Selon un document révélé par Mediapart, les candidats à cette « attestation » doivent avoir suivi des études littéraires, « à un moment donné de leur parcours de formation initiale ».

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Selon un document révélé par Mediapart, les candidats à cette « attestation » doivent avoir suivi des études littéraires, « à un moment donné de leur parcours de formation initiale ».

PROFS – « Des profs au rabais » : l’académie de Dijon a suscité la polémique en lançant une « expérimentation » qui permet à des enseignants d’autres matières d’enseigner le français, sans diplôme spécifique mais après un simple entretien d’une demi-heure.

« L’académie de Dijon lance une expérimentation, dans le but de trouver de nouvelles solutions pour assurer l’enseignement du français dans les classes de collège et de lycée de notre académie », dit un courriel adressé le 22 mai à tous les professeurs et vu par l’AFP.

« Il s’agit de permettre à des enseignants d’une autre discipline de prendre en charge cet enseignement (du français, ndlr). À cette fin, est créée une attestation “Enseigner le français” », ajoute le message. Selon un document révélé par Mediapart, et dont l’AFP a obtenu copie, les candidats à cette « attestation » doivent avoir suivi des études littéraires, « à un moment donné de leur parcours de formation initiale ».

Ils doivent envoyer un CV et un courrier listant leurs expériences puis passer un oral de dix minutes où ils présentent un cours de français factice, suivi d’un « échange » de vingt minutes, notamment sur leurs connaissances des programmes du français.

Une attestation « temporaire »

Interrogé mardi par l’AFP, le rectorat précise que ce système ne doit pas être mis en service avant l’année scolaire 2026-2027 et insiste sur le fait que l’attestation « n’est pas une simple formalité administrative » et qu’elle n’est attribuée que si « les compétences à enseigner en lettres sont reconnues ».

De plus, l’attestation est « temporaire, valable uniquement pour l’année scolaire », ajoute le rectorat. « L’obtention de cette attestation ne vaut pas autorisation à enseigner le français de façon systématique et pérenne », développe le rectorat auprès de Mediapart et devra être « réinterrogée chaque année ».

« Ce sont des profs au rabais », réagit auprès de l’AFP Maxime Lacroix, secrétaire académique de l’Unsa Dijon, deuxième syndicat du secondaire. Un professeur d’une autre discipline pourra enseigner le français, « sans avoir un Capes ou une Agrégation » dans cette matière, des diplômes ouvrant normalement droit au professorat après plusieurs années d’études, argumente-t-il. « Après seulement un entretien rapide, ils pourront potentiellement enseigner jusqu’au bac de français », souligne Maxime Lacroix.

« Que des mauvaises idées »

« Après le job-dating, les annonces sur Facebook, les parents qui s’improvisent professeurs », initiatives récemment prises à travers la France pour pallier le manque de professeurs, « voilà les “attestations pour enseigner” », ironise le Snes-FSU, principal syndicat enseignant du secondaire, sur un pastiche d’affiche intitulé « BricoEduc », publié sur le site du syndicat et qui imite de célèbres enseignes de bricolage.

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« Un oral de 30 minutes ne suffit pas pour devenir professeur de français, a commenté Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, interrogée le 4 juin sur BFMTV (…). C’est tromper les élèves et les familles que de laisser croire qu’on peut s’improviser ainsi professeur de français ». Pour elle, cela montre une chose : que le rectorat de Dijon comme le ministère de l’Éducation nationale n’ont « que des mauvaises idées » pour faire face à la pénurie d’enseignants, qui est bien réelle.

« Le vrai problème est en fait dans le recrutement : ce métier n’attire plus car il n’est plus reconnu et pas valorisé financièrement », juge Philippe Bernard, cosecrétaire académique du SNES-FSU Dijon, qui accuse également les suppressions de postes dans l’Éducation. « Il y a actuellement une soixantaine de classes sans prof de français dans l’académie mais sept postes de profs de français ont été supprimés à la rentrée dernière », rappelle le syndicaliste.