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Les géants automobiles allemands en crise : comment VW, BMW

Le secteur automobile allemand traverse une période de turbulence sans précédent. Les trois fleurons de l’industrie – Volkswagen, BMW et Mercedes – ont enregistré des chutes de profits alarmantes au premier trimestre 2024, révélant une vulnérabilité structurelle que peu auraient imaginée il y a encore quelques années. Cette situation s’inscrit dans un contexte économique national déjà fragile, l’Allemagne ayant connu deux années consécutives de contraction de son PIB.

Face à la montée en puissance des constructeurs chinois, aux coûts énergétiques élevés et aux nouvelles barrières douanières, ces piliers historiques de l’excellence automobile doivent impérativement repenser leur modèle économique pour survivre dans un marché en pleine mutation.

Des chiffres qui font mal

Les résultats financiers du premier trimestre 2024 parlent d’eux-mêmes. Volkswagen a vu son revenu opérationnel chuter de 37% par rapport à l’année précédente. BMW n’est pas épargné avec une baisse de 28,3% de son bénéfice avant intérêts et impôts. Mais c’est Mercedes qui présente la situation la plus préoccupante avec un effondrement de 40,7% de ses résultats (même si la marque à l’étoile évoque des facteurs exceptionnels pour justifier partiellement cette dégringolade).

Ces performances catastrophiques s’expliquent notamment par deux facteurs majeurs. D’abord, leur forte dépendance au marché chinois, où la demande pour les véhicules européens s’est considérablement réduite. Les constructeurs locaux proposent désormais des voitures électriques plus abordables et technologiquement plus avancées que leurs homologues occidentaux.

Ensuite, l’autre marché d’exportation rentable – les États-Unis – vient d’imposer une taxe de 25% sur tous les véhicules importés, avec la menace d’une augmentation à 50% pour les produits européens. Une double peine qui n’avait pas encore impacté les résultats financiers du premier trimestre, laissant présager une situation encore plus difficile pour les trimestres à venir.

BMW : une longueur d’avance dans l’électrification

Parmi les trois constructeurs, BMW semble avoir pris le virage électrique avec plus d’anticipation. Dès 2013, le constructeur bavarois s’est lancé dans l’aventure avec l’i3 et l’i8, des modèles certes atypiques mais qui ont pavé la voie à une gamme électrique plus cohérente.

Cette avance se traduit aujourd’hui par des produits électriques solides comme les i4 et iX, qui malgré leur design controversé, offrent:

  • Des performances routières convaincantes
  • Une autonomie compétitive
  • Des logiciels embarqués fonctionnels
  • Un rapport qualité-prix cohérent avec le positionnement premium

La prochaine génération “Neue Klasse” devrait franchir un cap supplémentaire avec:

  • Une architecture 800 volts permettant des recharges ultra-rapides
  • Des batteries nouvelle génération plus performantes
  • Un système “Panoramic iDrive” intégrant l’intelligence artificielle

Cette stratégie semble pertinente pour les marchés occidentaux, mais BMW fait face à un défi de taille en Chine, où ses ventes ont chuté de 13% l’an dernier. Sa position de marque premium lui confère une échelle de production limitée face aux constructeurs chinois capables de proposer des technologies plus avancées à des prix inférieurs.

Mercedes : des erreurs stratégiques coûteuses

Mercedes a connu la plus forte baisse parmi les trois constructeurs allemands, et pour cause. Sa gamme électrique EQ n’a pas rencontré le succès escompté. Le cas le plus frappant reste celui de la berline EQS, dont les modèles d’occasion de trois ans se vendent à peine un tiers de leur prix d’origine.

La marque à l’étoile a également fait un pari risqué en transformant sa légendaire C63 en hybride rechargeable, une décision qui s’est avérée désastreuse. Face à ces échecs, Mercedes revoit déjà sa stratégie d’électrification, abandonnant la nomenclature EQ et révisant ses objectifs à la baisse.

Le constructeur mise désormais sur sa future génération de véhicules électriques, à commencer par la nouvelle CLA. Ce modèle promet:

CaractéristiquesAvantages Architecture 800 volts Recharge ultra-rapide Prise NACS en Amérique du Nord Compatibilité avec le réseau Tesla Fonctionnalités IA avancées Expérience utilisateur enrichie Disponible en version hybride et électrique Flexibilité pour les marchés en transition

Le problème fondamental de Mercedes semble être son manque d’identité claire. La marque tente simultanément de préserver son image de luxe raffiné tout en se positionnant comme une entreprise technologique à la pointe de l’innovation. Cette stratégie conduit à des incohérences, comme l’intégration native de TikTok et ChatGPT dans la Classe E, un modèle traditionnellement associé à une clientèle conservatrice.

Volkswagen : le géant aux pieds d’argile

Volkswagen représente un cas particulier en raison de sa taille. Contrairement à BMW et Mercedes, VW est un acteur de volume, second constructeur mondial derrière Toyota. Cette position dominante est aujourd’hui menacée, notamment en Chine où BYD l’a détrôné en 2024.

Le groupe doit également faire face à une présence historiquement faible aux États-Unis, où la marque Volkswagen détient une part de marché similaire à celle de Tesla ou Subaru – une performance décevante pour un constructeur généraliste. À l’exception de quelques modèles comme l’ID.4 et les SUV Atlas, la quasi-totalité des véhicules du groupe vendus sur le sol américain est importée, les exposant directement aux nouvelles barrières douanières.

Pour redresser la barre, VW a engagé plusieurs actions stratégiques:

  • Réduction des effectifs pour diminuer les coûts de structure
  • Partenariat avec Mobileye pour la conduite autonome
  • Collaboration avec Rivian pour l’architecture électrique et l’expertise logicielle
  • Renforcement des coopérations avec des partenaires chinois comme Xpeng
  • Lancement prévu de 20 modèles électriques ou électrifiés en Chine d’ici 2027

Le groupe travaille également à réformer sa division logicielle interne Cariad, qui a connu de nombreuses difficultés. Cette restructuration est cruciale car elle touche au cœur même du défi que doivent relever les constructeurs allemands: ne pas se contenter d’ajouter un moteur électrique à des véhicules existants, mais repenser entièrement leur approche de la conception automobile.

Le défi commun de la transformation

Les trois constructeurs allemands ont bâti leur réputation sur l’excellence de leurs moteurs thermiques et transmissions, associés à des véhicules pour lesquels les consommateurs du monde entier étaient prêts à payer un premium. Reproduire ce succès dans l’univers électrique exige une refonte complète de leur processus de fabrication et de leur proposition de valeur.

Cette transformation est à la fois longue et coûteuse. Elle implique de maîtriser de nouvelles compétences dans les domaines des batteries, des logiciels et de l’expérience utilisateur. Or, les constructeurs chinois ont pris de l’avance sur ces aspects, proposant des voitures électriques plus avancées technologiquement et souvent moins chères.

La course contre la montre est engagée. BMW, Mercedes et Volkswagen disposent encore d’atouts considérables: un savoir-faire industriel reconnu, des marques prestigieuses et une solide base de clients fidèles. Mais ces avantages ne suffiront pas si ces groupes ne parviennent pas à accélérer leur mutation et à proposer des véhicules électriques véritablement compétitifs, tant en termes de prix que de performances.

La réussite de cette transformation n’est pas seulement cruciale pour ces entreprises, mais pour l’ensemble de l’économie allemande dont l’industrie automobile représente un pilier fondamental. Les prochaines années seront déterminantes pour savoir si l’Allemagne parviendra à maintenir son leadership dans ce secteur en pleine révolution.

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