Le texte cristallise les différentes stratégies à gauche en vue des élections municipales de mars 2026. Après avoir été retardé à de nombreuses reprises, l’examen de la loi dite « Paris-Lyon-Marseille », alias « PLM », a débuté le 8 avril et doit se terminer le 9 avril en fin de journée. Hier soir, les députés ont adopté l’article phare du texte qui contient les principales mesures.
Porté par le camp macroniste, la proposition de loi vise à instaurer deux scrutins différents dans les trois métropoles : l’un pour élire le maire d’arrondissement, et l’autre pour élire celui de la ville. Aspirant au retour du « droit commun », Emmanuel Macron avait lancé le coup d’envoi de la réforme en janvier 2024 lors d’une grande conférence de presse destinée à donner un coup de fouet à son quinquennat.
Depuis une loi de 1982, les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille bénéficient d’un régime spécifique comparé aux autres villes : les électeurs votent par arrondissement ou par secteur pour une liste de conseillers, ceux arrivés en tête de liste siègent alors au conseil d’arrondissement et au conseil municipal.
Réformer ce mode de scrutin permettrait d’éviter que des édiles ne portent pas davantage attention aux arrondissements qui leur sont politiquement favorables. Certains politologues dressent d’ailleurs un parallèle avec l’effet « swing states » aux États-Unis, du nom de ces États décisifs pour faire basculer l’élection présidentielle d’un côté ou de l’autre, et sur lesquels toute l’attention se focalise.
« Il est temps d’en finir avec l’anomalie démocratique du scrutin de Paris, Lyon et Marseille, a écrit sur X Sylvain Maillard, député Ensemble pour la République. Pour que la voix de leurs habitants compte autant que dans n’importe quelle autre ville de France. »
C’est en effet l’une des particularités de ce mode de scrutin : un camp politique peut prendre la tête de la ville en obtenant le plus de sièges au sein des arrondissements sans forcément avoir obtenu, au final, le plus grand nombre de voix. Comme ce fut d’ailleurs le cas dans les trois villes en 2001, ou en 1983 hissant Gaston Defferre, auteur de la loi de 1982, à la mairie de Marseille.
Angles morts
En promettant un retour au droit commun reposant sur le « principe démocratique qui s’applique dans les 35 000 communes de France », la réforme a le mérite de soulever un débat intéressant. Seulement, le texte divise parfois au sein même d’une famille politique. Moins implantés localement, le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) soutiennent le texte.
Brandissant l’existence d’« un problème démocratique », le député de Marseille et coordinateur de LFI Manuel Bompard déclarait ainsi sur France info le 7 avril : « On est plutôt favorables […] en l’état actuel du texte. À Paris, Lyon, Marseille, vous pouvez vous retrouver dans une situation où une liste gagne en nombre de voix, mais ne gagne pas en nombre de sièges. »
« Un manque de représentativité »
Cela peut très bien se faire « rapidement », a-t-il ajouté, avant de préciser : « On est encore dans un temps qui permet à tout le monde de se préparer. » Peu importe que les écologistes, les socialistes et les républicains ne cessent de dénoncer « un tripatouillage électoral » qui arrive à moins d’un an des municipales — hormis à Marseille, où le Parti socialiste local s’y montre favorable. Les oppositions déplorent un texte peu abouti et porté par des parlementaires macronistes dont ils présument des velléités électorales — notamment à Paris, ville qui leur échappe.
« Nous ne sommes pas opposés au principe de réformer le mode de scrutin, mais en l’état, le texte comporte trop d’angles morts, regrette Léa Balage El Mariky, députée écologiste de Paris. Le problème est que cela va entraîner un manque de représentativité des conseillers d’arrondissement lors des conseils municipaux. C’est pourtant là que se jouent des questions éminemment importantes, notamment en matière de budgets. Le texte les priverait de leur droit de regard. »
Partage des sièges
Autre problème : à Lyon, les électeurs doivent d’ores et déjà remplir deux urnes, puisqu’ils élisent au suffrage universel direct leur conseiller métropolitain. La proposition de loi viendrait alors ajouter en 2026 une troisième urne à gérer.
Pour dépasser ce cas spécifique, le rapporteur Jean-Paul Matteï (Modem) a déposé un amendement limitant le texte à Paris et Marseille – son amendement n’a finalement pas été adopté. De son côté, la députée Modem Blandine Brocard propose carrément de supprimer les arrondissements lyonnais.
Reste un autre point en suspens : la proposition de loi prévoit de faire passer la prime majoritaire de 50 %, comme c’est le cas dans toutes les villes, à seulement 25 %. Autrement dit, uniquement à Paris, Lyon et Marseille, la liste gagnante n’obtiendrait qu’un quart des sièges avant que le reste ne soit réparti selon la proportionnelle. L’opération permettrait aux oppositions d’être davantage représentées.
Sur ce point, les oppositions ne comprennent pas que cette réforme dite « de droit commun » crée finalement une telle distinction. En creux, les écologistes se disent prêts à ouvrir la discussion. « Nous sommes favorables à revoir la question de la prime majoritaire, mais dans l’ensemble des communes et surtout en prenant le temps de la réflexion », indique la députée Léa Balage El Mariky. Autrement dit, après les élections municipales de 2026.
Après son examen à l’Assemblée nationale le 8 avril, le texte sera examiné au Sénat à partir du 3 juin, où les voix défavorables semblent pour l’instant l’emporter.
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9 avril 2025 à 09h50
Mis à jour le 10 avril 2025 à 09h55
Durée de lecture : 5 minutes
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