Un soutien psychologique peut aider les enfants souffrant d’eczéma à accepter la maladie et à gérer ses incidences psychologiques. © Freepik
L’eczéma n’est pas qu’une simple maladie de la peau. Les répercussions, pour les malades, dépassent le cadre physique et peuvent toucher le mental dans des proportions insoupçonnées.
Selon une enquête de l’Association Française de l’Eczéma réalisée en février 2025, le risque dépressif concerne 40% des femmes atteintes d’eczéma atopique, et 30,54% des hommes. L’étude, intitulée “Eczéma et (Hyper) sensibilité émotionnelle” révèle également que 38% des personnes d’atteintes d’eczéma atopique sévère (et 25% des cas modérés) se disent déprimés en permanence.
L’AFE, dans son baromètre de septembre 2024, indiquait que “23% des femmes et 21% des hommes expriment le besoin de plus de soutien psychologique”, et jusqu’à un tiers des patient, tous sexes confondus, en cas d’eczéma modéré/sévère.
Ces statistiques révèlent l’ampleur d’un mal plus insidieux qu’on ne le croit, et la nécessité d’une prise en charge précoce. En effet, 67% des patients adultes avouent avoir été stigmatisés pendant leur enfance et/ou adolescence du fait de leur eczéma, avec des conséquences durables à l’âge adulte.
Les incidences de l’eczéma sur la santé mentale, au vu du nombre de malades (1,5 millions d’enfants et adolescents, 2 millions d’adultes), ne sont pas à prendre à la légère. Les explications de Céline Le Bivic, psychologue clinicienne à l’Hôpital Saint-Louis, à Paris.
Eczéma et santé mentale : un tabou aux terribles conséquences Pouvez-vous nous expliquer le lien entre l’eczéma et la santé mentale ?
L’eczéma et la santé mentale sont intimement liés. L’eczéma, est une maladie cutanée chronique aux répercutions multiples. Elle ne touche pas seulement la peau, elle affecte aussi la santé mentale des personnes concernées, car cette pathologie peut provoquer des perturbations émotionnelles importantes. Les répercutions mentales de la maladie ne doivent plus être taboues !
Des perturbations émotionnelles dues à l’eczéma, quelles en sont les causes ?
Avoir de l’eczéma atopique signifie gérer au quotidien des poussées imprévisibles, supporter des démangeaisons incessantes, des lésions visibles et des douleurs. Cela peut créer un sentiment d’insécurité et de rejet, qui va détériorer l’estime de soi et favoriser un sentiment d’isolement.
La stigmatisation sociale, la honte, la culpabilité et la frustration sont assez courants chez ces patients. Ce sont autant de facteurs qui affectent la qualité de vie, entretient l’anxiété dans la durée et conduit parfois les patients vers la dépression.
Comment l’eczéma impacte la perception et l’estime de soi ?
Les personnes atteintes d’eczéma font souvent face à la stigmatisation, en raison de l’aspect visible de la maladie. Cela peut avoir des répercussions profondes sur l’estime de soi, affectant la manière dont elles se perçoivent et aussi dans leurs interactions avec les autres. Avec des plaques visibles sur le visage ou les mains, les patients sont vulnérables aux jugements, avec un sentiment fréquent de gêne et d’infériorité.
En se sentant différentes des autres, ces personnes ont tendance à vouloir cacher leur peau… et pas que leur peau ! Elles cherchent parfois à se cacher le plus possible, à devenir comme « transparentes » pour ne pas attirer l’attention, jusqu’à s’isoler socialement.
Stress, perte de confiance, image de soi dégradée… Quels dont les effets de la stigmatisation sur la santé mentale ?
Les effets psychologiques de cette stigmatisation peuvent être graves, allant de l’anxiété sociale à la dépression. Quelle soit réelle ou perçue, cette stigmatisation, peut avoir un effet délétère sur l’image corporelle des patients. Bien plus qu’un simple problème de peau, l’eczéma pèse sur l’identité personnelle, qui affecte la confiance en soi et la capacité à interagir sereinement avec les autres.
Comment surmonter cette stigmatisation ?
Le premier pas pour surmonter la stigmatisation est d’apprivoiser son eczéma et de comprendre que la maladie ne définit pas l’individu ! Cela passe donc par l’acceptation de la différence. L’accompagnement psychologique joue un rôle essentiel dans ce processus.
Et le stress dans tout ça ? Quel est son rôle dans le mécanisme psychologique de l’eczéma ?
