Par

Ivan CAPECCHI

Publié le

3 juin 2025 à 17h52
; mis à jour le 3 juin 2025 à 19h23

INFO ACTU STRASBOURG. Le conseil d’administration de la SPA de Strasbourg souhaite mettre fin au contrat de l’actuelle directrice, Martine Schmitt.

En poste depuis le 5 février 2024, elle dit ne pas comprendre cette décision et évoque des désaccords profonds avec l’instance gestionnaire*.

La directrice de la SPA de Strasbourg poussée vers la sortie

Le lundi 12 mai, dans son bureau, Martine Schmitt a été informée par le président du conseil d’administration et son trésorier de la volonté de procéder à une rupture conventionnelle.

« Il ne m’a rien été reproché de précis. On m’a parlé de prises de position et d’attitudes qui ne leur convenaient pas », raconte Martine Schmitt. « Comme j’étais sous le choc, je n’ai pas demandé davantage de précisions. J’ai seulement dit qu’il était beaucoup trop tôt pour prendre une telle décision. »

Des décisions qui n’auraient pas plu

D’après elle, certaines de ses décisions n’auraient pas été du goût du conseil.

Elle évoque notamment des désaccords sur le maintien en vie d’un chien jugé « compliqué », ou encore sur une adoption conflictuelle pour laquelle elle s’était opposée à la décision du CA de réintégrer temporairement l’animal au refuge. « La décision de le faire revenir m’a finalement été imposée, ce qui a constitué un choc pour ce chien », ponctue-t-elle.

Les reproches du conseil d’administration

Dans un courrier que nous avons pu consulter, le conseil d’administration reproche à Martine Schmitt de refuser son autorité et de participer au « développement d’un esprit clanique » au sein de la structure.

« Ce comportement est à la racine même des dysfonctionnements graves et répétés de notre refuge et c’est justement contre cela que les membres du conseil d’administration se mobilisent depuis des mois », peut-on lire dans le document.

Une relation devenue délétère

Une relation délétère s’est installée entre Martine Schmitt et Clément Moeglin, le président du CA, comme en témoignent des échanges de mails que nous avons obtenus.

La teneur des messages montre une perte de confiance mutuelle, des reproches à peine voilés et des visions opposées de la gouvernance. Le président reproche notamment à la directrice une posture jugée autoritaire ou clivante, des tensions avec une partie du personnel, une incapacité à se remettre en question, et une communication externe perçue comme victimaire.

De nombreux soutiens…

De leur côté, de nombreux salariés et bénévoles dénoncent une éviction brutale.

Sous une publication Facebook évoquant son possible départ, plusieurs réactions de soutien ont émergé. « Je tombe des nues, écrit Céline. Depuis son arrivée, Martine a impulsé de nombreux changements positifs, main dans la main avec Marie [la responsable du chenil, NDLR] et d’autres salariés et bénévoles très investis. Elle a toujours su entendre les propositions, même divergentes, sans jamais se mettre en colère, mais avec ouverture, discernement et respect. C’est rare et précieux. » Julien, bénévole depuis six ans, renchérit : « Il n’y a jamais eu autant de changements que ces dix derniers mois. »

Plus de dix
Plus de dix « salariés en colère » ont tenu à être présents ce mardi pour défendre leur directrice. (©Ivan Capecchi / Actu Strasbourg)

Une pétition intitulée « Tous ensemble contre l’éviction de la directrice » a recueilli près de 100 signatures. Par ailleurs, de nombreux mails de soutien ont été envoyés à la directrice et au conseil d’administration. 

Deux courriers ont été envoyés au conseil d’administration pour demander des explications, courriers qui ont été signés par 20 salariés sur 26 au total (et qui ont trouvé une réponse dont certains extraits figurent plus haut).

… y compris en interne

Ce mardi, alors que je rencontrais la directrice de la SPA sur site, plus de dix salariés, portant un t-shirt « salariés en colère », ont tenu à être présents en signe de solidarité.

On retrouve notamment Marie, la responsable du chenil qui serait également dans le viseur du conseil d’administration. « Je suis à bout. J’ai l’impression de tout faire pour donner satisfaction auprès de ce conseil d’administration [mais rien n’y fait] », témoigne la jeune femme. « Quand j’ai des interrogations ou des problèmes, je n’ai absolument pas de réponse ni de soutien », assure-t-elle. Une affirmation corroborée par d’autres salariés présents ce jour-là, qui dénoncent, eux aussi, le manque d’implication de certains membres du conseil d’administration, et notamment de son président.

« C’est mon soutien à la responsable du chenil qui me coûte mon poste », estime de son côté la directrice.

Un malaise plus large dans le fonctionnement

Dans certains échanges, le président du conseil d’administration met aussi en cause le travail de l’accueil. « Je pense qu’ils [les membres du conseil d’administration] ne mesurent pas ce que c’est que la vie de l’accueil de la SPA », vole à la rescousse Martine Schmitt. « La vie de l’accueil de la SPA, c’est que des emmerdes à gérer, de 10h à 18h. Que des gens désagréables parce que les abandons, ça va jamais assez vite, les adoptions, ça va jamais assez vite, la procédure, c’est trop d’administratif, etc., etc., etc. », développe-t-elle.

Globalement, les salariés rencontrés ce mardi témoignent d’un décalage entre leur réalité de terrain et les reproches formulés par le conseil d’administration.

Une crise qui ravive de mauvais souvenirs

Cette crise ravive de douloureux souvenirs. En 2022, la Ville de Strasbourg avait suspendu sa subvention annuelle de 44 000 euros en raison de tensions internes et d’incidents, comme des morsures de chiens sur des bénévoles. Un audit imposé par la Ville avait alors préconisé la mise en place d’un poste de direction.

C’est dans ce contexte que Martine Schmitt avait été recrutée. « Il y a eu un gros gros travail de fond à faire pour restaurer un climat de confiance avec les équipes », recontextualise Martine Schmitt. « On a mis en place des process – par le passé, certains animaux ont disparu sans qu’on ne retrouve jamais leur trace… – et le chenil a continué à se structurer avec une nouvelle personne à sa tête. Par ailleurs, au moment de ma prise de fonction, le CA m’a sollicitée pour évincer l’un de ses membres accusé de harcèlement moral, ce qui a été fait », complète-t-elle.

Sentiment de gâchis

« Cela fait 30 ans que je suis là et cela fait longtemps qu’on n’avait pas connu une stabilité pareille », affirme Catherine Bronner, salariée de la SPA, qui décrit une « détresse » parmi ses collègues. « Le train allait dans le bon sens… et puis pouf ! », regrette-t-elle.

Nous avons tenté de joindre le conseil d’administration et son président, en vain.

*La SPA est gérée par un conseil d’administration entièrement bénévole. Il s’agit d’une « gouvernance collégiale chargée de gérer, de superviser et de guider les actions de l’association. Il doit veiller à ce que l’association fonctionne de façon efficace, éthique et conforme aux objectifs fixés et à la législation en vigueur », peut-on lire dans un document.

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