Drôle de scénario, un de plus, en cette première partie de saison 2025. Le Tour du Pays Basque a droit, lui aussi, à sa polémique. Alors qu’il était seul en tête dans le dernier kilomètre de la troisième étape, ce mercredi après-midi, Alex Aranburu – qui connaît ces routes par coeur puisqu’il habite à quelques kilomètres de là – a pris un rond-point par la droite, donnant ainsi l’impression sur les images de forcer le passage alors qu’une imposante barrière, revêtue de flèches jaune et noir, positionnée en plein milieu de la chaussée, côté droit, indiquait de passer à gauche. Le groupe de contre, lancé à ses trousses et pointé à quelques mètres à peine, prend le rond-point à gauche et perd un temps précieux dans l’affaire. Le Champion d’Espagne franchit la ligne d’arrivée en tête. Très vite, le doute s’installe, notamment dans la cabine des commentateurs d’Eurosport. “Il ne faudrait pas qu’il se fasse déclasser parce que ce rond-point, j’ai l’impression qu’on devait le prendre à gauche”, lance directement David Moncoutié, à l’antenne avant même l’arrivée. Le verdict tombe quelques minutes plus tard, Alex Aranburu est déclassé pour avoir pris le rond-point du mauvais côté, selon le jury des commissaires. Il est alors considéré que le nouvel homme fort de la Cofidis a, “au vu des images, utilisé une déviation de l’itinéraire prévu constituant un avantage”.
Coureur le plus rapide du groupe de contre, Romain Grégoire, 2e sur la ligne, est ainsi déclaré vainqueur de l’étape. “J’espère que l’on ne va pas me siffler sur le podium”, glisse le Franc-Comtois auprès de son staff peu avant la cérémonie protocolaire, conscient que c’est l’enfant du pays qui vient d’être déclassé devant sa famille et ses amis, venus en nombre l’acclamer dans les rues de Beasain. Le puncheur tricolore reçoit son trophée avant de descendre en zone mixte pour commenter ce succès particulier auprès des journalistes. Déjà vainqueur de façon chaotique plus tôt dans la saison en Ardèche à la suite d’une erreur d’orientation, il préfère en sourire, bien que presque gêné par la situation. “Après cette première victoire, je m’étais dit qu’il fallait vraiment que j’aille en chercher une pour de vrai, qu’il n’y ait pas de débat possible. Finalement, il y a encore débat pour celle-là aussi”, sourit-il.
L’ORGANISATION ADMET UNE ERREUR

Romain Grégoire ne sait pas que dans le même temps, la formation Cofidis n’a pas lâché le morceau et décide de faire appel de ce déclassement. “On n’a pas compris la décision car Alex a bien suivi ce qui était indiqué sur le livre de route. Il fallait bien prendre ce rond-point sur la droite. Alors oui, il y avait la barrière, je ne sais pas pourquoi elle était là, mais Alex connaissait les routes et savait qu’il fallait prendre à droite”, témoigne pour DirectVelo son directeur sportif, Bingen Fernandez. Du côté de la Groupama-FDJ, on est – après coup – plus sceptiques, considérant que la présence de cette barrière pouvait indiquer un éventuel danger et l’impossibilité d’utiliser la chaussée de ce côté-là. “Pour moi il n’y a pas débat. On a suivi le roadbook, point, insiste Bingen Fernandez. C’est une décision qu’il faut prendre en une fraction de seconde, alors que tu es à 190 pulsations/minute. C’est d’autant plus particulier pour lui qu’il habite ici, il connaît les routes, il savait bien qu’il fallait prendre à droite”.
Alors que la cérémonie protocolaire est désormais terminée depuis de longues minutes, les commissaires hésitent et songent à changer de verdict. Une discussion se tient avec Javier Riaño et différents membres du comité d’organisation, lesquels admettent une erreur quant à la présence de cette barrière sur le côté droit de la chaussée. Entre-temps, les images sont visionnées, encore et encore. Et il est calculé qu’Alex Aranburu aurait gagné huit dixièmes de seconde dans l’affaire. “Ce n’est pas grâce à cela qu’il gagne mais tout simplement parce qu’il était le plus fort, considère son directeur sportif. Qui aurait roulé dans les derniers mètres de toute façon ? Qui aurait fait l’effort pour revenir sur lui et condamner ses chances de gagner ? Personne”.

UN GOÛT D’AMERTUME CHEZ GROUPAMA-FDJ

Il est pratiquement 19h30 lorsqu’Alex Aranburu est finalement reclassé. “C’est incroyable de prendre une telle décision ! On est assez surpris. C’est l’incompréhension totale”, regrette Benoît Vaugrenard, le directeur sportif de la Groupama-FDJ. “Ils gâchent la fête des deux équipes, Cofidis et nous”, poursuit-il, évoquant le fait qu’Alex Aranburu n’a pas connu les joies du podium protocolaire devant les siens, tandis que Romain Grégoire a été célébré pour finalement apprendre, sur la table de massage, qu’il n’était plus le lauréat de ce troisième acte de la semaine. Un nouveau communiqué officiel du collège des commissaires tombe. Extrait : “toutes les informations disponibles indiquent que le rond-point en question aurait dû être emprunté à l’endroit choisi par le coureur de l’équipe Cofidis. Selon l’article 1.2.064 du règlement UCI, « les coureurs doivent étudier le parcours à l’avance ». Dans ce cas, le coureur a correctement suivi l’itinéraire prévu”. Alex Aranburu et plusieurs membres du staff de la WorldTeam nordiste sont toujours présents sur place au moment de la décision finale. Ému aux larmes, le coureur est enlacé par des proches, qui portent des T-Shirt à son nom. “C’est chez lui, il avait tous ses supporters et la famille. Gagner c’est beau, à la maison, c’est encore beaucoup mieux. Il n’a pas pu profiter de la victoire normalement mais c’est quand même une victoire”, se félicite Bingen Fernandez.

Du côté de la Groupama-FDJ, on est très amer et, à vrai dire, on a même le sentiment que le fait qu’il s’agisse d’une équipe à connotation espagnole, avec un partenaire très implanté dans le pays et, surtout, un Alex Aranburu à domicile, aurait pu peser dans la balance. Pas question pour autant d’en vouloir à une équipe Cofidis qui a fait valoir ses droits, mais on préfère pointer les erreurs de l’organisation et le changement de décision, chaotique, de l’UCI. “Quelle injustice pour les deux équipes, Cofidis et nous, on ne peut pas faire ça”, regrette encore Benoît Vaugrenard, alors que Romain Grégoire, rentré très tard à l’hôtel, ne souhaitait pas s’exprimer dans la soirée. Ce jeudi matin, dans la zone de départ de… Beasain, toujours, la Groupama-FDJ compte rendre le trophée de vainqueur d’étape à Alex Aranburu et à l’équipe Cofidis. Pour la photo, mais aussi sans doute pour, définitivement, passer à autre chose.