Par
Margot Nicodème
Publié le
31 mai 2025 à 18h16
Le tribunal de Lille a vu passer dans sa salle des comparutions immédiates une épineuse affaire, l’illustre exemple du « parole contre parole », le 23 mai dernier. Les faits se sont déroulés dans le cadre on ne peut plus confidentiel d’une cellule du centre pénitentiaire de Sequedin (Nord), le 30 avril.
Un prisonnier accuse son codétenu de lui avoir délibérément jeté dessus une marmite d’eau bouillante, en pleine nuit. Brûlures largement étendues sur le torse, cicatrices excédant les 20 cm… Si les blessures constatées par un médecin ne font aucun doute sur la survenue de l’ébouillantage, la victime, qui a reçu un mois d’ITT, dit que c’est son codétenu qui a volontairement commis l’agression. Ce dernier, de son côté, donne la version d’un accident, dans un contexte, il le reconnaît, de tensions extrêmes entre les deux hommes qui se vouent une inimitié sans bornes. Le tribunal a dû trancher.
« Je l’avais déjà prévenu de ne plus toucher à mes affaires »
Cela ne faisait que deux semaines, quand les faits se sont produits, que les codétenus partageaient la même cellule à la prison de Lille-Sequedin. Et déjà, le plaignant avait demandé deux fois à l’administration de le changer d’endroit, tant les rapports étaient mauvais entre les deux hommes. Le prévenu, Mehdi*, est un solide gaillard, à l’allure impressionnante. Il relate aussi avec franchise la réalité de la geôle. Oui, il s’est montré menaçant envers son codétenu, qui avait développé la fâcheuse manie de lui « voler ses provisions ».
« Je l’avais déjà prévenu de ne plus toucher à mes affaires. En prison, je me lève tous les matins à 5h45 pour me préparer à aller travailler en cuisine. Lui, il ne fait rien. » Ce sont les « emprunts » répétitifs de sa nourriture par son camarade qui l’auraient irrité et ainsi incité à mettre les points sur les i. Mais la marmite bouillante déversée sur lui, ce n’était qu’un accident, il le maintient devant le président du tribunal.
Selon lui, dans la nuit du 30 avril, il aurait à nouveau vu son codétenu se servir dans ses denrées. Du café, précisément, qui devait justement être préparé avec l’eau qui bouillait sur le feu.
Furieux de se voir lésé encore une fois, il aurait voulu reprendre la marmite, pour empêcher l’autre homme de profiter de son café. Son rival, lui, aurait retenu le récipient et c’est finalement dans les va-et-vient de la chamaillerie que l’eau chaude aurait atterri sur la poitrine du plaignant. Une perte d’équilibre, rien de plus.
« C’est vous en fait qui fixez les règles dans la cellule ? »
Pour la victime supposée, ça ne fait en tout cas aucun doute que le geste visait à la blesser. Son avocate, au tribunal, rapporte le récit qu’il fait de son quotidien dans la cellule. Lui et Mehdi vivraient à des rythmes décalés, ce qui a le don d’enrager ce dernier. Il se serait montré violent, en tout cas verbalement, parce que le plaignant regarde la télé à des heures de la nuit, alors que lui veut dormir. « Bien sûr que je veux dormir. Comme je l’ai dit, je me lève à 5h45 tous les matins, c’est important pour moi de travailler. »
L’avocate du plaignant l’apostrophe, à l’audience : « C’est vous en fait qui fixez les règles dans la cellule ? » Elle demande 2000 € de dommages et intérêts pour son client. La procureure n’est pas convaincue par la version de Mehdi, qui a un lourd passif de violences contre un policier et une ex-conjointe, notamment.
Le tribunal finira pas trancher. Le doute raisonnable profite au prévenu, qui est relaxé de tous les faits contre lui.
*Le prénom a été changé
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