Un dispositif victime de son succès. Le ministre de l’Economie a confirmé ce mercredi 4 juin la suspension du dispositif d’aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov. La raison avancée : de nombreuses demandes et fraudes. Eric Lombard a néanmoins dit vouloir le rétablir «avant la fin de l’année»… sans qu’on sache à partir de quand et pour combien cette suspension est prévue.

Sur MaPrimeRénov, «il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes […], d’où la suspension», a-t-il argué lors des questions au gouvernement au Sénat. «Mais naturellement, une fois que cela sera réglé, le processus pourra continuer», a-t-il ajouté, en précisant ultérieurement, devant la commission des Affaires économiques du Sénat, que le gouvernement avait «bien l’intention de rétablir le fonctionnement avant la fin de l’année». Un changement de pied par rapport à la veille, où le gouvernement avait répété que rien n’était arbitré sur ce sujet à la suite d’un article du Parisien.

La ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a confirmé dans un communiqué «la fermeture temporaire cet été des dépôts des dossiers pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d’isolation ou de changement de système de chauffage». Ils pourront être de nouveau déposés «d’ici la fin du mois de septembre», a-t-elle promis.

Dans l’intervalle, ceux déjà présentés, s’ils sont «non frauduleux», seront «instruits» et donneront lieu à paiement «dans les meilleurs délais», a assuré la ministre.

Alors qu’au premier trimestre 2025, le nombre de logements rénovés avec des subventions du dispositif d’aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov a triplé, le budget alloué par l’Etat pour 2025 a de son côté été réduit pour s’aligner sur les montants consommés en 2024. Conséquence : le gouvernement est pris de court.

«Vu la montée en puissance de la rénovation des logements, qui n’est pas surprenante, c’était sûr qu’il y aurait un problème», a relevé mardi Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement (ex-Fondation Abbé-Pierre).

L’Agence nationale de l’habitat (Anah) avait indiqué la semaine passée que plus de 100 000 dossiers de rénovation avaient été engagés depuis le début de l’année 2025, pour un objectif fixé par l’Etat de 350 000 rénovations énergétiques. Un budget de 3,6 milliards d’euros avait ainsi été alloué à l’Anah pour l’ensemble du dispositif. Or le gouvernement ne prévoit pas de le compléter ni d’instruire des dossiers au-delà de l’objectif fixé.

Mais le problème est désormais concret : sept collectivités territoriales du Grand Est ont écrit au ministère pour alerter sur l’épuisement de leur enveloppe budgétaire MaPrimeRénov. Le département de l’Ardèche fait face à la même pénurie de fonds, tout comme la métropole de Lyon et de nombreux autres territoires qui sont chargés de distribuer les aides aux ménages modestes et très modestes pour la rénovation globale de leurs logements.

Cette suspension serait «une catastrophe absolue», anticipait mardi Jacques Baudrier, adjoint PCF de la mairie de Paris chargé du logement. «La transition environnementale dans le bâtiment nécessite de l’argent public, sans quoi elle ne se fait pas», alertait Manuel Domergue.

Les entreprises de la rénovation énergétique ont tiré dès mardi la sonnette d’alarme : «S’il y a un coup d’arrêt de MaPrimeRénov, ce sera brutal», craignait Jean-Christophe Repon, président du syndicat des artisans du bâtiment, la Capeb.

«Derrière ce possible gel des aides, ce sont des milliers de clients laissés pour compte et des milliers d’emplois dans le secteur qui pourraient se trouver durablement menacés», a réagi mardi à ce qui n’était encore qu’une éventualité Philippe Notargiacomo, président de l’entreprise de rénovation HomeServe Energies Services. Pour Suzanne Brolly, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, «c’est tout un équilibre qui est en train de s’écrouler et qui était déjà très fragile».

Le gouvernement a déjà commencé à chercher des solutions financières pour abonder MaPrimeRénov sans creuser encore plus le déficit public. Il prévoit de modifier les règles des certificats d’économie d’énergie (CEE) pour inciter des entreprises à financer des rénovations d’ampleur.

Or selon Damien Demailly, directeur adjoint de l’institut de recherches spécialisé dans l’économie du climat I4CE, il y a cependant «un décalage» de plusieurs mois entre l’attribution d’un CEE et le versement des fonds par l’entreprise. Les effets des potentielles nouvelles règles des CEE se verraient donc «plutôt en 2026».

Mise à jour à 21 h 13 avec les précisions de la ministre du Logement.