Karol Nawrocki, le candidat controversé qui aime les beaux logements et les bad boysCoup d’arrêt pour la restauration de l’état de droit

L’arrivée au pouvoir de la Coalition civique emmenée par Donald Tusk, en décembre 2023, avait été accueillie avec soulagement partout (ou presque) dans l’Union. Le retour à la tête de l’exécutif de l’ancien Premier ministre (2007-2014) et ex-président du Conseil européen (2009-2014) marquait la fin de huit années de confrontation entre l’UE et la Pologne, dirigée par une coalition dominée par le parti national-conservateur et eurosceptique Droit et Justice (PiS), qui a mis à mal l’indépendance de la justice et la démocratie. La victoire de Karol Nawrocki, soutenu par le PiS, fait craindre que le processus de restauration de l’état de droit en Pologne, qui était en cours, ne connaisse un coup d’arrêt. « L’élan est brisé, c’est terminé », déplore une source européenne. Or, le travail n’est pas terminé, en raison, notamment des vétos du président sortant, Andrzej Duda, membre du PiS, aux projets de loi du gouvernement Tusk. « Cet agenda n’existe plus. Il n’y a aucune chance que Nawrocki signe des réformes proposées par le gouvernement, si elles passent au Parlement », a prévenu le politologue Piotr Buras, dans le cadre d’un séminaire en ligne organisé lundi après midi par le centre d’analyse Visegrad Insight.

De quoi faire regretter que la Commission ait mis un terme en mai 2024 à la procédure de l’article 7 du traité sur l’UE, ouverte en 2017 contre la Pologne où était constaté « un risque grave de violation » des valeurs européennes ? Et que le même exécutif européen ait libéré quelque 112 milliards d’euros de fonds du budget et du plan de relance réservés à la Pologne, qui avaient été bloqués pour faire entendre raison au PiS ? « La Commission doit corriger urgemment son erreur pour exercer une pression additionnelle et assurer que les réformes importantes pour l’état de droit seront mises en œuvre », plaide l’eurodéputé vert allemand Daniel Freund. « Tout le monde était satisfait que la Commission ait pris cette décision à ce moment-là. Mais ce n’est pas parce que cela a été levé que ce n’est pas réversible », commente un autre diplomate européen. Son confrère précédemment cité envisage que les choses restent en l’état, avec des réformes inabouties, mais que l’UE y regardera à deux fois avant de donner un tour de vis, « tant que les choses n’empirent pas ».

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Une autre conséquence attendue de la victoire de M. Nawrocki est que la Pologne qui, depuis le retour de M. Tusk, jouait un rôle moteur dans l’UE, se montre désormais beaucoup plus réservée vis-à-vis de l’intégration européenne. « Il y a une espèce d’amertume dans les milieux européens de voir une nouvelle élection remportée par un eurosceptique », admet un des sources diplomatiques. Non sans rappeler que c’est toujours le gouvernement qui pilote la politique européenne de la Pologne. « Il faudra voir comment ça se traduit avec le temps, mais pour le moment, on est dans une situation de statu quo », fait observer le même interlocuteur. Le gouvernement polonais pro-européen devait déjà composer avec l’hostilité du président Duda. Il devra désormais vivre avec celle, peut-être plus forte, encore, du président Nawrocki.

« Tusk continuera à mener une politique pro-européenne », prédit l’autre source diplomatique, « mais il aura très peu de marge pour faire des compromis » à l’échelon de l’Union. « La légitimité pro-UE du gouvernement sera moindre », glisse son collègue. L’exécutif marchera sur des œufs pour traiter de sujets controversés et facteurs de divisions dans le contexte domestique. Parmi ceux-ci, la défense européenne et, en miroir, la relation avec les États-Unis de Donald Trump (qui appuyaient ouvertement, Karol Nawrocki), le soutien à l’Ukraine, l’immigration, le pacte vert…

Pour l’Union européenne, le péril le plus grave avec la nouvelle donne créée par la victoire de Karol Nawrocki est qu' »elle change la dynamique de la politique polonaise d’une façon favorable au retour des eurosceptiques et de l’extrême droite » au pouvoir lors des élections législatives de 2027, « et peut-être même avant ça », si la coalition, fragilisée, tombe, avance Piotr Buras.

Ce n’est pas un hasard si l’une des réactions les plus enthousiastes à la victoire du candidat nationaliste a été celle du Premier ministre hongrois Viktor Orban, réjoui d’accueillir un nouveau membre dans le club des souverainistes de droite ayant accédé au pouvoir.

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