De notre envoyé spécial à Roland-Garros,

Les organisateurs de Roland-Garros allaient-ils oser ? Alors que la France entière (hormis un petit village d’irréductibles situé dans le sud de la France) a le cerveau occupé par la finale de la Ligue des champions, ce samedi à Munich entre le Paris Saint-Germain et l’Inter Milan, beaucoup de suiveurs pensaient que, enfin, un match féminin allait être programmé en night session pour faire taire les critiques qui ne cessaient d’augmenter.

Et bien non, Roland-Garros a continué dans la même lignée, en programmant la rencontre entre Novak Djokovic et Filip Misolic ce samedi soir. Même duel masculin le lendemain entre Holger Rune et Lorenzo Musetti. Ce qui a le don d’agacer plusieurs joueuses du circuit, à l’image d’Ons Jabeur qui a, en plus de sa prise de parole à Roland-Garros, continué le combat en détaillant sa position sur les réseaux sociaux.

Le tennis féminin « sans reconnaissance »

« Personne ne nie la grandeur du tennis masculin, a écrit la joueuse tunisienne. La férocité des batailles, l’héritage, la magie sous la pression. Mais honorer un pan de ce sport ne devrait pas dire ignorer l’autre. Le tennis féminin écrit sa propre histoire, brillamment, et depuis trop longtemps sans reconnaissance. »

Depuis l’organisation de ces matchs en nocturne sur le Philippe-Chatrier il y a quatre ans, seulement quatre rencontres féminines ont été programmées. Et il n’y a en donc eu aucune lors de la première semaine de compétition cette saison, comme sur toute l’édition précédente. « Ils ne semblent pas vouloir faire des choses différentes, cela devrait être plus équitable, a commenté la tête de série n°3 Jessica Pegula, ce samedi après sa qualification pour les huitièmes de finale.

« Pourquoi on ne nous donnerait pas des possibilités d’être plus à l’égalité ?, s’interroge l’Américaine. J’ai l’impression de taper ma tête contre le mur, parce qu’on parle de cela depuis toujours. Il n’y a jamais eu d’égalité. Je suis contente qu’elle [Ons Jabeur] ait parlé. Elle veut que tout soit traité à égalité. Je la soutiens. Je pense qu’on a démontré que l’on mérite les mêmes opportunités. »

Jabeur remontée

Depuis que les critiques ont commencé à poindre, notamment l’année dernière, les organisateurs répondent qu’ils agissent dans l’intérêt du spectateur, qui ne veut pas payer pour voir un 6-0, 6-1 en cinquante minutes. D’ailleurs, vendredi soir, en plein Alcaraz-Dzumhur, un spectateur s’est plaint que le match était trop rapide, après les deux premières manches remportées par Carlitos, et qu’il n’avait pas payé pour ça, en résumé.

Doléances acceptées par l’Espagnol et le Bosnien qui ont livré deux derniers sets magnifiques, faisant durer le spectacle plus de trois heures durant. « Quand une femme gagne 6-0, 6-0, on dit que c’est ennuyant. Trop facile. Quand un homme réussit ça ? C’est être « dominant », « fort », « inarrêtable », se plaint Ons Jabeur. Quand une femme joue avec de la puissance, ils disent qu’elle joue « comme un homme ». Comme si la force, la vitesse ou l’agressivité ne faisaient pas partie du tennis féminin. »

Sinner ne préfère pas prendre position

Les joueuses peuvent-elles compter sur leurs homologues masculins dans ce combat pour l’égalité. A écouter Jannik Sinner après sa victoire face à Jiri Lehecka au troisième tour, pas vraiment. « Ce n’est pas nous qui faisons la programmation, a réagi l’Italien. Je ne pourrais donc pas vous donner mon avis. Je ne veux pas exprimer de commentaires, ou rentrer dans le détail à ce sujet. Peut-être certaines choses pourront changer à l’avenir, je ne sais pas. » Pas merci Jannik.

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« J’ai l’impression que l’on ne nous écoute pas, a ajouté Jessica Pegula. On peut continuer à en parler, mais s’ils ne veulent pas répondre ou faire quelque chose, il n’y a rien que l’on peut faire, sauf continuer à en parler. Je ne me sens pas impuissante, la situation est telle qu’elle est jusqu’à ce qu’elle change. » Si elle change. Un jour, peut-être.