La plus grande joie pour moi a été d’être pionnière dans une discipline appelée «photographie de conservation». C’est une forme plus activiste de la photographie de nature, axée sur la promotion du changement.

Quand cela a-t-il commencé?

C. M.: Il y a environ 30 ans.

Les photographies de Cristina Mittermeier illustrent les actions nécessaires pour protéger la vie marine. — © Cristina Mittermeier


Les photographies de Cristina Mittermeier illustrent les actions nécessaires pour protéger la vie marine. — © Cristina Mittermeier

Et qu’en est-il de vos réussites?

C. M.: Une fois que j’ai compris à quel point les images pouvaient galvaniser l’action, j’ai développé des projets et travaux photographiques pour interpeller et impliquer les médias, les gouvernements et le public. Ensemble, nous avons réussi à plaider pour la protection de zones et la sauvegarde d’espèces. Au fil des ans, il y a eu de nombreux exemples concrets de ce succès.

Les images peuvent galvaniser l’action

Etait-ce uniquement dû à la photographie, ou votre réseau et votre réputation ont-ils aussi joué un rôle essentiel?

C. M.: Vous avez raison: il ne s’agit pas seulement des photos. C’est aussi le photographe, la personne qui défend la cause et utilise ces images pour engager les médias, être dans l’actualité et susciter de l’intérêt.

«Des moments comme celui-ci me rappellent que ce que nous protégeons n'est pas seulement la beauté, mais aussi la résilience d'écosystèmes entiers», déclare Cristina Mittermeier. — © Cristina Mittermeier


«Des moments comme celui-ci me rappellent que ce que nous protégeons n’est pas seulement la beauté, mais aussi la résilience d’écosystèmes entiers», déclare Cristina Mittermeier. — © Cristina Mittermeier

Pouvez-vous nous donner un exemple où la photographie a influencé des politiciens ou des gouvernements?

C. M.: Bien sûr. L’une de mes premières inspirations a été le photographe de National Geographic, Michael «Nick» Nichols. Il a travaillé sur un projet appelé «Mega Transect», où il a parcouru à pied des régions du Cameroun jusqu’à la côte du Gabon, documentant les éléphants de forêt et les paysages vierges. Il a présenté ces images au président du Gabon, qui ignorait la présence d’une telle beauté dans son propre pays. Cela a eu pour conséquence que 13 parcs nationaux ont été créés. C’est là que j’ai réalisé que la photographie pouvait inspirer une action gouvernementale.

Plus récemment, nous avons appliqué le même principe dans l’océan Pacifique tropical oriental, impliquant le Panama, le Costa Rica, la Colombie et l’Equateur. Ces pays partageaient un territoire océanique mais travaillaient séparément dans de petites zones protégées.  Grâce notamment à la photographie, nous avons inspiré la création d’un corridor marin interconnecté permettant aux espèces migratrices de se déplacer librement sans être victimes de la pêche industrielle (Ndlr: le travail d’autres organisations locales a aussi permis d’atteindre ce but par d’autres moyens).

Avez-vous connu des échecs, ou des situations que vous considérez comme des échecs?

C. M.: Les efforts de conservation prennent souvent des années à porter leurs fruits. Ce ne sont pas forcément des échecs, mais parfois, après des années d’efforts, les résultats semblent décevants. Cela dit, un échec majeur est notre incapacité à protéger l’océan Austral autour de l’Antarctique. Obtenir un consensus parmi 25 pays s’est avéré presque impossible, laissant ces eaux vulnérables à la surpêche. Mais je n’ai pas encore abandonné.

Comment restez-vous motivée malgré les revers?

C. M.: Certains jours sont difficiles. L’année dernière, je me suis demandé: «A quoi bon?» Mais je me suis rappelé que mon rôle est d’encourager et de mobiliser. Pour rester motivée, j’ai travaillé dans l’élaboration d’un livre intitulé «Hope». Il met en lumière les millions de personnes à travers le monde qui font leur part. C’est incroyablement inspirant pour moi, et c’est ce qui me pousse à continuer.

Mon rôle est d’encourager et de mobiliser

Depuis 2021, Rolex soutient votre travail. A quoi ressemble ce partenariat?

