Jean-Christophe Colombo, le chauffeur de bus bordelais roué de coups par un passager mi-mai, est convoqué par sa direction pour un entretien préalable avant sanction, le 17 juin prochain. Il lui est reproché de n’avoir pas respecté les consignes de son employeur à suivre lors d’une agression.
En formation, les conducteurs de bus de Keolis – le réseau d’exploitation des transports en commun bordelais – reçoivent pour consigne de ne pas quitter leur poste et de ne rien dire quand ils sont insultés ou invectivés par des passagers, selon Jean-Christophe Colombo. «On nous explique que ce n’est pas nous qui sommes agressés, mais l’image que nous représentons. En interne, une insulte n’est pas considérée comme une agression par la direction : elle n’entraîne pas de dépôt de plainte alors même que nous sommes dépositaire d’une mission de service public», confie le conducteur de bus qui a été agressé ce mercredi 7 mai. Le quinquagénaire, qui exerce ce métier depuis 28 ans sur le réseau bordelais, avait craqué ce jour-là après l’incivilité de trop. Face à un passager qui fraudait, qui refusait de le saluer et qui l’injuriait, il avait quitté son poste de conduite pour lui demander de sortir du bus.
Une attitude qui s’est vite retournée contre lui. Le passager clandestin l’a roué de coups avant de s’enfuir ; tandis que la direction de Keolis a convoqué l’agent pour un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, le 17 juin prochain. «Je suis choqué. La lettre est datée du jour de mon opération, je crois que je le vis encore plus mal que mon agression. Je ne comprends pas. S’il s’agit juste de discuter, un entretien managérial suffirait», s’inquiète Jean-Christophe Colombo. Suivi psychologiquement depuis les faits, il a trouvé la missive recommandée alors qu’il rentrait de la clinique où il a dû subir une double opération de l’épaule des suites de son agression. Bien que désormais conscient de l’imprudence de son intervention auprès du passager, il s’indigne de la réaction de son entreprise.
Mise en danger
«Monsieur Colombo s’est mis en danger en allant voir ce passager. Il n’y a pas d’ambiguïté sur sa qualité de victime, mais ce n’est pas la mission d’un conducteur de bus d’éduquer les gens», rétorque Pierrick Poirier qui appuie sa démonstration sur le drame de Bayonne. Un chauffeur de bus était effectivement décédé sous les coups d’un passager à qui il avait demandé de porter son masque en pleine épidémie de Covid-19. Le directeur général de Keolis n’en démord pas. Jean-Christophe Colombo aurait dû selon lui, comme le prévoit la consigne, rester à son poste et régler la situation en appelant le PC sécurité.
«Monsieur Colombo est un conducteur expérimenté et délégué syndical : il ne peut pas ignorer cette règle. Nous nous devons d’être des professionnels. On peut me reprocher ma sévérité, mais en réalité je cherche à le protéger», insiste Pierrick Poirier. Avant de concéder : «Je sais que j’ai le mauvais rôle dans cette affaire. Tout le monde peut avoir une mauvaise journée, mais il est important d’entendre ses explications et de s’assurer qu’il ne reproduise pas ce type de comportement.»
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«Il est gentil de dire ça depuis sa tour de verre, assis dans sa chaise au 9e étage, bien à l’aise dans son bureau climatisé avec sa machine à café. Mais si je vais dans son bureau en lui criant : “Fils de p***, va te faire enc***”, comment va-t-il réagir», s’offusque le chauffeur de bus agressé. Avant de conclure : «On n’est ni des bêtes ni des machines. Un être humain est aussi amené à réagir…»