Deux sections de la CRS 8 en intervention à Paris avaient reçu l’ordre, dans la nuit du 14 au 15 avril 2023, de gagner Rennes en prévision d’une manifestation prévue le lendemain. Les effectifs de cette unité d’élite de maintien de l’ordre, qui compte habituellement « trois sections », étaient « réduits » et les équipes fatiguées avant d‘arriver en Bretagne sur cette manifestation » ayant rassemblé jusqu’à 2 500 personnes, a-t-il été recontextualisé ce lundi 2 juin 2025 au tribunal correctionnel de Rennes.

Aux alentours de 16h, sur le boulevard de la Liberté à Rennes, certains manifestants s’étaient détachés du cortège et avaient commencé à jeter « des projectiles de toutes sortes » sur les forces de l’ordre. Une manifestante avait été interpellée par la CRS 8, et ses cris avaient poussé des riverains à filmer la situation.

Il tente de franchir le barrage

Un journaliste qui sortait d‘un bar où il avait bu « trois pintes de bière » et qui voulait initialement « rentrer chez lui », s’était alors approché de la femme en train de crier. Demandant à franchir le barrage, il s’était vu opposer un refus de la part d’un officier de la CRS 8, qui lui avait demandé de s’éloigner.

L’individu avait d‘abord tenté de parlementer avant d’insulter le fonctionnaire de police et de cracher en sa direction. Gardant tout d’abord son calme, le policier avait fini par le repoussement violemment. Le journaliste était tombé au sol et sa tête avait heurté de plein fouet un terre-plein. « Il s’est laissé tomber », s’est défendu le policer.

Interpellation violente

Réussissant à se relever, le contestataire avait ensuite été « plaqué au sol » et s‘était débattu « violemment », ce qui avait nécessité l’intervention de « six membres de la brigade ». Le capitaine d’une section de la CRS8 était alors « monté avec ses deux pieds » sur les jambes du journaliste pour empêcher qu’il ne « porte des coups » à ses collègues. Au vu du poids du capitaine de brigade et du matériel qu’il portait, ce sont donc « 95 kg » qui ont écrasé les jambes du journaliste pendant vingt secondes.

Un geste « non académique mais justifié », considère le principal intéressé, qui n‘hésiterait pas le « refaire ». L’individu était « virulent et agressif », a-t-il rappelé aux trois juges du tribunal correctionnel de Rennes. Une photojournaliste s’était elle inquiétée que l’homme au sol ne se fasse « asphyxié » et avait demandé aux policiers d’arrêter… Elle avait été sommée de « dégager » et menacée « à bout portant » avec un lance-grenade alors qu’elle avait pourtant son brassard presse.

Dégrisement

Au terme de « plusieurs minutes de rébellion », l’homme avait finalement été maîtrisé par les six membres de la CRS 8 et menotté par serflex. Le capitaine l’avait toutefois vu « violemment bouger la tête » : il lui avait donc donné un coup de poing au visage, de peur qu’il « morde son collègue »… Le policier avait même jugé nécessaire de projeter « un petit coup » de gaz lacrymogène à un mètre de son visage alors même que le journaliste venait d’entrer dans le fourgon.

Placé en garde à vue puis en cellule de dégrisement, celui-ci avait été examiné par un médecin qui a considéré que ses ecchymoses, ses plaies et « l‘érosion des yeux » étaient dûes à l’interpellation « violente » dont il avait fait l’objet.

Sanctionner les violences

Le policier et son capitaine ainsi que le journaliste se retrouvaient devant le tribunal ce lundi après s’être accusés mutuellement de violences volontaires. La procureure de la République a demandé au tribunal de sanctionner les violences « disproportionnées » du policier de la CRS 8 à l‘égard du journaliste et de le condamner à six mois de prison avec sursis.

La représentante du ministère public a aussi réclamé trois mois de prison avec sursis pour ce dernier pour sa « rébellion » et ses « outrages ». Elle a toutefois jugé que le geste du capitaine était « proportionné » au regard de la « résistance » opposée par le journaliste et a donc conclu à sa relaxe.

« Parcours exemplaire »

L’avocate de ce dernier a abondé dans le même sens au vu du « parcours exemplaire et admirable » de son client. « Ces vingt secondes doivent-elles entacher vingt ans de services au sein de l’institution ? », s’est-elle demandée.

L’avocat du journaliste a de son côté rappelé que le plaquage ventral est « interdit dans bon nombre de pays » et que le tribunal devait condamner ces deux policiers « à titre d’exemple ». La décision sera rendue dans trois semaines.