Le 23 mai dernier, l’Eurométropole (EMS) a voté l’instauration d’un « permis de louer », pour lutter contre l’habitat indigne. Entrant en vigueur le 1er mai 2026, il n’est pour l’instant conscrit qu’au quartier Gare, pour les résidences principales du parc privé construites avant 2006. « Avancée importante et attendue » pour l’exécutif, la mesure est jugée d’une « ambition faible » par l’opposition. Présentation.
Alors que le conseil municipal du 19 mai dernier a eu lieu dans des conditions particulières, à la suite du blocage du centre administratif par les forains sous fond de Foire Saint-Jean, le conseil de l’EMS s’est lui déroulé sans problème le 23 mai dernier.
Nos élu(e)s eurométropolitain(e)s ont pu s’attaquer au TSPO, à la collecte des déchets ou encore au projet d’un hôtel hospitalier. L’assemblée s’est également penchée sur un autre sujet : un « permis de louer », dans le quartier Gare. Adopté à l’unanimité, il marque une nouvelle pierre dans la lutte de Strasbourg et de l’EMS contre l’habitat indigne. Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette dénomination ?
© David Levêque / Pokaa
C’est quoi un « permis de louer » ?
Si l’idée paraît intrigante, elle n’est néanmoins pas nouvelle. Depuis la loi Alur de 2014, les collectivités peuvent mettre en place un « permis de louer », leur permettant de définir des zones dans lesquelles la mise en location d’un logement sera soumise à une demande d’autorisation préalable ou à une déclaration. Cela renforce le contrôle par les collectivités des conditions de sécurité et de salubrité des logements du parc privé, particulièrement dans des zones comportant un nombre important d’habitats dégradés, soit des logements présentant de l’humidité, des risques électriques ou des défauts d’habitabilité.
Depuis, 630 communes se sont déjà dotées de tels « permis de louer ». Strasbourg n’arrive donc clairement pas en tant que pionnière en la matière, et ce même si Jeanne Barseghian avait comme objectif de mettre en place un « permis de louer » dès 2021. Finalement, c’est par une délibération votée lors du conseil municipal du 24 juin 2024 que Strasbourg valide ce dispositif, se préparant à l’expérimenter sur l’un de ses quartiers : la Gare.
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Comment ça marche ?
Si l’on se fie à la délibération (à partir de la page 147), ce « permis de louer » se mettra en place à partir du 1er mai 2026 dans le quartier Gare. Pour cette première, il s’appliquera aux seuls locaux privés loués à usage d’habitation principale, vides ou meublés, mais construits avant 2006. Les logements conventionnés par l’État, c’est-à-dire les logements sociaux, ne sont pas concernés. C’est la Ville de Strasbourg qui prendra en charge le coût du dispositif et les modalités d’exercice.
Dès le 1er mai 2026, les propriétaires concerné(e)s devront alors solliciter une autorisation auprès de la collectivité compétente avant la mise en location de leur bien, pour toutes les nouvelles locations ou changements de locataires. Grâce à un examen d’un dossier de diagnostics techniques [comme l’amiante, le plomb, l’électricité ou encore la performance énergétique, ndlr], voire même une petite visite du logement, la collectivité rendra son verdict. Là, trois possibilités :
- Autorisation
- Autorisation avec réserves demandant la réalisation des petits travaux
- Refus motivé vis-à-vis des risques pour la santé ou la sécurité observés
© Samuel Compion / Pokaa
Pourquoi le quartier Gare ?
Aujourd’hui, près de 9 200 logements sont considérés comme insalubres dans le Bas-Rhin, dont près de 30% se trouvent au sein de l’Eurométropole. Par ailleurs, dans l’étude qu’elle a lancée en automne dernier pour préparer le terrain, la Ville de Strasbourg a vu que plus de 2 100 logements locatifs sont potentiellement dégradés et ne bénéficient pas d’un confort minimal. En outre, près de 16 000 logements privés présenteraient une étiquette énergétique classée F ou G, soit celles des passoires thermiques.
En utilisant ce qu’elle appelle un « score de vulnérabilité » pour chaque quartier strasbourgeois [une donnée prenant en compte les risques de dégradation, les signalements d’habitat indigne ou encore la précarité énergétique, ndlr], la Ville a remarqué que le secteur Gare présentait une part d’habitats privés potentiellement dégradés parmi les plus élevées (4,5 %). Mais ce n’est pas tout : ce secteur est aussi celui avec le nombre de signalements « habitat indigne » le plus marqué et a un score de vulnérabilité (10,3 %) important vis-à-vis de son parc locatif privé au regard des autres territoires. C’était donc par là qu’il fallait débuter.
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« Demi-mesure peu ambitieuse » VS « avancée importante et attendue » : quels débats politiques ?
Au sein de l’enceinte eurométropolitaine, les débats ont été relativement consensuels, résultant en une délibération votée à l’unanimité. Néanmoins, une partie de l’opposition ne s’est pas privée de critiquer le manque d’ambition de l’expérimentation.
Céline Geissmann (PS) fustige une « demi-mesure de fin de mandat », tandis que Rebecca Breitman (Modem) regrette le fait d’avoir « trop tardé ». La conseillère d’opposition se demande également pourquoi d’autres quartiers comme le Neuhof ou Koenigshoffen n’ont pas été inclus dans l’expérimentation, tandis que Céline Geissmann reviendra plusieurs fois à la charge, pour connaître leur score de vulnérabilité. Malheureusement pour elles, sans succès.
L’an prochain, on aura un dispositif solide qui permettra de contrôler et sanctionner les marchands de sommeil.
Jeanne Barseghian
© Samuel Compion / Pokaa
De son côté, Hülliya Turan rappelle tout de même que c’est une « avancée importante et attendue dans la lutte contre l’habitat indigne ». Plus frontale ensuite, elle rappelle que le « permis de louer » existe depuis plus de 10 ans, et qu’une autre mandature aurait également pu expérimenter de tels dispositifs, ce qui n’a pas été fait. Elle dénonce ainsi des « politiques politiciennes de petit niveau ». De son côté, Suzanne Brolly rappelle que « ce dispositif est en complément d’autres mesures qui ont été nécessaires et qu’il a fallu urgemment mettre en place contre les passoires thermiques ».
Pour conclure, Jeanne Barseghien regrette « que certains collègues cherchent la polémique alors que cette délibération va permettre de lutter contre l’habitat indigne ». La maire de Strasbourg se réjouit que « l’an prochain, on aura un dispositif solide qui permettra de contrôler et sanctionner les marchands de sommeil ». Prochain rendez-vous ? Le conseil municipal du 23 juin prochain.