Saisis en référé, les tribunaux administratifs de Toulouse et Grenoble avaient retoqué, en novembre 2024 et février 2025, les délibérations des deux métropoles qui avaient accordé à leurs agentes des congés menstruels en cas de règles douloureuses et incapacitantes.
Pour ces deux TA, ces autorisations spéciales d’absence (ASA) étaient illégales car elles n’entraient pas dans le champ des dispositions législatives et réglementaires. Les sénateurs et députés français avaient rejeté, en mars et avril 2024, une proposition de loi des Écologistes, inspirée du modèle espagnol, qui prévoyait jusqu’à 13 jours d’arrêts maladie sans jour de carence.
Les élus de la Ville de Strasbourg et de l’Eurométropole ont pour leur part adopté, en mai et juin 2024, l’expérimentation, sur deux ans, d’un congé gynécologique.
Ce dispositif accorde aux agentes des deux collectivités souffrant de règles douloureuses ou de pathologies incapacitantes, jusqu’à « 13 jours de congés exceptionnels sur présentation d’un certificat médical après avis favorable de la médecine du travail ».
Les deux délibérations avaient été attaquées devant la justice administrative, en octobre 2024, par l’ancienne préfète Josiane Chevalier qui estimait que ces dispositifs n’entraient pas dans le champ réglementaire.
L’affaire a été évoquée, ce mardi 3 juin, devant le tribunal administratif de Strasbourg qui est ainsi la première juridiction en France à juger sur le fond les congés menstruels accordés par des collectivités territoriales.
Dans son exposé, le rapporteur public a rappelé qu’un régime ASA, comme les autorisations spéciales d’absences liées à la parentalité et à certains événements familiaux tirés de la loi du 6 août 2019 et de l’article L622-1 du code général de la fonction publique, « procède de la loi ». Une collectivité territoriale ne peut donc « pas instaurer un régime propre d’autorisations spéciales d’absences ».
Le Conseil Constitutionnel a jugé que le pouvoir réglementaire local s’exerce dans les conditions prévues par la loi et que « ce pouvoir ne peut être ni autonome ni général ».
L’argumentation développée par les deux collectivités territoriales qui considèrent que ces congés exceptionnels ont été votés au nom « de la santé des agentes au travail et de l’égalité hommes/femmes », ne tiendrait pas selon le rapporteur public qui a demandé l’annulation des deux délibérations. « Elles n’ont pas de base légale et ne sont pas juridiquement envisageables ».
« Pas dans le cadre de l’ASA »
Pour Me Halpern, avocate de la Ville de Strasbourg et de l’Eurométropole, « les congés gynécologiques ne relèvent pas d’une autorisation spéciale d’absence mais de l’article L622-2 du code général de la fonction publique qui permet aux collectivités territoriales d’aménager les conditions de travail de ses agents ».
Entre le 1er septembre 2024 et le 31 mai 2015, « 118 certificats ont été délivrés par la médecine du travail et 67 agentes ont été placées en congés gynécologiques ». Ces congés constituent le troisième volet d’un dispositif plus large qui prévoit également la solution du télétravail, explique Me Halpern avant d’assurer que « les élus n’ont pas voulu se placer dans le cadre de l’ASA ». Le jugement a été mis en délibéré au 24 juin.