Sur l’image, une Volga jaune à damiers noirs, symbole des taxis soviétiques, roule dans une avenue baignée de lumière. Sans chauffeur au volant, elle évoque une carte postale figée. C’est ainsi que l’hebdomadaire économique russe Monocle a choisi de représenter la nouvelle loi qui fait trembler le secteur du taxi russe. “Le voici entré dans une nouvelle zone de turbulences”, écrit-il.

De fait, après une série d’obstacles, dont la flambée des prix de l’essence, l’augmentation des coûts de pièces de rechange et la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement russe impose une nouvelle ligne de conduite.

À partir de mars 2026, pour figurer dans le registre officiel des taxis – créé en 2023 dans le contexte d’un vaste encadrement de la profession –, les véhicules russes devront être produits localement ou atteindre un seuil élevé de “points de localisation” définis par le ministère de l’Industrie.

Officiellement, la mesure annoncée vise à doper le moteur poussif de l’industrie automobile nationale, mis à rude épreuve par les sanctions et la fuite des constructeurs étrangers. Mais cette décision risque fort de faire caler le secteur, affirme Monocle.

Car dans un pays où le parc de taxis atteint 700 000 véhicules, l’obligation de “localisation” pourrait menacer la moitié des chauffeurs actuels, soit 507 000 personnes. Le Conseil d’analyse auprès du gouvernement prévoit également une baisse de revenus de près de 290 milliards de roubles (environ 3,2 milliards d’euros).

À contresens

À l’origine de cette initiative, Avtovaz, constructeur des Lada et principal lobbyiste de la réforme, bien décidé à reprendre la main sur un marché dominé par les marques étrangères.

Aujourd’hui, “sur quatre voitures en service, deux sont chinoises, une est russe, et l’autre vient d’Europe ou de Corée”, résume Natalia Lozinskaya de l’association Conseil national des taxis. Et ce parce qu’elles sont considérées comme mieux adaptées à un usage professionnel intensif, observe Monocle.

À l’inverse, les modèles homologués Lada, comme la Granta ou la Vesta, peinent à convaincre les professionnels du volant. Des pannes surviennent fréquemment dès les premiers 50 000 kilomètres, l’approvisionnement en pièces est lent, et la qualité globale des véhicules se détériore, énumère l’article.

Même son de cloche chez les opérateurs. “Les Lada sont devenues trop chères pour leur qualité, regrette Pavel Stennikov, porte-parole du service de taxi Maxim. En cinq ans, leurs prix ont triplé.” L’achat d’une Lada neuve en Russie centrale, avec les frais de transport et l’entretien, coûte le double d’un véhicule d’occasion importé du Japon.

Par effet domino, le prix moyen d’une course a grimpé de 7 % en début d’année, atteignant 616 roubles (environ 7 euros), tandis que le nombre de trajets a chuté de 35 % sur un an.

Malgré les promesses formulées par Avtovaz, parmi lesquelles une hausse des subventions et des adaptations techniques, peu de professionnels du secteur ont foi en l’efficacité de la mesure.