du terrain se situe souvent entre un et deux euros par mètre carré et par mois. « Aux 550 € de crédit immobilier que je rembourse chaque mois s’ajoutent 71 € de redevance mensuelle », illustre Émilie.
« Soit un montant presque équivalent à mon ancien loyer (600 €) pour 20 m² en plus ! » Depuis la résidence Soliza d’Isère Habitat à Crolles (1), le tout premier programme BRS neuf lancé dans le département, le dispositif s’est fortement déployé.
Faciliter l’accession des ménages modestes
Au fil des mois et avec la multiplication des opérations, l’inquiétude générée par la nouveauté de ce modèle de propriété a fini par s’estomper au regard de son principal atout : faire chuter le prix d’achat du logement.
Une aubaine lorsque l’augmentation des prix des matériaux et des coûts de construction se conjugue avec hausse des taux de crédit.
Réservé à l’acquisition de sa résidence principale, le BRS est en outre éligible au Prêt à taux zéro (PTZ) et au prêt Action logement (1 % logement).
« Il permet aux ménages modestes d’accéder à la propriété à moindre coût et en toute sécurité. Le dispositif intègre en effet une garantie de rachat du logement par l’OFS en cas d’accident de la vie » rappelle Stéphane Duport-Rosand, président d’Absise, l’association des bailleurs sociaux de l’Isère.
Autre nouveauté de ce mode d’accession sociale, la plus-value n’est pas possible à la revente hormis celle liée à la valorisation d’éventuels éléments ajoutés (cuisine…).
Les conditions de revente d’un bien acheté en BRS (TVA à 5,5 %) sont en effet encadrées avec un prix plafond garantissant la vocation sociale initiale du dispositif au fil du temps.
Réguler le prix du foncier
Ce prix plafond bénéficie d’une revalorisation annuelle souvent indexée à l’indice de référence des loyers (IRL).
« Le démembrement entre foncier et bâti permet d’avoir une maîtrise de la charge foncière sur du court, moyen et long terme et de réguler ainsi le prix du foncier en zone tendue » souligne Séphane Duport-Rosand.
C’est d’ailleurs sur ces zones tendues que le BRS trouve vraiment sa raison d’être. « Lorsque le foncier est accessible, il difficile de se démarquer d’un prix classique en le dissociant du bâti. Le BRS perd de son intérêt et devient difficile à commercialiser » explique Romain Giovanelli, directeur de l’action commerciale d’Alpe Isère Habitat.
A contrario lorsqu’un T3 de la résidence l’Echappée en cours de travaux à Saint-Martin-d’Uriage se vend entre 200 et 230 000 € en BRS contre en moyenne à 350 000 € en accession libre dans cette commune, les acquéreurs n’hésitent plus trop.
« Il ne nous reste plus qu’un appartement sur 14 à vendre sur ce programme en BRS » glisse Kevin Spitaleri, responsable des ventes d’Isère Habitat.
Dans les zones tendues, les communes s’intéressent aujourd’hui plus au BRS. Le dispositif entre dans leur quota social et offre par son encadrement sur la revente, une meilleure régulation du foncier que d’autres produits d’accession sociale.
Certaines comme Meylan fixe d’ailleurs désormais à 10 % le nombre de logements en BRS à prévoir dans programmes neufs.
« Sur certains secteurs, nous dérogeons même aux 35 % de logement locatif social en demandant du 100 % BRS » précise Antoine Jammes, adjoint à l’urbanisme de la ville.
Mais précision, si le décret du 16 juillet 2024 autorise la location des biens en BRS sous certaines conditions, cela reste pour de la résidence principale. La location en Airbnb est par exemple totalement interdite.
En maison aussi
D’abord développé sur l’habitat collectif neuf, le BRS se déploie aussi sur les maisons. « On pourrait imaginer que la non propriété du terrain freine plus les acquéreurs. Mais le produit devient tellement attractif par son différentiel de prix que ce frein s’estompe » note Delphine Trosset, directrice Ventes de la SDH.
Installée avec sa famille à Revel dans l’une des 13 « Villas Célestes » commercialisées en BRS par SD’Acces, Marie Caroline le reconnaît.
« La non propriété du terrain peut surprendre. Mais nous avons bien un acte de propriété et nous avons pu acquérir cette maison T5 neuve de 110 m² pour 280 000 €. Même en intégrant le coût de la redevance (environ 120 € par mois) que nous pourrions payer sur les 50 ans du bail, nous restons bien en deçà du prix du marché ! » explique la jeune femme.
Le dispositif bénéficie cette année d’un coup de pouce supplémentaire avec la forte revalorisation des plafonds de revenus du BRS et la refonte du zonage du territoire (zones A, B ou C) dont dépendent l’éligibilité des ménages au BRS et au PTZ et les montants d’aides possibles.
Les organismes de logement sociaux (OLS) au cœur du dispositif
Isère Habitat fut le premier OLS en Isère à créer un OFS (1) pour déployer ce nouveau dispositif d’accession sociale.
« Et nous privilégions toujours la maîtrise d’ouvrage directe », explique Kevin Spitaleri, responsable des ventes.
« Mais nous répondons aussi aux sollicitations portées par les promoteurs auprès de notre OFS ».
Hormis Actis qui a choisi pour l’heure de se concentrer sur le locatif social, tous ont emboîté le pas en créant leur propre OFS ou, exception qui confirme cette règle, en s’appuyant sur l’OFS métropolitain (2) comme l’a fait jusqu’ici Grenoble Habitat.
Et le nombre de logements neufs en BRS portés par les OLS augmente. Dans le Sud-Isère, Isère Habitat lance en juin la commercialisation de sa sixième opération BRS (à Montbonnot), ajoutant ainsi 14 BRS au 77 déjà proposés.
Alpes Isère Habitat/Dauphilogis porte lui aussi six opérations dans le Sud-Isère avec déjà 53 logements en BRS livrés et 36 en cours de commercialisation.
Avec son OFS SD’SOL agréé en 2020, SD’Accès/SDH (filiale d’Action Logement) a déjà livré 150 biens en BRS et commercialise 22 programmes pour 250 logements.
En effet, outre l’effet d’opportunité lié au soutien apporté aux promoteurs par Action Logement, la SDH a fait aussi du BRS son principal produit d’accession sociale.
« Il représente aujourd’hui 80 % de notre production » indique Delphine Trosset, directrice Ventes de la SDH.