Publié le
1 juin 2025 à 17h32
« On a l’impression de subir une injustice », commence Bernard Labaye, dit Beniat, gérant du bar brasserie Les Copains d’abord à Bordeaux. Situé à Saint-Michel, son établissement a fait l’objet de signalements et est menacé de fermeture « sous la pression du voisinage ». Une situation incompréhensible pour lui : s’il reconnaît des torts passés, de nombreuses mesures ont été prises et il n’avait pas eu de plaintes depuis des mois. Face aux incertitudes, le bar peut au moins compter sur sa clientèle. Une pétition de soutien a reçu plus de 800 signatures en ligne et 500 pour sa version papier. Preuve de l’attachement à l’établissement.
L’établissement « a fait l’objet de plusieurs signalements de riverains qui dénoncent des nuisances sonores », explique la préfecture dans un courrier daté du 21 mai dernier. L’établissement doit aujourd’hui communiquer l’historique des six derniers mois des enregistrements du limiteur acoustique.
Les voisins se plaignent de nuisances
Problème : « Il y a un souci sur le limiteur, on a du mal à extraire les données », soupire le gérant qui est inquiet de ne pas y arriver avant la fin du délai imparti de quinze jours. L’établissement risque une amende, une interdiction de diffuser de la musique et une fermeture administrative.
Car il s’agit d’une récidive : en juillet 2023, Les Copains d’abord avaient déjà été interdits de diffuser de la musique pour des faits similaires. Une interdiction qui a duré plus d’un an, jusqu’au 27 novembre 2024.
De nombreuses mesures mises en place
« À l’époque on avait du simple vitrage et pas de limiteur, je ne m’étais pas rendu compte de l’impact. Il y a eu du bazar », avoue le gérant. Le ton est monté avec le voisinage, jusqu’au jour où le dialogue a été rétabli et qu’il s’est rendu compte des nuisances en se rendant dans un logement voisin.
Aujourd’hui, Beniat et son équipe sont dans l’incompréhension. « Depuis plusieurs mois, on n’avait plus de retour négatif, on pensait que c’était réglé. » Jusqu’au courrier, donc. La douche froide alors que l’équipe des Copains d’abord a pris de nombreuses mesures pour rentrer dans les clous, et améliorer les relations avec le voisinage.
Les vitres et le plafond ont été insonorisés, des plaques d’isolation phonique ont été installées sur les murs et dans le sol. Créées en 2020, les scènes ouvertes avaient lieu au rez-de-chaussée à l’origine. Elles ont été déplacées dans la cave de l’établissement, entièrement refaite et insonorisée par l’équipe.
On n’est pas restés dans l’inaction. Avec l’équipe, on a toujours cherché à soulager le voisinage.
Beniat
« On a fait une étude d’impact il y a peu : en testant à 102 décibels il y avait une émergence à 12 chez les voisins. Cent décibels, c’est un circuit de formule 1, on ne va pas jusque-là », affirme Beniat.
« Le chiffre d’affaires est en baisse »
Il se souvient d’avoir arrêté un seul concert. « Un groupe de punk qui n’a pas respecté les limites de son. Ils ont débordé, et j’ai pris la décision d’arrêter l’activité musicale pendant deux mois entre décembre et février ».
L’équipe prend aussi du temps pour faire de la pédagogie. « On fait un vrai travail pour rappeler à nos clients les limites à ne pas dépasser. On leur dit de ne pas rester sous les fenêtres, que ça dérange les voisins… », ajoute sa sœur Manuela, dite Manu. D’autant plus que la police passe fréquemment. « Ce n’est pas serein de travailler dans ces conditions, on se demande chaque soir si on va être dérangés. »
« On n’est pas un lieu de débauche et de beuverie. En neuf ans, on a jamais eu d’appel à la police pour des bagarres par exemple », reprend fermement Beniat. « C’est un lieu de nuit, on est jamais à l’abri des débordements. Mais on ne veut pas alcooliser les clients jusqu’à ce qu’ils fassent n’importe quoi. »
Sur certains points, l’équipe réfute d’ailleurs entièrement les accusations. « On nous dit qu’il y a des évènements tous les jours, mais la scène ouverte c’est uniquement le vendredi dans la cave. On nous a aussi reproché de fermer plus tard que l’autorisation. Mais dès 1h45 on fait sortir les gens. On a les vidéos pour le prouver », soupire Beniat.
« J’ai aussi enlevé une partie de la terrasse que j’ai le droit d’exploiter », ajoute le propriétaire du bar qui est récemment passé devant le tribunal pour la terrasse, justement. Des décisions qui se répercutent sur la trésorerie. « Je ne vais pas mentir, le chiffre d’affaires est en baisse ».
« Plus on prend de mesures, plus on a de soucis »
« On a l’impression que plus on prend de mesures, plus on a de soucis », ajoute Anthony, dit Tonio, son frère et le directeur de l’établissement. Il a mis une charte en place, de bonne conduite envers ceux qui ont le courage de monter sur scène, mais aussi pour respecter l’équipe et le voisinage. « On ne se serait pas embêtés à faire ça, si on n’en avait rien à faire. »
Peu après avoir reçu le courrier de la préfecture, leur employée Elisa, dite Eli, a lancé la pétition en ligne pour aller chercher du soutien. En quelques jours, elle a reçu 890 signatures, et de nombreux commentaires positifs. Des étudiants ont réalisé un reportage sur la scène ouverte, preuve de l’attachement des clients au lieu et à son activité.
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« On crée de la vie de quartier », souligne Tonio. Le directeur du bar met fièrement en avant la place qu’ils font aux associations, avec des quiz, du stand-up, de l’impro, des expositions de tableaux… Et notamment les scènes ouvertes, gérées par une association tous les vendredis.
Passionnés de musique, les deux frères mettent un point d’honneur à donner une chance à tous. « On n’a pas besoin d’avoir de l’argent pour commencer à jouer. On est un lieu où le lien social se tisse, c’est multiculturel. »
Alors en attendant d’extraire les données du limiteur, et les suites juridiques, l’équipe familiale espère que le soutien des clients, leur bonne foi et tous les travaux réalisés leur obtiendront un peu de répit.
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