Il a commencé il y a bientôt une quinzaine d’années avec de premiers contacts dans le pays. Nous avions identifié dès 2008 dans notre premier projet d’entreprise ce besoin d’internationalisation du groupe. A l’époque nous réalisions à peu près 10% de notre activité à l’international et nous avions estimé qu’il nous fallait rééquilibrer notre activité afin de donner des perspectives d’évolution à nos collaborateurs à l’international avec des implantations plus pérennes et solides dans plusieurs pays en dehors de France. Or comme le nom de notre groupe « Ingérop » est la contraction de « Ingénierie » et « Europe », nous nous sommes tournés naturellement vers ce champ d’opération et l’Allemagne, dès le début des années 2010, a fait partie de nos priorités. Après des premières prises de contact via les chambres de commerce franco-allemandes pour analyser le marché, grâce aussi à notre équipe de taille significative en Alsace, fluide en langue allemande, et aux cercles franco-allemands, nous avons rencontré plusieurs sociétés d’ingénierie locales. Si ces premiers contacts ont été infructueux, ils nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du pays et sa culture. Au milieu des années 2010, nous avons missionné la chambre de commerce pour nous aider à identifier des entreprises de 50 à 100 personnes dans le secteur des infrastructures pour d’éventuels partenariats.
C’est en 2018 que tout s’est débloqué. Nous avons été consultés par un intermédiaire financier qui nous a proposé le dossier de Rauscher Gruppe et nous l’avons fait aboutir : un peu moins de 200 personnes, près de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires… C’était un gros dossier pour nous et cette acquisition nous a permis de nous implanter outre-Rhin et d’y acquérir notre légitimité. Il était évident dès le départ que cette acquisition ne serait pas la dernière. Le fondateur du groupe allemand, Dr Rauscher, nous avait déclaré : « Je vous confie mon groupe. Réussissez à le développer plus rapidement qu’au rythme de ma propre ambition ! ». C’est ce que nous avons fait. Des succès dans plusieurs domaines (l’eau, les infrastructures, le transport, l’industrie), en synergie avec les équipes françaises, nous ont permis d’ancrer le groupe en Allemagne et de déclencher des opportunités de croissance externe avec, dès 2022, la société IBF pour renforcer nos compétences en corps d’état techniques du bâtiment, puis Bau+Plan, experte dans le secteur de l’eau et la protection des territoires contre les inondations. En 2023, nous avons acquis RRI, spécialisée dans l’industrie et enfin en 2025, Hyna+Weiss dans le secteur des infrastructures routières. Nous avons aujourd’hui 13 implantations en Allemagne qui couvrent l’ensemble du territoire. Et nous ne comptons pas en rester là. Notre plan de croissance pour les années à venir nous amène à identifier les secteurs où nous souhaitons nous renforcer, en fonction de ce que nous savons déjà bien faire en Allemagne et des synergies que nous souhaitons y développer. L’eau est un secteur clé pour l’Allemagne et Ingérop avec sa filiale Actierra ; les bâtiments publics en sont un autre.
Par ailleurs, en Allemagne, si l’on veut apparaître comme un acteur global en bâtiment, il faut disposer en interne de compétences en architecture. Nous étudions cette opportunité et nous aurons sans doute besoin d’une année pour concrétiser cette ambition. J’ajoute que nous souhaitons aussi renforcer notre développement dans le transport d’électricité en Allemagne comme ce que nous réalisons pour RTE en France.
Pourquoi le choix d’Hyna+Weiss spécifiquement, spécialisée dans les domaines du génie civil et des infrastructures routières ?
En Allemagne, les besoins en matière de réparations ou d’élargissements d’ouvrages d’art, de routes, sont immenses, tout comme les besoins en ferroviaire et cela fait des années que nous les avons identifiés. A l’instar de Vinci et Eiffage qui ont acheté des sociétés en Allemagne dans le secteur de la route pour Eiffage et Eurovia, dans le secteur également du ferroviaire pour Eiffage, nous devions procéder à de nouvelles acquisitions pour nous imposer sur ces marchés, pour que ces groupes nous perçoivent comme un de leurs partenaires naturels en Allemagne. Pour la route, nous avons acquis Hyna+Weiss mais il nous faudra encore renforcer cette première acquisition dans le secteur. C’est une petite entreprise (15-20 personnes) qui évolue sur son périmètre bavarois, mais l’Allemagne s’étend bien au-delà de la Bavière ! Il nous faudra sans doute renforcer nos compétences routières dans le nord et dans l’ouest du pays. Et ensuite nous imposer sur la partie ferroviaire grâce au référencement auprès de la Deutsche Bahn dont disposent d’autres ingénieries déjà actives sur ce marché.
Quels sont les projets les plus importants sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Le plus gros contrat est celui du tunnel immergé sous la Weser à Brême. C’est un contrat important, remporté par Wayss und Freytag, entreprise de construction allemande. Elle nous a fait confiance car nous étions allemands, que nous savions concevoir des tunnels en Allemagne et que nous disposions des compétences spécifiques des tunnels immergés, acquises par notre filiale anglaise, Rendel.
Nous venons de candidater pour le projet Fehmarnsund, le prolongement du Fehmarn-Belt, cette liaison entre l’île de Fehmarn et le Danemark. Fehmarnsund est une liaison souterraine entre l’île du Fehmarn et le continent. C’est un projet majeur de plusieurs milliards d’euros, à nouveau en tunnel immergé. Sur ce projet nous fonctionnons avec un modèle d’alliance similaire à celui de Rail Baltica en Estonie. Notre participation était attendue, compte tenu de notre expertise en tunnels immergés en Allemagne et de notre pratique des contrats sous forme d’alliance.
Comment réussir sur le marché allemand ?
Ingérop Deutschland est perçue comme une ingénierie allemande, avec un management de proximité allemand. Comme en France, les décideurs aiment travailler avec les acteurs locaux qui, au-delà des compétences techniques, disposent d’un ancrage territorial local fort. Au-delà de cet ancrage, il convient bien entendu de connaître les normes nationales et de s’y adapter. C’est une règle quel que soit le pays. Une spécificité complémentaire est le processus de contrôle technique : il faut apprendre à connaître les contrôleurs, anticiper leurs avis, travailler de façon intégrée en amont avec eux.