En 1996, son tube devenait un hit. Près de trente ans plus tard, Gala ressort de l’ombre pour raconter l’envers du décor : contrats injustes, errance financière et renaissance artistique. Une trajectoire bouleversante, à rebours de l’icône que l’on croyait connaître.

Son prénom présageait déjà sa future naissance dans le monde artistique. Gala Rizzatto, nommée ainsi en hommage à Gala Dalí, épouse du peintre surréaliste, a connu une renommée mondiale grâce à son tube Freed From Desire. Diffusé sur toutes les ondes en 1996, le morceau – une ode à la liberté et à l’émancipation – allait se transformer en l’un des hymnes les plus écoutés à travers le monde. Sa plus grande fierté, mais aussi sa plus grande désillusion. «C’est une chanson qui parle d’une vie empreinte de sens, et non d’une vie matérialiste», confiait-elle alors au magazine Trax. Et c’est bien sous ces effluves sonores que des milliers de Français ont communié, quelques années plus tard, lors de la victoire des Bleus à la Coupe du monde 1998. L’occasion de danser encore sur la voix de la chanteuse, mais surtout de s’approprier son texte, sa création – pendant qu’elle, déjà, sombrait dans l’oubli.

Le 7 avril, à l’occasion d’une interview accordée à Paris Match, la chanteuse de 49 ans n’a pas caché le mal qui la ronge depuis vingt-six ans : le sentiment de s’être fait «abuser» pendant près de trois décennies. «J’ai signé un mauvais contrat avec un producteur, un contrat outrageusement injuste (…) je n’étais pas stupide, j’étais ignorante», déclare-t-elle à l’hebdomadaire, assurant n’avoir jamais profité des retombées financières de son titre, écoulé à ce jour à six millions d’exemplaires. Depuis 2023, Gala se bat donc pour récupérer les droits liés à Freed From Desire. Une réalité bien éloignée de l’imaginaire collectif : pas de villas sur la mer, ni de cocktails aux Bahamas, mais une existence sobre. Si elle a récemment obtenu une partie des droits, elle vivrait encore à Brooklyn, «sans le sou», hébergée «chez des amis ou dans des chambres qu’elle loue».

La nuit américaine

Fredonnant sous la douche ou devant quelques membres de sa famille réunis autour d’une table bruyante et bondée, typiquement italienne, Gala ne s’est jamais rêvée chanteuse. À l’adolescence, elle ne jure que par le cinéma, l’art qui met en mouvement les émotions. L’œil rêveur, aimanté par la beauté du monde, elle quitte l’Italie à 17 ans pour suivre des cours d’art à Boston, puis entre à la Tisch School of the Arts de New York, où elle étudie la photographie. C’est là, dans une ville secouée par l’essor de la musique électronique, que Gala découvre les nuits underground et le monde des marges, entre clubs et artistes, souvent exubérants et laissés-pour-compte. Appareil photo en main, elle en capture les vibrations. Et se laisse happer par le son.

C’est à cette époque qu’elle fait la rencontre qui lui sera décisive. Une nuit, un DJ italien, dont l’identité reste inconnue, la présente au producteur milanais Max Moroldo. De cette poignée de main naît une envie commune : créer un tube fédérateur. Fuyant l’Italie qu’elle juge gangrenée par «le machisme et le patriarcat», Gala se met à écrire. Souffrant de problèmes de dos durant son adolescence, elle repense à ce médecin qui lui avait lancé un jour : «Personne ne vous empêchera jamais de danser.» Freed From Desire parle d’énergie, de résilience, de corps libéré. Très vite, les communautés LGBT+ s’y reconnaissent et font de ce refrain un manifeste d’acceptation.

Après le succès mondial du titre – enregistré à Londres, distribué par son producteur italien – la trajectoire de Gala bascule. À 21 ans, elle enchaîne les soirées et les concerts. En 1996, elle est sacrée Meilleure interprète féminine de l’année en Italie par Musica e Dischi. L’année suivante, elle est élue Meilleure artiste pop-dance aux Italian Music Awards. Le titre est certifié disque de diamant en France, de platine en Belgique et aux Pays-Bas, d’or au Royaume-Uni.

Les ravages du Covid-19

La suite est connue de tous. Freed From Desire envahit les radios, les stades, les manifestations…mais pas les comptes bancaires de l’artiste. Ses albums suivants (Tough Love, en 2009) n’auront pas le même retentissement. Et alors que le morceau résonne encore en 2022 dans un Stade de France en liesse, porté par les supporters français jusqu’à la finale de la Coupe du monde, Gala, elle, ne touche pas un centime.

Toutes ces années, la chanteuse est amère. Alors, loin des feux de la rampe, elle cultive ses relations, ses hobbies, ses passions. Comme beaucoup à travers le monde, elle a souffert de la pandémie, confrontée à une grande solitude. Dans un entretien accordé en 2021 au média brésilien Gay Blog BR, elle revenait sur cette période, évoquant son titre Parallel Lines, né de cette douleur sourde, mais aussi des doutes liés à son statut d’artiste indépendante, et de la difficulté à cohabiter avec un partenaire quand l’amour s’efface : «J’ai été inspirée par une période de ma vie où j’étais avec quelqu’un tout en me sentant complètement seule dans cette relation. J’avais l’impression de vivre une vie parallèle, proche mais distante», racontait-elle.

Étant très proche de la communauté LGBT+, certains lui ont prêté des relations bisexuelles. Gala, elle, ne s’est jamais exprimée à ce sujet dans une interview. Celle qui «n’a jamais cessé de se battre», comme elle le rappelle dans Paris Match, semble toutefois en paix avec ses débuts chaotiques. Elle n’a aujourd’hui «ni rancune ni regret». Depuis Brooklyn, elle continue d’écrire, de créer, et de défendre ses convictions. Sur son compte Instagram, suivi par quelque 35.000 abonnés, elle relaie régulièrement des causes qui lui tiennent à cœur, notamment les droits des femmes en Iran. Gala milite, compose, avance. Pour que, plus jamais, son œuvre ne rime avec dépossession.