L’Ukraine a mené dimanche une attaque sans précédent en Russie. Cette opération coordonnée et clandestine a la particularité d’avoir frappé l’aviation militaire russe à des milliers de kilomètres du front.

Surnommée « Toile d’araignée », cette opération est un symbole fort dans la guerre entre Kiev et Moscou. Alors que doit se tenir ce lundi à Istanbul en Turquie des pourparlers entre la Russie et l’Ukraine, 20 Minutes fait le point sur ces attaques.

Quels sont les dégâts ?

L’Ukraine revendique d’importants dégâts, impossibles à vérifier de façon indépendante. Les attaques auraient touché 41 avions utilisés pour « bombarder les villes ukrainiennes », a assuré une source au sein des services de sécurité ukrainiens (SBU), citant notamment des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22 et des appareils radar de détection et de commandement A-50.

Le ministère russe de la Défense a seulement confirmé que « plusieurs appareils aériens ont pris feu » après une attaque de drones dans des aérodromes des régions de Mourmansk et d’Irkoutsk, respectivement dans l’Arctique russe et en Sibérie orientale. Ces incendies ont été maîtrisés et n’ont pas fait de victimes.

Les services de sécurité ukrainiens ont de leur côté assuré avoir détruit 34 % des bombardiers stratégiques russes vecteurs de missiles de croisière, et fait des dégâts à hauteur de 7 milliards de dollars.

Quel est le mode opératoire ?

Cette opération, au nom de code « Toile d’araignée », a été préparée pendant plus d’un an et demi sous la supervision du président Volodymyr Zelensky. Elle a nécessité une logistique particulièrement complexe.

Une source sécuritaire ukrainienne a indiqué que des drones avaient été introduits clandestinement en Russie, et cachés dans des structures en bois placées sur des camions. Leurs toits ont ensuite été ouverts à distance, pour permettre aux drones FPV de s’envoler vers leurs cibles.

Le ministère russe a confirmé que les drones n’avaient pas été lancés depuis le territoire ukrainien, mais « à proximité immédiate des aérodromes ». Des agents étaient répartis dans plusieurs régions russes, selon Volodymyr Zelensky. Il a affirmé que l’un des lieux où ils travaillaient était « juste à côté » d’un bureau des services de sécurité russes (FSB).

Moscou a dit dimanche avoir arrêté des suspects, même si Volodymyr Zelensky a assuré que les personnes impliquées étaient « en sécurité » et avaient quitté la Russie la veille de l’opération.

Une attaque d’une très longue portée

L’Ukraine a pu atteindre des régions situées à des milliers de kilomètres du front, alors que ses attaques se concentrent généralement sur les zones proches de ses frontières. Il s’agit de l’opération « la plus longue portée » jamais menée par ses services, s’est réjoui le président ukrainien.

Deux des aérodromes que l’Ukraine dit avoir touchés, ceux d’Olenia et de Belaïa, sont respectivement à environ 1.900 et 4.300 kilomètres de l’Ukraine. Le ministère russe affirme en outre avoir réussi à contrer d’autres attaques, notamment dans l’Extrême-Orient russe.

Un symbole fort

Les conséquences de ces attaques sur les capacités militaires russes sont difficiles à estimer. L’Ukraine subit des attaques aériennes quasi quotidiennes, qui ont mis à mal sa défense antiaérienne. Mais la Russie utilise pour cela une très grande quantité de drones, pas seulement des missiles. Des blogueurs militaires russes ont déploré un « jour noir pour l’aviation » de leur pays, et appelé à la vengeance. La chaîne Telegram Rybar, proche de l’armée russe, a estimé qu’« il s’agit sans exagération d’un coup très dur », dénonçant de « graves erreurs » des services spéciaux russes.

La portée symbolique est en tout cas importante pour l’Ukraine, dont l’armée enchaîne les revers sur le front face à des troupes russes plus nombreuses. Il s’agit d’une des opérations les plus réussies de ses services depuis le début de l’invasion russe en février 2022.

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Volodymyr Zelensky a jugé que ces actions devaient pousser la Russie à « ressentir la nécessité d’arrêter la guerre ». L’ancien président Petro Porochenko, figure de l’opposition, a estimé qu’il n’existait « pas de meilleurs arguments » à présenter à la veille de pourparlers avec Moscou à Istanbul.