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L’organe de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe (ECRI) a tiré la sonnette d’alarme quant au recours au profilage racial. Dans un rapport publié ce mercredi 28 mai, il est indiqué que les forces de l’ordre de nombreux États membres continuent d’utiliser cette pratique, qui persiste à la fois dans les interpellations et les fouilles effectuées par les forces de l’ordre que lors des contrôles aux frontières.

L’ECRI précise que le profilage racial consiste, pour les agents, à agir en fonction de l’origine ethnique, de la couleur de peau, de la religion ou de la citoyenneté plutôt que sur la base de preuves objectives.

« Nous avons remarqué qu’aucun État membre n’est vraiment à l’abri du profilage racial », a averti Bertil Cottier, président de l’ECRI, à Euronews. « Nous pensons qu’il s’agit également d’une question très délicate dans le sens où nous ne voulons pas contrer la police. Nous savons que nous avons besoin d’elle et nous voulons lui faire confiance. C’est pourquoi il est parfois très difficile de les sensibiliser à cette question », a-t-il développé.

Le Conseil de l’Europe écrit qu’il est indispensable de prévenir le développement de ces pratiques afin de renforcer, de maintenir ou de rétablir la confiance du public dans les forces de l’ordre. Car outre la méfiance à l’égard des autorités, cette soumission répétée rend les victimes réticentes à porter plainte, entraînant alors un manque de données et une sous-estimation du problème.

La reconnaissance faciale pointée du doigt

Ces dernières années, une nouvelle préoccupation est apparue : la reconnaissance faciale. Les experts se disent inquiets que cette technologie soit utilisée trop régulièrement par les forces de l’ordre. Ils appellent, dans un premier temps, à des garanties quant à son utilisation.

Malgré le cadre européen strict défini dans la loi sur l’intelligence artificielle, qui est entrée en vigueur en août 2024, les pratiques diffèrent dans les différents États membres. La police française utilise couramment la reconnaissance faciale dans les rues depuis de nombreuses années. De son côté, la Belgique envisage d’introduire de manière systématique cettetechnologie pour « suivre les délinquants condamnés et présumés ».

Le Conseil de l’Europe a fait état de recherches indiquant que cette technologie risquait de fausser l’identification des individus. « C’est une préoccupation pour nous. Les nouvelles technologies posent toujours problème lorsqu’il s’agit de questions de discrimination », a déclaré Bertil Cottier. « Nous craignons que si les nouvelles technologies sont utilisées de manière abusive, le problème s’aggravera. »

Afin de surveiller les technologies émergentes, l’ECRI a adopté une convention-cadre sur l’IA et les droits de l’homme. « Un comité du Conseil de l’Europe s’occupe des questions de lutte contre la discrimination et prépare une recommandation spécifique sur le domaine de l’IA et de la discrimination », a poursuivit le président de l’ECRI.

La France très critiquée

Si le rapport de l’ECRI ne cite aucune situation spécifique, des rapports ciblant certains pays ont été publié par le passé. C’est le cas de la France.

Le Conseil de l’Europe recommandait aux autorités françaises de mettre en place un système efficace d’enregistrements des contrôles d’identité effectués par les forces de l’ordre.

« La France est un pays préoccupant en ce qui concerne le profilage racial », a déclaré Bertil Cottier. « Il y a quelques mois, nous avons constaté que notre recommandation sur la lutte contre le profilage racial, en particulier sur la recherche des fonctionnaires de police qui ont arrêté des personnes [à tort], a été ignorée jusqu’à présent. »

La plus haute juridiction administrative française a statué en 2023 que l’État ne s’occupait pas de la pratique de profilage racial par la police.

Les ONG ont prévenu que cette pratique nuisait aux relations entre la police et le public. Il en va de même pour l’ECRI, qui a déclaré dans son rapport que « le profilage racial génère un sentiment d’humiliation et d’injustice dans la société ». « De telles pratiques compromettent le travail des responsables de l’application des lois qui respectent la loi et les normes de déontologie policière, et qui se sont engagés à lutter contre le racisme et la discrimination raciale », écrivent les experts de l’ECRI.

Prendre au sérieux le profilage racial

L’Italie est un autre pays préoccupant. « Lors de notre visite en Italie, nous avons constaté quelques cas de profilage racial au sein des forces de police. Nous avons recommandé au gouvernement italien de prendre cette question au sérieux », a indiqué Bertil Cottier.

Un rapport d’octobre 2024 invitait l’Italie à réaliser une étude indépendante pour évaluer le niveau de profilage racial au sein de ses forces de police, qui vise particulièrement les Roms et les personnes d’origine africaine. Le gouvernement italien s’y est toutefois opposé.

Giorgia Meloni, Première ministre italienne, a préféré défendre les « hommes et les femmes qui, chaque jour, travaillent avec dévouement et abnégation pour assurer la sécurité de tous les citoyens, sans distinction ». Le vice-Premier ministre Matteo Salvini a, quant à lui, qualifié l’ECRI d' »organisme inutile ».

Une attaque que regrette Bertil Cottier : « Ils ont eu l’impression que nous dénoncions l’Italie et la police italienne en disant qu’elles pratiquaient le profilage racial. En fait, nous avons simplement demandé au gouvernement italien d’évaluer le problème. »

Le Conseil de l’Europe appelle tous les États membres à prendre au sérieux la question du profilage racial, à l’interdire par la loi, à mieux former les policiers et à responsabiliser les forces de police.