Hervé Féron, en tant que directeur artistique du festival Aux Actes citoyens, on vous suppose plutôt satisfait par l’édition 2025 qui vient de s’achever.
« Oui, ce fut une énorme réussite ! On a senti qu’on était mieux structuré que jamais, avec plus de bénévoles en responsabilité, et tout ça tourne comme une véritable petite entreprise, mais qu’on monte… pour huit jours. Ce qui suppose énormément de fatigue, mais quelle ambiance ! Pas même une engueulade ! Et le public sait s’en montrer reconnaissant. »
Comment ça ?
« Eh bien en revenant toujours plus nombreux d’année en année. Et parfois de loin. Une dame habitant Orléans m’a dit avoir posé huit jours pour suivre ici tout le festival, et un couple de la pointe du Raz fait ça depuis des années ! »
Tous ne viennent quand même pas de l’autre bout de la France ?
« (Rires) Non, bien sûr. La plupart viennent de l’agglomération nancéienne, à commencer par les gens de Tomblaine, dont certains qu’on embarque dans l’aventure alors qu’ils ne seraient peut-être jamais venus d’eux-mêmes au théâtre. Grâce aux masterclasses de commedia dell’arte par exemple, en intervenant dans les écoles, avec la radio des collégiens, ou encore l’opération En Voiture Simone à destination des personnes âgées. C’est un projet de territoire, on doit faire société, apprendre à mieux se connaître, mieux se parler. Et dans un festival comme celui-ci, on est au carrefour de tout. »
Tant et si bien que vous ne pouvez plus répondre à la demande. Cela pourrait finir par vous poser des difficultés, non ?
« Ça en pose déjà. Cette année, ça fait six semaines qu’on est obligé de dire non à tout le monde, tout était vendu. Ce qui n’est pas confortable du tout. Alors on a déjà augmenté la capacité de notre salle jusqu’à 550 spectateurs, on a déplacé la cérémonie d’ouverture à l’extérieur pour accueillir la foule, on a doublé le spectacle de Don Quichotte le dimanche… On a même réfléchi à décentraliser une soirée dans une grande salle à Nancy, mais je ne pense pas que ce soit la bonne solution. »
Pourquoi ça ?
« Parce qu’on n’est pas des organisateurs de spectacles. Notre projet, associatif, c’est d’abord de resserrer les liens sociaux dans notre ville à partir d’un projet culturel… à Tomblaine. C’est donc à Tomblaine qu’on doit trouver une solution : peut-être en doublant un spectacle, ou en installant un grand chapiteau place des Arts ou plaine Flageul. On y réfléchit en tout cas. »
« Théâtre et culture sont en souffrance aujourd’hui en France »
Avec le succès, la pression va croissant, non ?
« Un peu. Notre public a grandi en même temps que nous, et son exigence aussi. Chaque année, on se dit qu’il sera difficile de faire mieux. Après, même si cette année on a pu se vanter que 7 Molière soient associés à nos spectacles, on ne veut pas se focaliser dessus non plus. Je ne suis pas sélectionneur olympique. Et si on met la même rigueur chaque année, il n’y a pas de raison qu’on n’offre pas au moins la même qualité. »
Le vivier de la création théâtrale en France reste-t-il suffisamment nourri pour renouveler l’offre ?
« Théâtre et culture en général sont en souffrance aujourd’hui en France, c’est clair. Mais la créativité est bel et bien là. Il faut qu’on reste des résistants, des combattants, pour donner aux gens la capacité de montrer leurs spectacles. Et donner leur chance, aussi, aux artisans du théâtre, comme le Teatro Picaro ou Carlo Boso. »
Quels ont été pour vous les grands atouts du festival 2025
« Ils sont multiples, bien sûr ! Mais je veux citer une cérémonie d’ouverture inoubliable, populaire, avec une marraine tout à fait exceptionnelle. Delphine Depardieu est même revenue le mardi pour passer la journée avec nous. Et si la plupart des comédiens aiment d’abord parler d’eux, elle au contraire voulait en savoir plus sur tout le monde. Quelqu’un d’altruiste, et de vraiment précieux. Comme on les aime à notre festival ! »