Une adolescente triste devant la trend SkinnyTok de TikTok.Depuis mars 2025, une commission parlementaire présidée par Arthur Delaporte enquête sur l’impact de TikTok sur la santé mentale des mineurs. © Freepik

“SkinnyTok” est l’une de ces nombreuses dérives du réseau social TikTok : une tendance où la minceur n’est pas une option, mais une obsession. On y trouve des jeunes filles au ventre creux, des recettes à 50 calories, des “routines minceur” où l’on boit de l’eau au lieu de manger, et surtout, cette phrase qui revient comme un mantra : “Si tu as faim, c’est que ton corps te félicite.”

Ces contenus, souvent maquillés sous des airs de lifestyle ou de bien-être, sont en réalité profondément dangereux. Ils véhiculent l’idée que se priver est une victoire, que souffrir est noble, que manger est une faiblesse. Et ça marche. Les adolescents, plus vulnérables que jamais face à leur image, sont happés.

Le poison derrière les paillettes Un algorithme bien trop efficace

TikTok ne se contente pas de diffuser ces vidéos : il les pousse. L’algorithme, conçu pour maximiser l’engagement, bombarde l’utilisateur de contenus similaires à ceux qu’il a déjà regardés. Autrement dit, une vidéo #SkinnyTok visionnée, et l’effet boule de neige démarre.

Ce phénomène, les chercheurs le nomment “effet terrier”. Et dans ce terrier, on trouve de tout : injonctions à la maigreur, concours de tour de taille avec une feuille A4, “thinspo” (inspiration minceur), ou encore retour des hashtags pro-ana (pro-anorexie), maquillés pour tromper la modération.

Les chiffres qui glaçent

Il ne s’agit pas d’une simple dérive numérique. Les chiffres parlent. Selon Santé Publique France, les consultations pour troubles du comportement alimentaire chez les moins de 18 ans ont bondi de +30 % depuis la pandémie. L’Ifop indique que 1 jeune sur 10 ressent une pression liée à son corps en raison des réseaux sociaux.

Et les conséquences peuvent être dramatiques. En novembre 2024, sept familles françaises ont assigné TikTok en justice, après le suicide ou la tentative de suicide de leurs enfants. Toutes les victimes avaient été exposées à des contenus glorifiant la maigreur.

SkinnyTok : comment inverser la tendance ? Une réponse encore timide

Les autorités commencent à réagir. Clara Chappaz, ministre déléguée au Numérique, a saisi l’Arcom et alerté l’Union européenne sur la dangerosité de #SkinnyTok. Objectif : obtenir un renforcement de la modération et une plus grande responsabilité des plateformes.

TikTok, de son côté, assure avoir supprimé des centaines de milliers de vidéos problématiques. Mais la modération semble toujours à la traîne. Les contenus nocifs réapparaissent aussitôt sous d’autres hashtags, souvent codés ou détournés.

L’info, première ligne de défense

Alors que faire ? Interdire TikTok ? Pas si simple. Ce réseau est aujourd’hui un lieu d’expression, de création… mais aussi de dangers. Ce qu’il faut, c’est former, informer, encadrer. Éduquer les jeunes aux images qu’ils consomment. Leur apprendre que non, un ventre plat n’est pas une preuve de valeur. Et que manger, c’est vivre.

Des initiatives positives émergent, heureusement : des comptes engagés pour la diversité corporelle, des influenceurs qui osent parler de santé mentale, des campagnes dans les établissements scolaires. Mais pour l’instant, la voix du “SkinnyTok” crie plus fort.

SkinnyTok : une réalité à ne pas minimiser

Loin d’être une mode passagère, “SkinnyTok” est devenu un symptôme d’une société malade de son image. Et tant que les plateformes n’assumeront pas leur rôle, tant que la prévention ne passera pas à la vitesse supérieure, ce hashtag continuera à faire des dégâts silencieux.

À l’heure du numérique tout-puissant, il est urgent de remettre du vrai, du bon et du sain dans ce que l’on montre à nos enfants.

À SAVOIR

En France, environ 40 000 personnes souffrent d’anorexie mentale, dont 90 % sont des adolescents. Il s’agit de la maladie psychiatrique la plus mortelle du pays, avec un taux de mortalité supérieur à celui de toute autre pathologie mentale. 

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