Le 28 mai dernier, l’Assemblée nationale votait la suppression des zones à faibles émissions (ZFE). Si la décision doit encore être confirmée par plusieurs étapes, c’est un coup dur pour les métropoles qui avaient mis en place et adapté localement cette mesure, comme Strasbourg. On fait le point sur ce qui change… ou pas.

Est-ce la fin des ZFE et de toutes leurs polémiques, en France comme à Strasbourg ? Depuis sa mise en service en 2022 sur le territoire strasbourgeois, la mesure ne cesse de faire parler d’elle, et elle pourrait être purement et simplement rayée de la carte dans les mois à venir.

La conséquence d’un vote le 28 mai dernier à l’Assemblée nationale, sur un article du projet de loi de « simplification ». Introduit en commission par les Républicains et le Rassemblement national, il a été adopté par 98 voix contre 51, grâce aux voix de l’alliance RN-Union des droites pour la République, de la droite, de La France insoumise et de quelques député(e)s macronistes. Mettant théoriquement fin au dispositif en vigueur depuis plus de 3 ans dans plusieurs métropoles, dont Strasbourg.

voitures travaux halles © Nicolas Kaspar / Pokaa

C’est/c’était quoi la ZFE à Strasbourg ?

Avant de revenir sur ce que change ou non, petit retour en arrière sur la ZFE en elle-même, dans son exemple strasbourgeois. Étant une des mesures phares du premier mandat d’Emmanuel Macron, la ZFE devait servir à limiter la circulation des véhicules les plus polluants dans un périmètre défini, pour améliorer la qualité de l’air.

Pour cela, un sésame : la vignette Crit’air, qui a fleuri ces dernières années allant de 0 à 5, 5 étant les véhicules les plus anciens.


Voitures stationnement

Obligation légale de la part de l’État, l’Eurométropole révélait en 2021 le premier calendrier de mise en application de la ZFE, commun à tout le territoire :

  • 2022 : entrée en vigueur de la ZFE pour les Crit’air 5 et les sans Crit’air.
  • 2023 : interdiction définitive pour les Crit’air 5 et les sans Crit’air et entrée en vigueur de la ZFE pour les Crit’air 4.
  • 2024 : entrée en vigueur de la ZFE pour les Crit’air 3.
  • 2025 : interdiction définitive pour les Crit’air 4 et entrée en vigueur de la ZFE pour les Crit’air 2.
  • 2027 : interdiction définitive pour les Crit’air 3.
  • 2028 : interdiction définitive pour les Crit’air 2.

Un calendrier qui a connu quelques changements, notamment concernant les Crit’air 3, soit les essences immatriculées avant 2005 et les diesels immatriculés avant 2010. En effet, alors que l’entrée en vigueur de la ZFE devait se faire en 2025, elle avait finalement été repoussée jusqu’en 2027, soit à la date de leur interdiction définitive, comme expliqué au-dessus.


avenue du rhin © Nicolas Kaspar / Pokaa

La ZFE a-t-elle eu des effets à Strasbourg ?

Concrètement ? Oui. C’est d’ailleurs l’une des raisons du changement de calendrier détaillé ci-dessus : des améliorations ont été constatées, notamment du côté de la qualité de l’air. Comme on vous l’expliquait dans nos colonnes, en 2023, la station de référence à Strasbourg était sous la valeur réglementaire en vigueur pour le NO2 (36 μg/m3).

Au fil des années, les concentrations de NO2 et de particules fines ont évolué à la baisse, une tendance reliée notamment à la baisse des trafics, mais aussi à des conditions météorologiques favorables ces dernières années. De plus, alors qu’en 2019, 220 000 personnes dans l’Eurométropole étaient exposées à une concentration moyenne annuelle en dioxyde d’azote supérieure à 20 μg/m3, elles n’étaient plus que 7 800 personnes à être encore exposées à ce niveau de pollution.

voiture temple neuf © Nicolas Kaspar / Pokaa

Néanmoins, cette amélioration n’était qu’une première étape, car 92% de la population métropolitaine reste tout de même exposée au niveau limite de pollution préconisé par l’OMS (10 µg/m3). Et toutes ces concentrations, même quand elles s’améliorent, restent ainsi très éloignées de cet objectif. C’est pour cela qu’après l’annonce de leur suppression, Jeanne Barseghian parle d’un « grave recul pour la santé des Français », l’édile plaidant pour « des ZFE justes ».

Pour résumer, alors qu’à Strasbourg la mesure a eu des effets positifs, bien qu’encore limités, cette décision est vécue comme une défaite pour les écologistes et les défenseurs/ses de la santé, de l’environnement et de la qualité de l’air. C’est même un recul supplémentaire en la matière sur cette proposition de loi, après l’adoption de nouvelles entorses au principe de zéro artificialisation nette (ZAN) et le passage en force de la proposition de loi agricole Duplomb, qui veut réintroduire des pesticides néonicotinoïdes. Sale temps pour la planète.

stationnement voitures © Nicolas Kaspar / Pokaa

Est-ce que cela veut dire que la ZFE à Strasbourg c’est finito ?

Pas encore. La loi reste encore aujourd’hui en vigueur, donc pour le moment, rien ne change ; ne brûlez donc pas tout de suite votre vignette Crit’air. Par ailleurs, si vous comptiez revenir avec votre véhicule Crit’air 4 ou 5 dans l’Eurométopole, techniquement, vous pourriez toujours faire face à une amende de 68 ou 135 €.

Dans les faits, néanmoins, vu que la pédagogie a toujours été de mise [les contrôles automatisés dépendent de l’État qui n’a jamais avancé sur ce sujet en 4 ans, ndlr], il y a peu de risques que les amendes se mettent à pleuvoir.

embouteillage voiture circulation © AI – Pxhere / Photo d’illustration

Concernant l’avenir de la ZFE, c’est plus flou : la disposition doit encore être validée lors du vote final du projet de loi de « simplification de la vie économique » en séance plénière, puis en commission mixte paritaire AN/Sénat. L’examen du texte doit reprendre les vendredi 13 et samedi 14 juin.

Par ailleurs, selon Le Monde, certain(e)s député(e)s estiment que l’abrogation des ZFE pourrait être censurée en bout de course par le Conseil constitutionnel car étant une mesure trop éloignée du texte initial. Le mystère reste entier.