C. M.: C’est plus une relation qu’un simple soutien. L’Initiative «Perpetual Planet» de Rolex (lire l’encadré) amplifie mon travail, me donnant une plus grande plateforme et une plus grande tribune. Leurs connexions avec les médias mondiaux ont été inestimables pour m’aider à atteindre des publics qui, autrement, n’auraient peut-être pas considéré l’importance de la conservation des océans. Rolex parle de durabilité depuis bien avant que ce soit à la mode, ce qui correspond parfaitement à mes valeurs.

Deux nudibranches se reposent sur le corail sous les eaux des îles Raja Ampat, un archipel indonésien. — © Cristina Mittermeier


Deux nudibranches se reposent sur le corail sous les eaux des îles Raja Ampat, un archipel indonésien. — © Cristina Mittermeier

Comment l’Initiative «Perpetual Planet» vous inspire-t-elle?

C. M.: Cette initiative célèbre des individus qui font la différence et qui sont de grandes sources d’inspiration. Faire partie de cette démarche me donne accès à un public plus large pour partager mon message.

Vous avez commencé professionnellement en tant que biologiste marine. Quels étaient alors vos modèles au début de votre carrière?

C. M.: Pendant mes études au Mexique, j’ai eu du mal à trouver des modèles féminins. J’ai découvert le Dr Sylvia Earle (Ndlr: Témoignage Rolex depuis 1982), également biologiste marine, à travers ses articles scientifiques, et la rencontrer était comme rencontrer une légende. Sylvia est l’une des personnes qui ont plongé le plus profondément dans l’océan. Elle détient l’un des records. Elle m’a inspiré quand j’étais plus jeune, et m’a permis de réaliser que les océans représentent l’écosystème le plus grand et le plus important de notre planète. Nous en savons très peu sur lui, or il nous maintient en vie et nous sommes en train de le détruire avant même de le comprendre. Plus les gens seront nombreux à s’y intéresser, mieux ce sera. En cela, «Perpetual Planet» me permet d’avoir une plus grande audience pour partager ce message.

Le Forum économique mondial (WEF) de Davos vous a invitée en janvier dernier, dans le cadre d’une exposition basée sur les images de votre dernier livre, «Hope». Celui-ci décrit la beauté fragile de la biodiversité de la Terre et tente de transmettre la sagesse des peuples autochtones qui tentent de la sauver…

C. M.: Grâce à mon exposition au WEF, j’ai pu participer à une conférence. Je voulais y faire entendre la voix des peuples indigènes parce que j’ai passé beaucoup de temps à les photographier dans le monde entier. Ils ont un système de valeurs qui a garanti la durabilité de notre planète pendant des millénaires. On ne peut pas construire une économie mondiale qui soit déconnectée des ressources planétaires disponibles. Cette idée qu’elle doit croître tout le temps à tout prix n’existe pas dans la nature, où tout est circulaire.

Cristina Mittermeier a entrepris plus de 45 expéditions à travers la planète, notamment aux Bahamas, l'un des seuls pays au monde à avoir déclaré l'ensemble de son habitat marin sanctuaire pour les requins. — © Cristina Mittermeier


Cristina Mittermeier a entrepris plus de 45 expéditions à travers la planète, notamment aux Bahamas, l’un des seuls pays au monde à avoir déclaré l’ensemble de son habitat marin sanctuaire pour les requins. — © Cristina Mittermeier

Des partenariats pour la conservation

En 2019, l’entreprise Rolex a lancé l’Initiative «Perpetual Planet», affirmant ainsi son engagement dans les efforts de protection de la nature. Cette démarche se traduit par un soutien actif apporté à des explorateurs et des scientifiques du monde entier, dont les travaux visent à mieux comprendre les défis environnementaux et à y apporter des solutions concrètes. Rolex finance également des projets de conservation essentiels, qu’il s’agisse de la préservation des océans, de la protection des écosystèmes terrestres ou de la sauvegarde des forêts.

L’Initiative «Perpetual Planet» s’articule autour de partenariats stratégiques avec des organisations environnementales de premier plan afin de maximiser l’impact des actions menées pour promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement.