Le moral n’est pas toujours au zénith mais ils tiennent, « par amour » de leur métier et du « contact » humain dans leurs enseignes, érigées en dernier bastion du « commerce de proximité ». Une quarantaine d’adhérents ont participé, dimanche 6 avril 2025 à Cheverny, à l’assemblée générale de la fédération des buralistes de Loir-et-Cher, riche d’environ 150 membres sur les 174 buralistes du département.

Les quelques heures de discussion ont permis de s’épancher sur les inquiétudes qui entourent le présent et l’avenir du métier. Avec, notamment, la hausse de la quantité de cigarettes de contrebande en circulation. « Quand j’ai ouvert à Chaumont-sur-Loire, il y a dix ans, on était à 21 %. Maintenant c’est plus de 40 %. La situation est dramatique », déplore Isabelle Pasini-Brault, présidente de la fédération des buralistes de Loir-et-Cher. « C’est facile à trouver, avec le bouche-à-oreille : à l’usine, entre amis… », poursuit une consœur du sud de département.

« Des risques énormes de se faire agresser »

Pourtant en nette hausse dans le département (8 t de tabac de contrebande saisis en 2024 contre 625 kg en 2023), les chiffres avancés par Michel Mercier, directeur régional des douanes Centre-Val de Loire n’ont pas apaisé les inquiétudes (1). « Et les épiceries à Blois qui vendent des cigarettes ? Il ne se passe rien », s’agace une buraliste. « Il nous faut des infos précises pour monter des opérations avec les gendarmes. On n’a pas assez d’alertes », a poursuivi Michel Mercier.

Les prix du tabac en Europe ont été projetés lors de l’assemblée générale des buralistes de Loir-et-Cher, dimanche 6 avril 2025.

Les prix du tabac en Europe ont été projetés lors de l’assemblée générale des buralistes de Loir-et-Cher, dimanche 6 avril 2025.
© Photo NR, Fabien Burgaud

Autre point clé : la sécurité. Entre les dix-sept cambriolages fin 2023 (2) et la récente agression d’une buraliste à Blois, en mars, difficile de ne pas partager ses craintes, malgré « l’écoute et le soutien » des gendarmes. « On a déjà tout, même la machine qui fait du brouillard. On se sent rassurés la nuit mais la journée, quand on est ouvert… On regarde à deux fois quand quelqu’un que l’on ne connaît pas rentre », raconte Aïcha Sestre, gérante du Fontenoy, rue du Bourg-Neuf à Blois. « Je me sens plus rassurée avec mon chien », raconte Isabelle Pasini-Brault.

Commerces « essentiels »

Cette « recrudescence » de la violence est analysée comme l’une des conséquences des hausses des prix du paquet de cigarettes, désormais autour de 13 €. « On arrive à des risques énormes de se faire agresser ou tuer », a dépeint Alain Clouet, secrétaire général de la Confédération nationale des buralistes.

Une quarantaine de membres ont assisté à l’assemblée générale des buralistes de Loir-et-Cher, dimanche 6 avril 2025.

Une quarantaine de membres ont assisté à l’assemblée générale des buralistes de Loir-et-Cher, dimanche 6 avril 2025.
© Photo NR, Fabien Burgaud

En plus d’appeler à solliciter les millions d’euros d’aides du Fonds de transformation pour se « diversifier » , il milite pour que les buralistes puissent inscrire dans leur contrat de gérance la possibilité de vendre « des produits à fumer » (sans tabac, au CBD, des feuilles de thé) « et de la nicotine. Les gens viennent en chercher en sachets, en billes. La nicotine est l’avenir de la profession. »

Une nouvelle manière de diversifier leurs revenus alors que l’hémorragie des fermetures est « stoppée », a-t-il poursuivi. « On est 22.800 buralistes en France, 10.000 ont fermé en dix ans, dont seulement 120 en 2024 avec 46 créations ! Il faut être présent pour éviter le marché parallèle et conserver les services. » Et ainsi rester « des commerces essentiels, raconte la présidente loir-et-chérienne. On m’a même demandé de livrer le pain si la boulangerie ferme. Tout le monde bosse 70 h par semaine pour gagner un Smic mais on est devenus indispensables. »

Aïcha Sestre est à la tête du bar-tabac Le Fontenoy à Blois depuis une quinzaine d’années avec son compagnon.

Aïcha Sestre est à la tête du bar-tabac Le Fontenoy à Blois depuis une quinzaine d’années avec son compagnon.
© Photo NR, Fabien Burgaud

Malgré « la lourdeur administrative » ou les chiffres d’affaires en baisse de « 30 % » depuis cinq ans, tous se démènent. « On va remettre un peu de sandwichs, de paninis. Depuis un an, on rouvre les dimanches car on ne peut plus se permettre de fermer une journée », décrit Aïcha Sestre, du Fontenoy. « Je fais relais colis, service de banque, bar, FDJ. L’affaire se porte pas trop mal mais on est inquiets car si la chaîne des commerces se meurt, on en fera partie », poursuit une buraliste du sud du Loir-et-Cher.

(1) Au niveau national, la quantité de tabac de contrebande saisi a baissé de 12 % en un an, pour atteindre 488,73 t en 2024.

(2) Le parquet de Blois avait fait appel du jugement énoncé à Blois, en avril 2024, qui avait condamné un homme sur les cinq suspects. Une décision qualifiée de « laxiste » par les buralistes.