Cela ne date pas d’hier. L’association ForezAgir estime que l’aéroport Saint-Etienne Loire est inutile et coûteux. Après avoir lancé une pétition début mai pour stopper les financements publics de la structure, elle vient de déposer un recours pour demander au Département de retirer sa délibération autorisant le versement d’une contribution à hauteur de 527 420 au Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Etienne Loire. Sans nouvelle de ce recours, elle demandera au tribunal administratif de trancher…

« Le Département n’a plus vocation et n’a plus les moyens, cela va devenir de plus en plus compliqué », affirmait sans détour pas Jérémie Lacroix, vice-président du Département chargé des mobilités et des finances, lors d’une interview en avril dernier sur les financements publics de l’aéroport Saint-Etienne Loire. De quoi se glisser dans la brèche, pour l’association ForezAgir, qui a pour vocation de requestionner l’usage et la notion de service public, en proposant des solutions alternatives, et en alimentant les débats sur des sujets locaux. 

A l’époque, une baisse de 15 % des contributions allouées par les collectivités à l’aéroport venait d’être actée pour le budget de la structure, lors de son Conseil syndical, sous l’impulsion de son principal contributeur. Le Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Etienne Loire (Smasel) se compose du Département (43 %), de Saint-Etienne Métropole (30 %), de la CCI (15 %), de Loire-Forez Agglomération (7 %), et de la Communauté de communes Forez-Est (5 %). Or, en raison de ses statuts, toutes les contributions sont liées. De ce fait, si le Département diminue sa subvention de 15 %, une baisse d’égale proportion sera mécaniquement opérée par l’ensemble des membres. Il en va de même pour les éventuelles augmentations. Sachant que pour obtenir gain de cause, les statuts impliquent qu’un budget doit être voté aux deux tiers.

1,2 million d’euros de financements publics

Or, dès l’automne dernier, le Département avait alerté et annoncé qu’il diminuerait sa contribution pour des raisons de budget. A l’issue d’une réunion animée, la baisse de 15 % avait été convenue, ce dont s’était félicitée l’association ForezAgir qui souhaite désormais aller plus loin. « Le financement de l’aéroport n’est basé que sur la générosité du contribuable, déclarait Jérôme Peyer ce jour, président de l’association, lors d’une présentation à la presse du recours déposé, aux côtés de son avocat. Nous considérons que c’est une gabegie insupportable, au moment même où l’on nous demande à tous de faire des efforts ».

L’association a fait le calcul et estime que 30 millions d’euros au total ont été versés à l’aéroport en 15 ans. En 2025, 48 % des recettes seront des subventions locales assure Jérôme Peyer, pour 1,2 million de contributions des collectivités, après baisse de 15 %. « Dans cette gouvernance, il a un acteur principal, dont vous connaissez tous les difficultés financières ». Fin mars, le Département actait ainsi une contribution revue à la baisse de 527 420 euros. Et l’association entend bien remettre en cause la légalité de ce financement.

©JT/ If Saint-Etienne

Une compétence régionale

Elle a d’abord lancé une pétition début mai, s’opposant aux contributions publiques visant à financer l’aéroport, qui enregistre près de 1 200 signatures. Aujourd’hui, aidée par le cabinet Arego et conseillée par l’avocat associé maître Alex Ouvrelle, l’association s’appuie sur la loi NOTRe, adoptée en 2015 et qui a modifié le champ d’intervention des collectivités, faisait de la Région la seule compétente pour octroyer des aides économiques à des entreprises. « Le Smasel a décidé d’adopter une baisse de redevance pour les compagnies aériennes qui viennent s’installer. C’est le cas pour ASL Airlines France qui a bénéficié d’une exonération de 75 % en 2025, puis 50 % en 2026 et ainsi de suite, détaille le président de l’association. Cela peut être considéré comme une aide aux entreprises. De même, le syndicat finance une campagne de communication pour une compagnie qui s’installe, à hauteur de 30 000 euros. Ce n’est pas illégal d’aider les entreprises, mais cela doit être fait par la Région ».

Lors de notre dernier article, les contributeurs avaient pour projet de solliciter la Région, déjà impliquée dans la gouvernance de quatre aéroports du territoire. Elle pourrait alors se substituer au Département. « Ce serait légal, et nous participerions au débat, assure Jérôme Peyer. Mais, politiquement, nous trouverions ubuesque que la Région abandonne des services prioritaires pour maintenir sous perfusion une infrastructure qui concerne 6 600 voyageurs par an ». Autre point de contestation, l’argument touristique qui peut être mis en avant par le Département.

Nous attendons une réponse, sinon, à la rentrée, nous demanderons à la juridiction compétente de trancher le sujet.

Jérôme Peyer, président de l’association ForezAgir.

Relancer le débat

En effet, le tourisme est une compétence du Département. « Il peut mener une politique touristique, mais il va falloir déterminer si son action va permettre de développer l’activité », pointe l’avocat.Sur le sujet, une circulaire interministérielle de 2019 précise qu’un Département est compétent pour financer une liaison aérienne si elle a « un caractère touristique indiscutablement prépondérant ». Cela n’est pas le cas pour Jérôme Peyer qui estime que la structure sert davantage à envoyer des Ligériens dépenser de l’argent ailleurs qu’à faire venir des touristes sur le territoire.

Enfin, ForezAgir s’appuie également sur le fait que les Départements ont l’interdiction de compenser le déficit des services publics industriels et commerciaux, soit ayant une vocation économique et non pas administrative. « Nous avons donc soumis cette question au Département, qui a la possibilité de retirer sa délibération et dispose de deux mois pour répondre », indique Alex Ouvrelle. Plus qu’une injonction à retirer sa contribution à l’aéroport, ForezAgir souhaite en profiter pour aller plus loin dans le débat et obliger les élus à se positionner.

Tribunal administratif en septembre ?

L’association estime que l’argent alloué à l’aéroport serait davantage utile s’il servait la mobilité quotidienne des Foréziens. « L’idée n’est pas d’encombrer le tribunal. D’où cette première étape, détaille le président de l’association. Nous proposons de resserrer l’aéroport sur le service public via les missions de sécurité civile et sanitaire. Nous attendons une réponse, sinon, à la rentrée, nous demanderons à la juridiction compétente de trancher le sujet. Nous nous adressons au Département car s’il retire sa contribution, c’est tout le château de cartes qui tombe ».

Pour ForezAgir, les aéroports de Bron pour le tourisme d’affaire, situé à 66km, et celui de Saint-Exupéry, à 76 km, sont suffisants. « Dans un rapport, la Cour des comptes le dit elle-même, il y a suffisamment d’aéroports proches, insiste Jérôme Peyer. Tous les jours, depuis Lyon, des vols partent pour Béjaïa. Est-ce que l’on n’a pas autre chose à faire de notre argent public ? ». Le Département dispose désormais de deux mois pour se positionner… cette action lui offrirait alors une porte de sortie définitive ?

Au moment où nous écrivons ses lignes, nous ne sommes pas parvenus à joindre Jérémie Lacroix pour le savoir. Reste que si une procédure est lancée, elle pourrait faire jurisprudence car jusqu’alors, d’après Alex Ouvrelle, la question est relativement inédite.