Le stress est un facteur non seulement déclenchant mais aussi aggravant des symptômes d’eczéma, et inversement, l’eczéma peut générer du stress, créant ainsi un cercle vicieux. Le stress génère des réactions biologiques dans le corps avec des niveaux élevés de cortisol (une hormone liée au stress), ce qui impacte le système immunitaire et provoque l’inflammation, aggravant ainsi les symptômes de l’eczéma.
Impact psychologique de l’eczéma : il existe des solutions ! Comment réduire l’impact du stress sur l’eczéma ? Quelles techniques conseiller ?
Il faut commencer par privilégier un mode de vie sain, comprenant une alimentation équilibrée, un sommeil réparateur et un temps consacré à des loisirs, ce qui permet de faire baisser la pression et aussi mieux gérer les symptômes de l’eczéma.
Au-delà, il existe plusieurs techniques pour réduire l’impact du stress : la méditation pleine conscience (Mindfulness) qui permet aux patients de se concentrer sur le présent et de réduire les pensées anxieuses qui peuvent exacerber les symptômes ; la respiration profonde qui permet de réduire le stress immédiat, d’abaisser le rythme cardiaque et de diminuer les niveaux de cortisol, ce qui peut avoir un effet apaisant, tant sur le corps que sur l’esprit ; l’exercice physique régulier et adapté aux capacités de chacun (vélo, marche, natation, yoga…), qui permet de libérer des endorphines, ces hormones qui favorisent la sensation de bien-être et réduisent les symptômes du stress.
Il est important de repérer ce qui fait du bien et surtout de le préserver et de le cultiver.
Y a-t-il une prise en charge « idéale » de l’eczéma ?
Je recommande une approche globale de la prise en charge de l’eczéma, prenant en compte à la fois les symptômes physiques et psychologiques. Si les traitements dermatologiques sont nécessaires, il est tout aussi crucial d’évaluer sa dimension psychologique pour aider les patients à gérer l’impact émotionnel de la maladie.
Je conseillerais de consulter un thérapeute formé (psychologue, psychiatre, psychothérapeute) qui a une approche et une expérience incluant le corps. Bien sûr il ne faut pas oublier l’intérêt d’un environnement de soutien, comme l’Association Française de l’Eczéma, pour permettre aux patients de partager des expériences, de se sentir compris et moins isolés.
Une problématique à traiter dès l’enfance Quels sont les défis spécifiques aux enfants atteints d’eczéma ?
L’eczéma chez les enfants représente un défi particulier, tant sur le plan physique que psychologique. Il peut avoir des conséquences profondes sur leur développement social et émotionnel, surtout si les lésions sont visibles sur le visage, les mains ou les bras.
Les enfants atteints d’eczéma sont confrontés à des difficultés psychologiques liées à leur image corporelle. En plus d’être souvent stigmatisés, rejetés et moqués par leurs camarades, ils sont empêchés dans leurs activités. Les démangeaisons incessantes et les douleurs peuvent aussi impacter leur sommeil et leur concentration, avec des conséquences sur leurs résultats scolaires, à court, moyen et long terme.
Le soutien psychologique des enfants atteints d’eczéma est crucial pour leur santé mentale à l’âge adulte… Un soutien psychologique peut les aider à mieux comprendre leur maladie, à gérer ses aspects émotionnels, et à apprendre à accepter leur peau et à s’accepter eux-mêmes ! Il peut aussi permettre de travailler sur l’estime de soi. Aussi, le soutien psychologique précoce des enfants est d’autant plus important qu’il permet généralement de limiter les répercutions psychologiques de la maladie à l’âge adulte.
En quoi le rôle des parents et des enseignants est-il essentiel ?
Parents et enseignants jouent un rôle majeur dans l’accompagnement des enfants atteints d’eczéma. Sensibiliser les enfants à la maladie et créer un environnement scolaire et familial compréhensif et soutenant, peut réduire les effets négatifs de l’eczéma sur leur développement émotionnel. Les enfants doivent se sentir soutenus et compris, sans avoir à cacher leur maladie ou à en avoir honte.
À SAVOIR
Organisée par l’Association Française de l’Eczéma (AFE), la Journée Nationale de l’Eczéma a lieu le samedi 7 juin, avec des événements gratuits organisés dans plusieurs grandes villes de France (Paris, La Rochelle, Marseille). Inscriptions sur associationeczemafr.
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