Par
Margot Nicodème
Publié le
1 juin 2025 à 6h50
Elle a éclos, pile pour le printemps, mais n’a pas fait que des admirateurs. La nouvelle version de la rue du Molinel, officialisée le 3 mars 2025 avec la remise en circulation des bus, a clivé les Lillois. Voyant les passions se déchaîner sous notre article illustrant le rendu final, nous avions tenté de lister les points de satisfaction et de crispation émis par les habitants. Qui parfois étaient les mêmes, les modes de vie (et de transport) des uns et des autres induisant leur jugement final. C’est ce second article qui a mis Elysabeth Hoizey, du collectif SOS Piétons, sur notre route. Sur place, au croisement des rues du Molinel et Pierre-Mauroy, son constat est sans appel : les aménagements créés pour les modes de mobilités sont périlleux. Parce qu’ils ne respectent pas l’espace par excellence du piéton, le trottoir, pas plus qu’ils n’obéissent aux règles de la chaussée, à laquelle devraient être cantonnés tous les véhicules… y compris les vélos.
« La cohabitation des véhicules entre eux n’a pas à être traitée par les piétons »
Elysabeth Hoizey part d’un constat aussi simple que fondamental pour son collectif créé en 2024, qui fait d’ailleurs l’objet d’une pétition : « Les pistes cyclables sur ou jouxtant les trottoirs sont à bannir. » Pourquoi ? Parce que les vélos, qu’elle considère comme étant des véhicules comme les autres, doivent nécessairement rouler sur la chaussée. A fortiori les engins aujourd’hui capables d’atteindre une vitesse de croisière élevée, comme les vélos électriques – « dont certains, débridés, montent à 45, 50 km/h ! », note Elysabeth – les vélos cargos, les gyropodes.
Rue du Molinel, la piste cyclable cohabite avec l’espace piéton, et est séparée de la chaussée tantôt par des blocs de végétation, tantôt par des bornes. Ce qui amène Elysabeth, qui fut dans sa carrière avocate d’affaires, à logiquement se demander : « Pourquoi n’avoir pas fait l’inverse ? Mis la piste cyclable le long de la chaussée et séparer le tout du trottoir ? » Son propos est clair. « La cohabitation des véhicules entre eux n’a pas à être traitée par les piétons. »
Elysabeth Hoizey s’interroge : « Pourquoi n’avoir pas fait l’inverse ? Mis la piste cyclable le long de la chaussée et séparer le tout du trottoir ? » ©Margot Nicodème
En observant seulement quelques minutes l’organisation des flux sur cet axe-clé du centre-ville de Lille, des scènes de confusion émergent. Des cyclistes – pour les plus précautionneux – décélèrent à l’approche de piétons qui évoluent aux abords de la délimitation, quand ces derniers se voient régulièrement refuser la priorité du passage piéton par des cycles. Pour autant, la situation générale présente-t-elle des risques inévitables ? Pour SOS Piétons, ça ne fait aucun doute.
La rue du Molinel à Lille : un apparent « espace de promenade » aux risques jugés multiples
Plus que la souveraineté du piéton qui est mise à mal, Elysabeth Hoizey parle franchement d’ »oppression ». La disposition élémentaire qui aurait dû être prise est l’établissement d’une « protection physique » entre la piste et le trottoir.
« Une délimitation comme on a là [une bande avec des rainures, ndlr] ou un marquage au sol n’est pas une protection spatiale. On met bien des protections aux balcons, aux piscines… C’est la même chose. Un enfant de 3 ans qui se met à courir ici, il est mis en concurrence avec des vélos qui roulent à 30 km/h. Il aurait au moins fallu un muret, en tout cas une installation assez haute. »
Elysabeth Hoizey, membre du collectif SOS Piétons
Elle tient pour responsables les collectivités territoriales, la Métropole de Lille gérant le réseau de pistes cyclables, la Ville de Lille et l’urbanisme sur son territoire, qui « ont un devoir de sécurité envers les citoyens ».
Le récent collectif, qui se compose de « passionnés de vélos », d’un architecte, d’un urbaniste, d’une femme atteinte de cécité notamment, dit « servir l’intérêt général ». Se qualifiant eux-mêmes de lanceurs d’alerte, les uns, les autres effectuent régulièrement des « reportages photos » à des endroits où ils jugent que les aménagements sont flagrants d’absurdité. À Roubaix, à Tourcoing, rue du Molinel et rue Solférino à Lille… Ils envoient ensuite, preuves à l’appui, leurs doléances aux maires, aux députés, aux sénateurs, aux ministres.
Elysabeth dénonce enfin le paradoxe d’un « univers où l’on veut tout apaiser, mais où l’on vient installer une insécurité entre les piétons et les cyclistes ». Au sujet de la rue du Molinel, pour conclure, s’il n’y a rien à redire à l’esthétique, c’est en fait un écran de fumée : « On a l’impression d’être dans un espace de promenade, quand c’est un espace de risques. »
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