Tout est figé avenue Ibrahim-Ali (15e), du côté des anciens entrepôts Casino à Gèze. Toutes les entrées sont condamnées et même les biffins, dont l’activité est interdite dans le secteur par un arrêté municipal depuis octobre 2024, ont déserté la zone. Pendant plus de trois ans, l’association Amelior, qui accompagne les chiffonniers en France, la Ville et les services de l’État planchaient sur un projet de marché géant dans ces 3 500 m², propriété de la municipalité, à côté des puces. Après plusieurs reports, une ouverture était attendue par les 200 à 300 biffins qui devaient être accueillis pour le printemps dernier.

1 500 biffins à Marseille

Mais en septembre 2024, le projet d’Amelior était abandonné par la municipalité, qui déclarait alors que les financements pour les travaux de mise aux normes et de réaménagement avaient été sous-estimés par l’organisme. Depuis, plus rien, silence radio sur l’avenir de ce site dans ce quartier Euromed qui se renouvelle à vue d’œil. Les responsables d’Amelior, qui revendiquent n’avoir jamais eu « de veto officiel » des élus de la mairie, ont fini par rendre les clefs du bâtiment au mois d’avril, « dépités ».

Plus de 200 à 300 vendeurs auraient pu être accueillis dans ces 3 500 m².Plus de 200 à 300 vendeurs auraient pu être accueillis dans ces 3 500 m². La Provence / Denis THAUST

« On nous a demandé de faire l’impossible avec très peu de budget, personne ne nous tenait au courant de rien, on a dû tout faire nous-même, pour ce résultat. C’est regrettable que cette histoire se finisse comme ça », déplore Samuel Le Cœur, le directeur de cette association d’insertion.

« Il y a besoin d’un encadrement des biffins à Marseille, la répression ne peut pas être la seule solution. On avait prévu un marché avec 300 biffins, mais on en compte 1 500 à Marseille. Ce sont des gens qui veulent travailler et peuvent apporter des choses à Gèze. C’est dommage de ne pas les inclure dans l’avenir de ce quartier qui bouge », ajoute-t-il.

« La municipalité réfléchit au devenir des entrepôts », se contente de répondre la Ville, qui se dit « prête à des échanges afin d’enrichir sa réflexion ».

« On nous prend pour des voleurs »

Malgré les opérations de la police municipale – quatre rien que dimanche 1er juin au matin – pour contrôler et faire partir les vendeurs à la sauvette à Gèze, les biffins n’ont vraiment pas disparu des trottoirs. « On nous a laissés tomber et on dirait qu’on s’est moqué de nous avec ce marché », s’énerve Aïcha, une vendeuse de rue qui propose des vases, des baskets et quelques fripes au niveau de Cap Pinède.

Elle avait participé aux premières réunions du projet, elle avait adhéré à l’association, réservé un emplacement de 10 mètres sur le futur marché. « Ça nous aurait changé de notre bout de trottoir, on aurait enfin eu un endroit pour se réunir, pour organiser notre activité. On nous prend pour des voleurs, mais moi je ne vends que de la récup’, des choses qu’on m’a données », regrette Aïcha. « Avec la police qui jette nos stocks et les amendes qu’on se prend, je m’en sors plus. Même les clients sont moins nombreux », décrit Khalil, un biffin de 49 ans. « On connaît le secteur depuis des années, on voit bien que tout change, mais pas pour nous », s’attriste le vendeur.

En décembre, plusieurs biffins avaient monté un syndicat pour se faire entendre et relancer le projet avenue Ibrahim-Ali. Ils réclament aussi l’autorisation d’exercer sur le périmètre du boulevard Frédéric-Sauvage (14e), et dans les rues Charles-Tellier et Gilbert-Bossy, les samedis et dimanches, de 6 h à 16 h. En vain pour le moment.