Par

Augustin Delaporte

Publié le

3 juin 2025 à 19h06

« Attends, je t’ai pas raconté ? Les pompiers sont arrivés et les gars ont commencé à leur tirer dessus avec des mortiers. » Casquette à l’envers et téléphone en mode haut-parleur, un homme en t-shirt blanc dévale la rue Princesse à Paris (6e). Comme un lendemain de soirée arrosée, il rassemble progressivement ses souvenirs. Trois jours auparavant, le Paris Saint-Germain s’est hissé sur le toit de l’Europe du football. En marge de cette victoire historique, les scènes de liesse populaire ont été émaillées d’incidents et de nombreuses interpellations. Dans la capitale, la célèbre rue de la Soif n’a évidemment pas fait exception.

« Ça puait le cramé »

« On a accueilli le monde dans de très bonnes conditions cet été avec les Jeux, mais là… » En sortant de la bouche de métro Saint-Germain-des-Prés, un couple déplore les heurts des derniers jours. Laissant le bas de la rue de Rennes et son point de vue privilégié sur la tour Montparnasse dans leur dos, ils progressent lentement jusqu’à l’entrée de la rue Princesse. 

Sur un quai du métro Saint-Germain-des-Prés, mardi 3 juin 2025.
Sur un quai du métro Saint-Germain-des-Prés, mardi 3 juin 2025. (©AD / actu Paris)

Dans l’artère propre comme un sou neuf, un chien noir faisant sa balade matinale croise leur route. Son maître s’arrête, puis fait remarquer le sol allégrement mouillé et immaculé. « Il n’a pas plu aujourd’hui », note-t-il dans un sourire. Grâce au travail des services de propreté, le contraste avec les images de la nuit du 31 mai au 1er juin 2025 est effarant. 

Ce soir-là, la fête a dégénéré aux alentours de 22 heures, alors que sur le terrain de Munich Achraf Hakimi et Désiré Doué avaient mis Paris sur les bons rails. « Un feu d’artifice a fini dans un appartement, qui a pris feu », retrace un jeune de 20 ans présent au moment des faits. Celui-ci pointe du doigt la porte du numéro 5 : « Pour éviter les camions de pompiers, les gens se sont tassés là. Ils étaient tellement nombreux, que la porte a cédé. Une femme est tombée dans les pommes », poursuit-il. 

Il s’est ensuite réfugié au « Coffee Parisien » durant près d’une heure et demie et n’a pas pu remonter chez lui avant trois heures du matin. « Ça puait le cramé… Tu ne pouvais plus traverser la rue et des jeunes ont tiré des mortiers sur les infirmiers. Il a fallu que les CRS interviennent (…) Les gens marchaient sur le boulevard Saint-Germain et faisaient un convoi vers le Trocadéro, c’était quelque chose », ajoute le vingtenaire.   

« La plupart du temps, c’est bon enfant ! » 

Installé rue Princesse depuis 2019, un habitant avait vu les choses venir : « On se doutait que ça se passerait comme ça, donc on a préféré s’absenter avec ma femme et mon bébé ». Sa fenêtre donne sur l’appartement touché par les flammes. « C’est encore sinistré », atteste-t-il. 

Trois jours après l'incendie d'appartement du samedi 31 mai 2025, des stigmates étaient encore visibles.
Trois jours après l’incendie d’appartement du samedi 31 mai 2025, des stigmates étaient encore visibles. (©Photo transmise à actu Paris)

Tout en jugeant que la soirée du 31 n’était en réalité qu’un événement isolé, pas vraiment représentatif de la vie dans cette voie festive de Paris. « Quand j’ai emménagé ici, je suis venu en connaissance de cause. Cette rue est célèbre. Sa réputation irradie jusqu’à Toulouse, puisque c’est la fanzone de la capitale des supporters du Stade Toulousain. Mais la plupart du temps, c’est bon enfant ! C’est majoritairement des trentenaires ou des quadras, ils nous font des sourires quand on passe… » 

Un riverain abonde. « Il y avait de l’excitation pour la Ligue des champions et il y a eu des débordements, mais comme dans tout Paris finalement. » Après un court moment de réflexion, il complète : « Même si c’est vrai que, depuis quelques années, des jeunes de quartier ont pris l’habitude de venir et sèment parfois la pagaille. Les bars sont un peu démunis ». 

Le jour et la nuit

Sans que la vie des gens n’en devienne un chemin de croix, loin de là. « Il y a des familles que ça freine », fait savoir un agent immobilier qui travaille dans le secteur. Tout en précisant : « Mais l’endroit retrouve un esprit de village au matin. C’est assez calme et, paradoxalement, c’est l’une des rues les plus propres de Paris ». 

Sur le pas de sa porte, un habitant de la rue argue : « On est clairement dépendant de la voirie, si elle ne passe pas à cause d’une grève ou lors d’un jour férié, ça ressemble à une zone de guerre. Mais sinon… Quand je rentre vers 23 heures il y a du verre partout et, le matin, c’est comme aujourd’hui : totalement nettoyé. Quant au bruit, mes fenêtres sont très bien insonorisées et je n’entends rien ». 

L'ambiance redevenue paisible rue Princesse.
L’ambiance redevenue paisible au matin, rue Princesse. (©AD / actu Paris)

Une voisine passe en quatrième vitesse. « C’est déjà arrivé qu’il y ait des comas éthyliques dans la cour, mais de manière générale ça se passe très bien », commente-elle en ôtant rapidement un écouteur de son oreille.

Un jeune du coin sourit. « En cas de souci, on est paré, les pompiers se rendent souvent au « Petit Saint-Germain ». Plus sérieusement, la population est super cool ici. » Certains ont même des tips pour avoir leur place dans les bars les jours de match : « On s’entend bien avec quelques-uns, ils nous laissent entrer par derrière », confie l’un d’eux. 

Avant de conclure : « Il y a des jeunes et des moins jeunes dans la rue, mais je n’ai jamais entendu quelqu’un se plaindre. C’est même plutôt l’inverse. » 

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