Là, une corniche couronnant délicatement le mur de l’édifice. Ici, un bâtiment art déco avec ses parfaites symétries. Un peu plus bas, une conduite d’eau forgée dans la gueule ouverte d’un lion. À chacun de nos pas, les villes offrent toujours leurs merveilles architecturales qu’il faut savoir regarder. Mais que nous, pauvres adultes pressés par le temps, oublions souvent de deviner et contempler. Un défi qui n’en est plus un pour une cinquantaine d’enfants de l’école Jules-Ferry où l’architecture est devenue le pilier de tous les apprentissages du parcours élémentaire. Avec des résultats… Monumentaux.

« La classe en architecture »

Oui, l’architecture, considérée à tort comme élitiste, s’invite dans une petite école française depuis quatre ans. Et c’est à Pontivy qu’on la trouve, dans l’établissement public de Jules-Ferry, où un dispositif inédit a été lancé il y a quatre ans. Il s’appelle « la classe en architecture ». Une nouvelle forme de pédagogie, en somme, lancée tout à fait par hasard par Christophe Guilloux.

Les formes géométriques, les mesures, les mots, les expressions, l’histoire et la géographie du bâtiment : l’architecture permet d’articuler bien des disciplines.Les formes géométriques, les mesures, les mots, les expressions, l’histoire et la géographie du bâtiment : l’architecture permet d’articuler bien des disciplines. (Le Télégramme/Pierre Bernard)

Lui est professeur et a la passion de l’instruction chevillée au cœur. Il est aussi doctorant en éducation artistique et culturelle et un jour, en discutant avec un ami architecte, ce trentenaire s’est rendu compte que le programme scolaire de primaire pouvait être nourri par l’architecture, notamment en histoire. Bingo : ça marche même dans toutes les autres disciplines.

« Il est devenu passionné ! »

Selon lui, l’architecture permet ainsi de mieux appréhender la lecture. Il faut dire que les ouvrages sur le thème, et notamment destinés aux enfants, sont innombrables. Elle permet aussi de mieux sensibiliser les subtilités de la géométrie, avec les grandeurs et les mesures. Elle se prête forcément avec l’histoire et la géographie. Et peut même être utilisée en sport. Mais surtout, elle offre l’expérience de la curiosité. Car ces jeunes élèves lèvent la tête. Posent leur regard. Éveillent leur intérêt. «  Ils s’intéressent, résume le professeur. Et ils me bluffent sans arrêt ! Leur capacité à créer et imaginer est impressionnante ». À l’image de Simon, 9 ans, qui épate chaque semaine sa maman, Caroline. « Simon revient à la maison avec beaucoup de savoirs. Il aime dire tout ce qu’il a appris, il est devenu passionné, d’ailleurs il veut devenir architecte ! ».

« Ça marche aussi pour l’inclusion »

Mais la véritable réussite de cette thématisation de classe est de faire sauter les barrières. D’éloigner les différences. « On ne peut pas être en échec avec l’architecture car chacun voit à sa façon, chacun à son regard. Ça marche pour l’âge, qui n’a pas d’importance : que l’on soit en CP ou en CM2, on a sa propre vision, qui est forcément intéressante. Et ça marche aussi pour l’inclusion », se félicite Christophe Guilloux. Avec l’architecture, en effet, les handicaps s’effacent.

Un carreau de céramique qui composera la frise, posée au-dessus des fenêtres du deuxième étage de l’école Jules-Ferry.Un carreau de céramique qui composera la frise, posée au-dessus des fenêtres du deuxième étage de l’école Jules-Ferry. (Le Télégramme/Pierre Bernard)

Alors, la magie opère. Comme ce mardi 3 juin, à l‘Atelier Chroma, au 95 rue Nationale, qui a ouvert ses portes aux élèves afin qu’ils puissent procéder à l’émaillage des carreaux de céramique qui composent une frise de leur école qui se trouvaient sur les plans d’élévation mais qui, à l’époque et pour des raisons budgétaires, n’ont pu être réalisés. Aux archives de Pontivy, ce sont eux qui ont deviné cette frise inexistante aujourd’hui. Bientôt, si l’architecte des bâtiments de France autorise les travaux, cette frise en céramique composée par les élèves pourra être posée sur l’école. La réussite d’un groupe et d’un professeur. Malgré toutes les différences. Et ça, c’est archi… Chouette.