L’Allemagne va tourner la page Olaf Scholz. Et c’est le libéral Friedrich Merz qui s’apprête à écrire un nouveau chapitre de l’histoire du pays. Pour le moment, le futur chancelier suscite de grands espoirs chez ses alliés de l’Union européenne qui comptent fermement sur le soutien de Berlin dans un monde chamboulé par Donald Trump.
Souvent qualifié d’« homme du passé », ce conservateur de 69 ans, dont le camp CDU/CSU a remporté les législatives du 23 février, a franchi une étape cruciale pour accéder au poste suprême après un accord de coalition annoncé mercredi avec le centre-gauche pour former un gouvernement. Mais la route fut longue pour cet avocat de formation, écarté du pouvoir au début des années 2000 par Angela Merkel alors qu’il se considérait comme l’héritier naturel d’Helmut Kohl, le père de la réunification allemande.
Un proeuropéen, atlantiste convaincu
Celui qui n’a jamais occupé de poste ministériel prend les rênes de la première puissance européenne à un moment de basculement géopolitique, où l’Europe cherche à s’affranchir de la tutelle militaire d’un allié américain devenu imprévisible pour assurer sa défense face à la menace russe. Atlantiste convaincu, il n’en a pas moins promis de ramener son pays au centre du jeu européen avec une « voix forte » pour défendre les intérêts du continent.
Ce partisan d’une aide sans faille à l’Ukraine a déjà marqué les esprits en annonçant dès mars avec ses partenaires gouvernementaux du parti social-démocrate (SPD) un programme de dépenses inédit de plusieurs centaines de milliards d’euros pour réarmer et moderniser l’Allemagne jusqu’ici très attachée à l’orthodoxie budgétaire.
Toutefois, l’audace qui vaut à ce millionnaire et pilote d’avion amateur les louanges des alliés européens provoque à ce stade, en Allemagne, critiques et mécontentement. « Jamais un chancelier n’a commencé son mandat avec une confiance aussi faible » de la population, estime ainsi le professeur en sciences politiques de l’université de Cassel Wolfgang Schroeder.
L’extrême droite en embuscade
Beaucoup, y compris dans ses rangs, lui reprochent aussi d’avoir trahi sa parole en réformant le « frein à la dette » inscrit dans la constitution, ce mécanisme limitant la capacité d’endettement, mais aussi d’investissement, du pays. Cela fait le jeu du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) qui dénonce son « mensonge » et talonne désormais les conservateurs dans les sondages.
Pendant la campagne électorale, Friedrich Merz a promis un net virage à droite s’il devenait chancelier, avec notamment un durcissement des règles migratoires suite à plusieurs attaques meurtrières impliquant des étrangers. Dès son élection à la tête de la CDU en 2022, il avait annoncé un renversement complet de la généreuse politique d’accueil héritée d’Angela Merkel (2005-2021). Une revanche face à celle qui l’écarta en 2002 du poste stratégique de président du groupe parlementaire CDU, le conduisant à se reconvertir dans la finance en 2009, notamment chez BlackRock, l’un des plus gros gestionnaires d’actifs au monde.
Celui qui a promis de « redonner sa fierté » à l’Allemagne va aussi devoir trouver la parade pour résoudre la crise profonde du modèle industriel traversée par le pays, qui pourrait être aggravée par les nouveaux droits de douaniers décrétés par Trump. « Beaucoup pensent à la CDU que Merz et Trump pourraient bien s’entendre », estime le magazine Der Spiegel. « Merz connaît les Etats-Unis, il a fait carrière dans le secteur privé, c’est donc aussi un homme d’affaires, ce qui devrait plaire au « faiseur de deals » de la Maison-Blanche ». Reste à voir maintenant comment il traitera avec Washington lorsqu’il aura le pouvoir.